Comment fonctionneront les EPI ? Qui décidera des marges d’autonomie données au collège ? Sans surprise, la rencontre du 10 juin entre le cabinet de la ministre et l’intersyndicale Snes, FO, Sud, Cgt n’a pas permis une reprise des discussions. Celle-ci appelle à la grève le 11 juin contre la réforme du collège. Le ministère a travaillé, avec le Se-Unsa et le Sgen Cfdt, le 10 juin sur un projet de circulaire d’application que le Café pédagogique s’est procuré. Le texte donne des indications sur la formation, le fonctionnement des EPI, celui du conseil d’administration dans le fonctionnement du futur collège.
Combien de grévistes le 11 juin ?
« Les propos tenus par son cabinet montrent que la Ministre n’envisage pas de remettre en cause « les fondamentaux de la réforme », mais seulement de « préciser » et d’apporter « des recommandations de mise en oeuvre ». Ce cadre de discussion n’est pas acceptable », déclare l’intersyndicale le 10 juin. « C’est pourquoi les organisations ont quitté le groupe de travail ». Seuls le Se Unsa et le Sgen Cfdt ont continué à travailler sur le projet de circulaire d’application.
L’intersyndicale maintient son appel à la grève le 11 juin. Des rassemblements sont prévus dans de nombreuses villes. Les syndicats appelant au mouvement sont très majoritaires et le taux de participation sera sans doute observé de près par le ministère. Le 19 mai l’intersyndicale , avec le Snalc, avait mis en grève 23 % (ministère) à 50% (intersyndicale) des professeurs des collèges. L’intersyndicale fera-t-elle mieux le 10 juin ?
L’intersyndicale a refusé de discuter du texte proposé par le ministère qui préfigure la circulaire d’application de la réforme. Elle évoque les prises de décision dans le collège, les EPI, l’accompagnement personnalisé, les langues, les sciences et le temps scolaire des élèves.
La répartition horaire
L’autonomie évoquée dans la réforme c’est l’autonomie de qui ? La circulaire définit précisément le rôle de chaque conseil : d’enseignement, pédagogique et d’administration. Le conseil pédagogique, qui reste nommé par le chef d’établissement, « formule des propositions quand aux modalités de l’accompagnement personnalisé – soutien, approfondissement, méthodes de travail – et de regroupement des élèves, que le chef d’établissement soumet ensuite au conseil d’administration. Il est saisi pour avis sur l’organisation des enseignements pratiques interdisciplinaires ». C’est le conseil d’administration (CA) qui « arrête l’organisation des enseignements – enseignements communs, enseignements complémentaires (accompagnement personnalisé et enseignements pratiques interdisciplinaires), et enseignements de complément – et la répartition des moyens horaires ». L’offre d’accompagnement personnalisé (AP) , d’enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) sont présentés au CA.
» Le conseil d’administration répartit la dotation horaire supplémentaire mise à la disposition des établissements entre les moyens nécessaires à la constitution de groupes à effectifs réduits, aux interventions conjointes de plusieurs enseignants et aux enseignements de complément. La forme courante d’organisation en classes peut être remplacée temporairement par d’autres formes de regroupement, dont l’objectif doit être de favoriser les pratiques pédagogiques différenciées. »
La circulaire explique ensuite que les établissements pourront faire des langues anciennes ou régionales grace à l’augmentation de la dotation horaire supplémentaire qui passe de 0,5 à 2,5 heures par clase. « Les groupes à effectifs réduits ont vocation à être constitués en priorité pour les sciences expérimentales, la technologie, les langues vivantes étrangères, les langues régionales et l’enseignement moral et civique », précise le texte.
A noter que le texte envisage l’application en bloc de la réforme pour tous les niveaux du collège dès la rentrée 2016 et non une application niveau par niveau à partir de la rentrée 2016.
Les EPI
La circulaire donne comme objectif aux EPI « une réalisation concrète, individuelle ou collective » qui peut être un exposé ou un livret. » Des heures professeurs peuvent être mobilisées notamment pour des interventions conjointes de plusieurs enseignants ».
Le nombre d’EPI est au minimum de 6 pour chaque élève sur le cycle 4. Il y en a donc au minimum 2 par an, l’EPI « monde économique et professionnel » devant avoir lieu en 4ème ou 3ème. « Les enseignements pratiques interdisciplinaires peuvent être de durée variable (trimestrielle, semestrielle, annuelle), sur un horaire hebdomadaire de 1 à 3 heures. Un établissement peut combiner des enseignements pratiques interdisciplinaires de durées différentes. Par exemple : trois enseignements pratiques interdisciplinaires trimestriels de trois heures; deux enseignements pratiques interdisciplinaires semestriels de deux heures, et trois enseignements pratiques interdisciplinaires trimestriels de 1 heure; un enseignement pratique interdisciplinaire semestriel de trois heures, un enseignement pratique interdisciplinaire semestriel d’une heure, un autre de deux heures ».
La circulaire spécifie qu’une « thématique interdisciplinaire peut être suivie par un élève chaque année du cycle 4″ ce qui vise les langues anciennes et régionales. Mais, » les élèves qui bénéficient d’un enseignement de complément doivent être répartis dans plusieurs classes, afin d’éviter la constitution de filières sur la base de ce choix ».
L’accompagnement personnalisé
La circulaire précise que toutes les disciplines peuvent y participer. Il peut prendre la forme de soutien, d’approfondissement ou d’un travail méthodologique. » En classe de sixième, les trois heures d’accompagnement personnalisé ont pour objectif de faciliter la transition entre l’école et le collège, en rendant explicites les attendus du travail scolaire ». Les élèvs peuvent être regroupés différemment pour l’AP.
Les langues étrangères et régionales
La circulaire étend aux langues régionales la possibilité de continuer en 6ème, à coté de l’anglais, cette langue quand elle a été commencée à l’école. Le mécanisme n’est pas automatique mais possible. Dans ce cas l’élève a 4 heures dans la langue continuée et 2,5 h d’anglais. Là aussi les élèves ne doivent pas être regroupés en filière. » L’organisation de l’apprentissage de la deuxième langue vivante en une séquence d’une heure et deux séquences de trois quarts d’heures est à privilégier. » Un arrêté complémentaire devrait être publié pour étendre aux langues régionales le bénéfice de la continuité pédagogique reconnue aux langues étrangères.
Les sciences et les arts
La circulaire précise que l’EIST est une possibilité proposée au choix de l’équipe. De même le regroupement des disciplines artistiques est une possibilité offerte aux enseignants qui doivent manifester un « accord explicite ».
Le temps scolaire des élèves
La criculaire revient sur les pondérations horaires. » L’établissement peut moduler de manière pondérée la répartition du volume horaire hebdomadaire par discipline, dans le respect à la fois : du volume horaire global dû à chaque discipline d’enseignement obligatoire pour la durée du cycle, du volume horaire global annuel des enseignements obligatoires dû à chaque élève, des obligations réglementaires de service des enseignants. La modulation de la répartition du volume horaire hebdomadaire est fixée pour la durée du cycle. La répartition du volume horaire doit rester identique pour tous les élèves d’un même niveau. Toutes les disciplines d’enseignement obligatoire sont enseignées chaque année du cycle. »
Le maintien des classes pré professionnelles et CHAM
« En ce qui concerne les classes à horaires aménagés (classes à horaires aménagés musique, danse et théâtre et sections sportives) ainsi que les sections internationales, les dispositions horaires restent identiques aux conditions actuelles. » Quant aux classes pré professionnelles elles ont le même horaire que les autres classes mais avec un complément horaire spécifique qui reste à préciser.
Le plan de formation
La circulaire donne des détails sur la formation des équipes qui ont été aussi discutés le 10 juin devant la commission de la culture du Sénat. » Dès le début de l’année scolaire 2015-2016, les personnels de direction et les inspecteurs territoriaux bénéficieront d’un plan d’accompagnement spécifique dans chaque académie ». Viendront ensuite en janvier la formation des membres du conseil pédagogique . Et seulement plus tard celle des autres professeurs. Cette précision a été donnée par Claude Desfray (SIA) au Sénat. Cette programmation donne à penser que la formation sera pyramidale.
La formation durerait 4 ou 5 jours, chaque établissement établissant des emplois du temps pour que chaque enseignant puisse en bénéficier par roulement sans interrompre les cours. » La formation des enseignants et conseillers principaux d’éducation se déploie en plusieurs vagues, afin de ne pas mobiliser tous les enseignants d’un collège en même temps ».
Sur ces 5 jours , la formation devra aborder pas moins que » l’appropriation des nouveaux programmes de cycle ; la mise en place des nouveaux temps d’enseignement : enseignements pratiques interdisciplinaires, accompagnement personnalisé, groupes à effectifs réduits ; la différenciation pédagogique ; la pédagogie de projet ; les usages pédagogiques du numérique, en lien avec la mise en œuvre des programmes ; les pratiques d’évaluation des acquis des élèves ».
La circulaire ne revient donc sur aucun point de la réforme dont elle applique dans les détails les principes. Elle organise notamment l’autonomie que redoutent les opposants à la réforme.
François Jarraud