La dernière Journée de l’OZP le 30 mai le rappelle : un consensus s’est établi entre l’institution et de nombreux cadres de l’éducation prioritaire pour privilégier une approche pédagogique. Si celle-ci a évidemment de l’intérêt pour la classe et les jeunes, elle a aussi l’avantage d’exonérer de toute responsabilité les acteurs institutionnels. Or plusieurs études montrent l’efficacité d’autres approches comme par exemple la réduction du nombre d’élèves par classe.
Changer la pédagogie pour faire mieux réussir les élèves des quartiers populaires semble une demande tout à fait raisonnable. C’est celle qu’a choisi la réforme de l’éducation prioritaire en France en publiant un « référentiel » qui impose une forme pédagogique et en multipliant les postes intermédiaires, professeurs référents et coordonnateurs, chargés d’encadrer et impulser cette réforme pédagogique. Derrière cette approche d ela question, on trouve toute une littérature , souvent nord américaine, qui montre que la qualité des enseignants est le critère déterminant pour l’action éducative.
Pourtant, même en évitant bien des questions qui fachent, la Journée de l’OZP montre que cette approche fonctionne mal. L’éducation nationale traite l’éducation prioritaire dans ses schémas bureaucratiques habituels difficilement conciliables avec la notion de réseau inter degrés. Les cadres intermédiaires surtout les coordonnateurs sont mis dans des situations difficiles et leur légitimité toujours suspectées. Encore la Journée a-t-elle posé un voile sur des formations initiale et continue que l’on sent défaillantes. Encore n’a–elle pas abordé la question de l’inégalité des moyens entre prioritaire, où on affecte des enseignants débutants, et le non prioritaire.
Cependant l’institution ne peut totalement écarter ses responsabilité de gestion. Elle l’a fait quand l’étude historique de Piketty et Valdenaire a été censurée par le ministère. La grande force de ce travail c’était de s’appuyer sur une méthode incontestable. Elle joue sur les effets de seuil qui font que de façon aléatoire certaines classes sont éclatées en deux groupes classes. A l’école primaire, aujourd’hui, l’écart entre une classe prioritaire et une non prioritaire est de deux élèves seulement, 21 élèves par classe dans l’une, 23 dans l’autre. M Valdenaire a calculé l’effet d’une diminution supplémentaire de 5 élèves en éducation prioritaire. « La diminution de 5 élèves des tailles de classes de ZEP conduirait à une réduction des inégalités de 37% au primaire, 13% au collège et seulement 4% au lycée », écrivaient les auteurs dès 2006. A noter que cette question, longtemps tabou , commence à émerger au ministère. Un récent numéro d’une revue ministérielle l’évoque. Et JP Delahaye demande expressément la réduction forte du nombre d’élèves en REP+ dans son récent rapport sur Ecole et grande pauvreté. D’autre stravaux menés dans plusieurs pays développés vont également dans ce sens.
Récemment l’étude de DW Schanznbach a montré que la formation des enseignants est moins déterminante que le nombre d’élèves. Elle établit d’abord que dans les classes à effectifs réduits l’enseignant consacre moins de temps à gérer la classe. Il y a moins de temps perdu à faire de la discipline et plus de temps pour le travail scolaire. Cet argument est particulièrement intéressant en France où, selon l’OCDE, les élèves déclarent beaucoup de perturbations en classe. L’étude montre que les enseignants accordent plus d’attention à chaque élève, suivent davantage leur progression et finalement adoptent des stratégies plus variées que dans une classe à effectif élevé. Ces deux facteurs sont particulièrement importants dans les écoles de l’éducation prioritaire où l’enseignant doit à la fois faire régner un climat propice aux études et affronter des difficultés pédagogiques plus importantes qu’ailleurs. Finalement c’est l’idée que le management scolaire fixe un cadre qui est plus important que la personnalité ou la formation de l’enseignant.
Cette approche ne doit évidemment pas inviter à ne pas s’intéresser à la formation des enseignants. Mais elle souligne les responsabilités des gestionnaires. Pour l’éducation nationale , engagée dans des réformes globales de tous les collèges et de toutes les écoles plutôt que de cibler ses efforts, et pour els collectivités locales pour qui cela se traduirait par des frais supplémentaires de construction de collèges et d ‘écoles. Il semble qu’il soit plus simple de faire porter le poids des échecs sur des enseignants débutants mal accompagnés par une institution peu intéressée au final à réformer son fonctionnement.
François Jarraud
Une nouvelle étude invite à réduire le nombre d’élèves par classe