L’Agora vient de faire son apparition dans le paysage des enseignants de philosophie : ouvert par Maryse Emel, webmestre du site académique de Créteil, cet espace réservé aux professeurs regorge de ressources de toutes sortes. Chaque inscrit est invité à y apporter sa contribution. Après avoir donné un nouveau souffle au site officiel de Créteil, Maryse Emel se lance avec enthousiasme dans l’aventure de l’Agora. L’expérience de vingt années d’enseignement difficile à la Courneuve lui avait inspiré de longue date le projet d’un outil d’entraide et de discussion pour les enseignants de philosophie. C’est chose faite, en toute indépendance à l’égard de l’institution.
Comment vous est venue l’idée de lancer cet espace de travail partagé ?
L’idée de départ de l’Agora, c’est vraiment de proposer aux collègues un espace libre de travail et d’échange collectif. C’est un lieu ouvert à tous les enseignants de philosophe, et à eux seuls, sur inscription. Ce n’est pas un site institutionnel : on peut y discuter en dehors de tout contrôle ou de tout regard de l’Inspection. La DAN (Délégation académique numérique) a fourni les moyens techniques , mais le rectorat n’exerce aucun contrôle.
Comment concilier cette activité avec celle de webmestre du site officiel de l’académie ?
Il s’agit de fournir des ressources complémentaires à celles du site académique, qui a sa propre ligne, dictée par l’IPR. Cet espace de travail est destiné à recueillir les réflexions, les recherches, les travaux expérimentés sur le terrain par les enseignants. Ce n’est pas un lieu d’information ou d’instruction, mais de mise en commun et de partage. Il y a un forum et un espace qui permet de chatter. L’outil appartient à la DAN, mais le contenu est complètement libre, j’en assure seule la régulation. Je souhaitais le faire depuis longtemps, mais la politique d’ouverture au numérique donnait une occasion inespérée de développer ce projet. Et l’avantage de mon statut de webmestre, c’est de pouvoir faire connaître ce site à mes collègues des autres académies et leur proposer de le diffuser auprès de leurs collègues de philosophie, pour en élargir l’audience !
Les professeurs s’en sont-ils emparés ?
Pour le moment, 34 professeurs se sont inscrits, mais il n’y a pas encore de contributions. Les gens observent et hésitent à se lancer. Je pense qu’il y a une part d’incertitude et de méfiance, la peur peut-être aussi du jugement des autres… Pour ma part, je me suis lancée : j’ai mis en ligne la quasi-totalité de mon propre travail. J’espère que d’autres suivront.
L’agora n’est pas destinée à ne recevoir que des ressources universitaires : elle est faite pour accueillir des démarches de recherche pédagogique de terrain. Par exemple, dans le cadre des TraAAM (Travaux académiques mutualisés), j’ai l’accord de l’Inspection pour monter un projet sur la réflexion autour de l’image et du numérique. J’espère qu’il viendra s’enrichir des expériences de chacun.
Pour les professeurs de philosophie, le problème est souvent de trouver des sources, des exemples… J’ai mis à disposition des dossiers de la BNF, il y a un gros dossier sur le cinéma, avec une banque de films, des fiches d’analyse, de réflexion sur leur usage en cours de philosophie. La rubrique « favoris » propose toutes sortes de compléments, des liens vers des portails de films, de vidéos, d’images . Il y a aussi beaucoup de ressources sur l’art en général. Je surveille constamment les ressources et j’ajoute celles qui me semblent les plus utiles.
Dans la rubrique « lectures suivies », j’ai mis mes propres travaux à disposition : chacun peut les utiliser, les compléter, les modifier ou déposer ses propres travaux – ce qui peut aider beaucoup les collègues, en particulier ceux qui commencent dans le métier.
Vous-même, vous n’enseignez plus sur le terrain ?
Un grave problème de santé m’en empêche, raison pour laquelle on m’a confié le site académique. J’ai enseigné pendant une vingtaine d’années à la Courneuve, et c’était un choix ! Je travaillais beaucoup sur la pédagogie détournée : j’ai monté des cafés culturels, des lieux de travail hors du lycée pour ceux qui n’avaient pas de lieu pour étudier. Il y avait des résultats ! Et puis la maladie est arrivée et j’ai dû m’interrompre. J’ai été nommée chargée de mission auprès de l’Inspection, et un rapport de confiance réciproque s’est instauré avec les IPR. J’ai aussi contribué dernièrement à monter un site pour le rectorat de Créteil.
Avec la maladie, j’ai compris combien la philosophie aide à vivre. Mais l’enseigner, on ne le dit pas souvent, c’est pourtant loin d’être facile. On a vraiment besoin de s’entraider pour le faire bien.
Propos recueillis par Jeanne-Claire Fumet
Le site de l’Agora, ouvert aux professeurs de philosophie exclusivement