Directeur de l’école Küss, une école faisant partie du REP d’un quartier populaire du 13ème arrondissement parisien, Pierrick Busseuil est confronté au quotidien des familles hachées par la crise et la pauvreté. Au delà des efforts quotidiens et des malentendus, il souligne la nécessité de construire une relation de confiance avec les parents pour faire progresser les enfants. Une exigence qui de vient chaque année plus ardue.
D’un coté de la rue ce sont de jolis immeubles neufs accueillant plutôt des cadres âgés entre jardin et tramway. De l’autre des HLM des années 30 à 70, des hotels sociaux. Au milieu il y a l’école Küss. Environ 240 enfants, de toutes les couleurs, de la maternelle au CP. Nous sommes installés dans le hall qui mène aux classes de maternelle et c’est un défilé de parents qui saluent Pierrick Busseuil. Aucun doute : le contact avec les parents est bien installé et la figure du directeur reconnue.
L’école guichet unique
Des enfants pauvres il y en a dans cette école où la grande majorité des familles bénéficie des tarifs de cantine les plus bas. Car c’est encore la façon la plus simple d’appréhender la situation sociale des parents. Il y a aussi la solidarité des parents délégués et le contact qu’a su créer Pierrick Busseuil.
Etre directeur rue Küss c’est tenir un guichet unique des administrations. Par chance l’école abrite aussi le bureau du médecin scolaire et de l’assistante sociale. Mais c’est quand même le directeur à qui on demande une lettre pour avoir un logement ou un travail. « On me demande maintenant d’intervenir pour faire rouvrir le gaz », nous confie P Busseuil. « Et ça marche ! GDF nous écoute ! ».
La souffrance des profs face à celle des familles ?
A Paris les directeurs sont déchargés de cours et P Busseuil prend le temps de recevoir longuement les familles en entretien individuel. » « L’alliance avec les familles c’est fondamental. On ne peut rien faire sans elle. Les enfants ont besoin de sentir qu’elle existe pour progresser ». Le dispositif « ouvrir l’école aux parents » est vécu comme un appui important. « Grâce à lui une mère de famille a découvert qu’elle pouvait travailler dans l’école après une formation. Elle a fait un stage d’entretien dans l’école. A la grande fierté de ses enfants elle est sur la photo de classe ! ».
Mais les familles ont aussi peur de l’école. Il y a des malentendus sur ce qu’est l’école et ce que les familles en attendent. « Et puis on ne sait pas ce que ça veut dire la grande pauvreté. On manque de formation », estime P Busseuil.
Le directeur ressent aussi l’air du temps. « Les enseignants sont dans le mal être. Leur métier n’est pas reconnu ». On sent qu’il y a moins d’ouverture aux problèmes des autres. Lors des récents mouvements pour la carte scolaire, les écoles du quartier se sont beaucoup appuyé sur les parents. Ils ont moins sacrifié leur paye que dans les combats précédents.
L’école point d’ancrage des familles
Pourtant toute l’école est organisée pour accueillir les enfants pauvres. « Les photos ? On en donne un tiers », explique P Busseuil.Les fournitures sont gérées avec le même souci des familles. « On s’est rendu compte que si on était sorti de REP on aurait perdu 15 000 euros de fournitures. Du coup ça fait réfléchir sur l’utilisation de cette somme ». Le problème rue Küss c’est plutôt de ménager la fierté des parents avec le souci de scolariser les enfants.
Ici on se rend compte de la vie quotidienne des familles pauvres. « Les parents passent des heures à traverser toute la ville. Ils déménagent souvent d’hotel en hotel. Récupérer le courrier impose des heures de trajet à pied. Trouver de l’aide consomme un temps fou. Finalement l’école est le seul lieu fixe dans leur vie. Ils y sont très attachés car c’est un point de repère. C’est aussi le seul endroit où ils peuvent nouer des relations et se socialiser ». L’école c’est plus que l’école. Le début de la République.
François Jarraud