Voici un nouveau plan qui ne renouvelle pas grand-chose par rapport aux précédents si l’on s’en tient aux seules dimensions numériques : équipement, formation, ressources forment le triptyque traditionnel. Reprenant l’image d’Epinal des ordinateurs dans les placards de jadis, le président a tenté de nous présenter sa différence, mais on ne peut pas dire qu’il y ait beaucoup de nouveauté sur le cœur du projet. Les auditeurs du discours ont du être un peu surpris de la première partie du discours qui a surtout justifié l’ensemble de la politique éducative depuis trois ans. Mais cet exercice de contextualisation avait aussi pour objectif de mettre en évidence une cohérence dans la durée. Mais c’est au cœur du discours que sont apparues les variations les plus intéressantes et surtout les marques d’inflexions qui ont montré la prise en compte de la concertation qui s’est tenue et dont la première partie de l’après-midi rendait compte.
La formation informatique
Première inflexion importante : tablette ou ordinateur, pas de choix préalable. Deuxième inflexion : respect et accompagnement des collectivités ayant déjà engagé des projets. Troisième inflexion : insistance sur l’autonomie des équipes en regard des contextes de leur action. Quatrième inflexion : la répartition primaire (300) et collège (200) pour les dotations de la rentrée 2015. Cinquième inflexion : souplesse vis à vis des collectivités territoriales (1 euro donné par l’état pour 1 euro donné par les collectivités.
A l’opposé si le triptyque matériel formation ressources a été confirmé, le président a confirmé la place de la formation « informatique » dans l’ensemble du cursus. Reprenant ce qui est écrit dans le socle sur le code à l’école et au collège c’est au lycée que l’avancée semble plus importante, mais pas vraiment nouvelle. Outre une formation en seconde (laquelle ? sous quelle forme ?) la généralisation de l’ISN (Informatique et Sciences du Numérique) à toutes les classes de terminales (lesquelles ?) est simplement la mise en application d’une initiative qui a déjà plusieurs années mais qui avait été mise en sommeil. Côté B2i et C2i enseignant rien ! Autrement dit si la formation initiale est concernée, il n’y a pas de reprise des initiatives antérieures, mais renvoi aux ESPE des initiatives.
Un plan modeste
Ce plan ne fait pas preuve d’audace et ne renverse pas les logiques antérieures. Il ne provoquera pas trop de mécontentement en particulier de la part des militants de toutes causes (pour ou contre le numérique). Ce plan semble avoir entendu ce qui a été dit en particulier dans les interventions de la deuxième partie de l’après-midi. Cela signifie que le président (ou plutôt ses conseillers) a surtout compris qu’il fallait savoir s’adapter. Adapter d’abord à l’idée absurde d’imposer des tablettes à tous les cinquièmes et laisser le choix des équipements. Adapter aux équipes et aux projets en permettant aux établissements de moduler leurs projets aux contextes dans lesquels ils travaillent.
Du côté des manuels scolaires, l’allusion aux poids des cartables est un véritable signe envoyé aux éditeurs qui tardent tant à mettre à disposition réellement des manuels numériques faciles d’accès. Il faut croire que depuis près de quinze années que l’on parle de cartable numérique, les choses ont peu avancé. Il suffit d’ailleurs d’aller dans les établissements scolaires, même dotés de tablettes ou d’ordinateurs en abondance pour s’apercevoir que le passage au manuel numérique n’est pas fait. D’ailleurs si celui-ci est la simple transposition du manuel papier, cela ne présente finalement qu’un intérêt bien modeste. L’industrie informatique ne s’en sort pas si mal, même si les rêves de certains se sont envolés en fumée, ils ne vendront pas à l’état des milliers de tablettes. Il y a fort à parier que les collectivités territoriales de plus en plus présentes dans le débat vont marquer davantage de leur empreinte les évolutions à venir dans ce domaine.
Enfin la reconnaissance du local ?
Si les rares chiffres communiqués montrent la modestie, in fine de l’investissement, on peut aussi déplorer qu’il n’y ait pas eu de signe fort pour la gouvernance des projets. En d’autres termes la Présidence manque vraiment d’audace pour ce qui concerne le monde scolaire. D’ailleurs les débats de l’après-midi le confortent dans ce sens et il aurait tort de trop bousculer le monde enseignant qu’il a d’ailleurs assez largement flatté. En d’autres termes un plan qui ne risque pas de faire changer le système éducatif, tout au plus tenter de répondre un peu mieux aux inégalités de toutes sortes que le numérique est en train de révéler.
Car finalement le sens politique de cette annonce est surtout autour de la méthode pour éviter que ne se creuse le fossé numérique : à faible dose, mais surtout en proposant davantage de local et moins de global ou de national. C’est probablement une évolution plus fondamentale qu’on ne l’imagine et qui s’articule avec l’idée qu’il faut sortir d’un modèle jacobin stricte et engager réellement l’adaptation des projets nationaux aux réalités locales. Reste à savoir si les collectivités locales vont jouer le jeu. Reste aussi à savoir comment les enseignants et leurs équipes vont recevoir cette nouvelle initiative. Il faut espérer que l’articulation entre ce plan et les initiatives déjà engagées se fera dans de bonnes conditions et que les équipes qui ont engagés des initiatives se sentiront ainsi soutenues et accompagnées dans la poursuite de leurs projets
Bruno Devauchelle