Il y a-t-il un lien entre la confiance dans ses capacités d’enseignant et la réussite des élèves ? C’est ce que pense l’OCDE qui appelle, dans un nouvel ouvrage, à rehausser le niveau de confiance des enseignants. Une recommandation qui semble adressée spécialement aux professeurs français nettement singularisés par un niveau de confiance abyssal. L’Ocde propose aussi des remèdes réalistes : faire face aux problèmes de disciplines, partager la direction, développer le sentiment d’appartenir à une équipe.
Les profs français les moins satisfaits ?
« Le sentiment d’efficacité personnelle des enseignants – leur confiance en leur capacité d’enseigner, d’intéresser les élèves et de gérer une classe – influe sur le rendement scolaire et la motivation des élèves, ainsi que sur les propres pratiques des enseignants, leur enthousiasme, leur engagement, leur satisfaction professionnelle et leur comportement en classe ». Cette affirmation est appuyée par Andreas Schleicher, directeur de l’éducation à l’OCDE, par un graphique qui vise particulièrement les enseignants français.
En effet, juste après les enseignants slovaques, les professeurs français sont ceux qui estiment leur profession la moins valorisée dans tous les pays de l’OCDE. C’est le cas de moins d’un enseignant sur dix. Et le lien entre ce sentiment et la réussite finale des élèves est clairement illustré.
Comment améliorer le degré de confiance des enseignants ? Pour A Schleicher, la question de la discipline dans la classe est centrale. Et ce n’est pas une petite affaire en France. Pisa 2009 avait montré qu’en France, la moitié des élèves déclare qu’il y a du désordre en classe et 20% ne peuvent pas bien travailler à cause du bruit en classe. C’est pire seulement en Grèce (la moitié des élèves ne peuvent pas travailler normalement), au Luxembourg, en République tchèque, au Brésil ou au Qatar. Une étude OCDE de 2013 montre que la France fait partie, avec les Pays Bas ou le Portugal, des pays où l’heure de cours est la plus grignotée par d’autres tâches que l’enseignement. Un quart de chaque heure de cours est consacré au maintien de l’ordre en classe. Pour A Schleicher, « l’augmentation du pourcentage d’élèves ayant des problèmes de comportement est associée à une forte baisse du niveau de satisfaction professionnelle déclaré par les enseignants ». Former les enseignants à la gestion des classes est donc un impératif pour l’OCDE.
Le tragique isolement des enseignants français
Mais il y aussi d’autres éléments. « Des relations interpersonnelles positives avec le chef d’établissement, les autres enseignants et les élèves sont à même d’atténuer les effets négatifs qu’un climat difficile en classe peut avoir sur la satisfaction professionnelle et le sentiment d’efficacité personnelle des enseignants », estime A Schleicher. « La collaboration entre les enseignants, que ce soit au travers de la formation continue ou de pratiques collaboratives, entraîne aussi des niveaux plus élevés d’efficacité personnelle et de satisfaction professionnelle. Ainsi, les enseignants qui ont déclaré participer à des activités d’apprentissage professionnel collaboratif au moins cinq fois par an ont aussi déclaré un sentiment d’efficacité personnelle plus élevé (dans presque tous les pays) et une meilleure satisfaction professionnelle (dans les deux tiers des pays et économies de l’enquête) ».
L’étude donne en exemple les « études de leçons » qui sont instituées au Japon et qui permettent aux enseignants d’observer des leçons, d’en discuter entre eux et de construire leur place dans la profession. Au Danemark, le travail d’équipe est encouragé au point que l’évaluation des enseignants se fait dans le cadre de l’équipe.
Or Regards sur l’éducation 2014, une étude de l’OCDE, a souligné l’isolement des professeurs français. De tous les pays de l’OCDE, il n’y a qu’en Espagne et en Islande où les enseignants ont encore moins de contact avec les autres enseignants. Quatre professeurs sur cinq déclarent ne jamais observer travailler leurs collègues et ne jamais avoir de retour sur sa façon de travailler.
Pour la France, le chemin vers l’école du 21ème siècle souhaitée par l’OCDE semble donc particulièrement long. C’est un nouveau métier qu’il convient d’inventer. Cela passe visiblement et par une évolution profonde de la hiérarchie et de la culture étatique. Cela a à voir aussi avec le désintérêt envers la pédagogie constaté dans la formation officielle des enseignants et même dans le pays en général.
François Jarraud
Andreas Schleicher, Des écoles pour les apprenants du XXIème siècle, OCDE 2015.
Quelles directions pour l’école du 21ème siècle ?