Où est passé le premier ministre qui dénonçait l’apartheid scolaire ? Le 17 avril, les propositions de Manuel Valls pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme à l’école sont très en retrait par rapport aux déclarations du premier ministre en janvier 2015. Le premier ministre a perdu de vue la problématique principale : comment éduquer contre le racisme dans un système éducatif qui se clive chaque jour davantage sur un critère ethnique ?
Il est pourtant facile de démontrer l’existence de cet apartheid. On sait qu’il vaut mieux vaut s’appeler Augustin, Marin et Henri pour avoir le bac S. Ou Sixtine, Anouk et Capucine pour le bac ES. Alors que pour le Bac STG Ahmed, Amel, Nadia ou Youssef suffisent. On voit, quand on visite les lycées professionnels, des établissements où la grande majorité des élèves appartiennent à des « minorités visibles » comme on dit poliment dans l’éducation nationale. Ainsi, en visite, le 7 mars 2015, au lycée d’Alembert à Paris, la ministre elle-même aurait pu constater que dans une classe de bac pro « Accompagnement, soins et services à la personne » tous les élèves sauf un sont des filles et 24 élèves sur 26 appartiennent à une seule « minorité visible ». Ces jeunes filles sentent bien qu’elles sont là au nom d’une double ségrégation. Certaines contestent leur position. Les autres ont le coeur tellement grand qu’elles l’ouvrent malgré tout aux personnes qu’elles soignent.
Que le système éducatif soit discriminatoire est clairement établi par Pisa 2012. En France les résultats scolaires sont liés plus qu’ailleurs à l’origine ethnique indépendamment de la situation sociale. A situation sociale comparable, selon l’OCDE, on observe un fort écart entre les résultats d’un autochtone et d’un allochtone. Et cela même pour la seconde génération. Des études, comme les travaux de G Felouzis confirment le phénomène. » La ségrégation scolaire se construit en grande partie sur des critères ethniques car le choix de l’établissement et l’évitement de certains collèges se fait à partir des caractéristiques externes et visibles du public des établissements », nous disait-il en 2014. « Et dans ce cas, le critère ethnique devient très fort… La ségrégation en fonction de l’origine ethnique des élèves est bien plus marquée qu’en fonction de leur origine sociale ou économique. Et cette mise à l’écart est un facteur déterminant de leur piètre acquis scolaire relativement aux natifs ».
Evidemment cela ne veut pas dire que les enseignants soient racistes. Mais le fonctionnement du système pousse à la ségrégation. Et celle-ci rend inaudibles les discours antiracistes à l’intérieur de l’Ecole. On aura beau envoyer toutes les équipes d’intervention imaginables dans les établissements, rien ne pourra annuler cette réalité. L’urgence c’est de s’attaquer à cela. Le gouvernement le fait par exemple avec le décret prévoyant de nouveaux secteurs d’affectation en collège. Mais ce décret nécessite l’appui des collectivités territoriales ce qui le fragilise beaucoup.
On est frappé aussi du choix fait par le premier ministre de marier des établissements et des lieux de mémoire. Ouvrir les établissements sur le tissu associatif et sur les structures locales semble une bonne idée. Mais le choix des lieux proposé va plus faire entrer les élèves dans des concurrence mémorielles que les aider à dépasser leurs préjugés. Pour cela il faut des lieux qui permettent de connaitre la culture de l’autre et non des repères mémoriels. C4est au Panthéon qu’on apprend ce que sont les valeurs républicaines. A l’IMA que j’apprends ce qu’est la culture arabe. Au musée d’histoire du judaïsme que découvre le judaïsme. A Izieu ou au Mémorial j’apprends autre chose d’essentiel mais qui ne répond pas au manque ressenti par les lycéens.
.
François Jarraud