Quand la participation à un atelier sur la ludification dans l’enseignement au 33e colloque de l’AQUOPS à Québec permet de réfléchir à l’utilisation du jeu en classe et à l’utilisation possible de Game of Thrones, très largement médiatisé à l’occasion de la diffusion de sa 5e saison, pour enseigner l’histoire.
En ce mardi 31 mars 2015 s’ouvrait le 33e colloque de l’AQUOPS à Québec. Le thème est « Développer le réflexe technopédagogique ». J’ai eu l’opportunité d’y participer ainsi que d’y animer un explorcamp et un barcamp. A l’occasion d’un déplacement au Québec, j’ai eu la chance de participer au 33e colloque de l’AQUOPS avec son thème « Développer le réflexe technopédagogique ». 700 participants de tout le Québec et des parties francophones du Canada engagés dans l’utilisation des technologies en classe avec leurs élèves. Rafraîchissant.
Durant la première journée, j’ai participé à un atelier consacré à la ludification (ou gamification) dans l’enseignement : La ludification : scénarios et défis pour votre cours ! ». Très concrètement, il s’agissait pour les participants à cet atelier de concevoir un scénario de ludification sur une séance ou une planification plus importante. Pour y parvenir, nous disposons notamment d’un outil de planification (voir les ressources de l’atelier : http://sainte-anne-technopedagogique.weebly.com/la-[…]), de différents outils en ligne (padlet, popplet, thinglink, kahoot ou edpuzzle) et du coaching des trois animateurs.
Après ma participation à l’atelier, j’en ai retenu que cette stratégie pédagogique comprend 5 étapes (5 étapes pour intégrer le jeu en classe), « recourt aux dynamiques des jeux et puise un thème dans la culture populaire, l’actualité ou encore à la culture de votre matière pour scénariser vos activités d’apprentissage » et qu’ «une des stratégies de base de ce mouvement est de récompenser les joueurs qui accomplissent des tâches désirées ». Il me faut concevoir l’activité en niveaux de jeu et prévoir des quêtes ou un chef d’oeuvre à réaliser ainsi que des récompenses pour mes élèves lorsque ceux-ci franchissent une étape du jeu (niveau).
Après réflexion, je me suis proposé de travailler à partir de Game of Thrones en mélangeant son univers propre à celui du monde médiéval. C’est une manière de prolonger ma chronique d’avril 2014 (Kaufmann, L. (2014). Jacques Le Goff et le moyen âge renvoyés dans les ténèbres par Games of Thrones ? Le Café pédagogique, No 152, avril) et de poursuivre mon travail sur la culture médiatique des élèves et son intégration dans le cours d’histoire (Kaufmann, L. (2011). Marie-Antoinette ? C’est hype ! Le Café pédagogique, No 119, janvier).
Mon objectif consiste « à replacer différents éléments permettant de faire interagir l’univers de la série avec celui du monde médiéval, voire de notre société actuelle ». Il s’agit au-travers de ces activités de dépasser leur côté ludique, ainsi que l’univers de la série, pour permettre aux élèves d’améliorer leur compréhension du Moyen-Âge et de leur en présenter une autre vision. Le résultat de mon travail est consultable sur mon blog (Scénario de ludification : Games of Thrones et le monde médiéval).
Au final, je retire de cet exercice un goût mitigé. Mon énergie s’est d’abord mise dans la construction d’un scénario respectant les principes de la ludification et s’approchant de la logique des jeux de rôles ou jeux vidéos. Cet univers ne m’est guère familier. Sur ce plan, je suis plutôt satisfait du résultat. C’est un exercice très motivant de réaliser un tel jeu. Très vite, on se pique au jeu !
Par contre, ce faisant, il est plus difficile de s’assurer que la séquence aboutisse à retrouver le Moyen-Âge de Le Goff ! Cependant, il est envisageable d’aborder de nombreuses thématiques médiévale à l’aide de Game of Thrones comme le climat, le rôle de la femme ou l’espace qui n’ont pas été traitées dans mon scénario.
Par ailleurs, des études[1] qui portent sur l’efficacité pédagogique des jeux montrent qu’ils favorisent la motivation et l’engagement des participants. Les jeux à vocation pédagogique suscitent aussi l’intérêt pour l’activité d’apprentissage.
En outre, comme l’indique Denis Sestier[2], professeur d’histoire-géographie au Lycée Malherbe (Caen) et créateur de jeu depuis 1988 au sein du réseau Ludus, « l’objectif est de rendre le plus possible les élèves actifs, tout en faisant en sorte qu’ils trouvent plus de plaisir à venir en classe, et en essayant de trouver des modalités pour mieux faire comprendre des choses complexes ».
Concernant l’étude du Moyen-Âge, il existe d’autres exemples récents de ludification, plus proche des programmes scolaires usuels. C’est le cas du jeu « Vivre au temps des châteaux forts », réalisé par Canopé de Caen avec la participation de collégiens de l’académie. Ce jeu invite à découvrir la vie quotidienne et l’organisation sociale du Moyen Age. Concernant la partie pédagogique du site, celle-ci aborde de nombreux thèmes du programme d’histoire et d’histoire des arts des classes de CM1 et de 5e (L’Occident féodal, XIe – XVe siècle) : paysans et seigneurs ; féodaux, souverains, premiers états ; la place de l’Église. Pour sa part, Pierrick Auger a mené l’étude du Moyen-Âge en cinquième à partir de la vie d’un chevalier imaginaire. Les élèves ont « incarné » un chevalier originaire de Champagne, non loin de Troyes, au début du XIIIe siècle. De cette manière, les différents thèmes du programme ont été traité : la place de l’Eglise avec la description d’une abbaye (Fontenay), l’étude des croyances (avec le tympan de Conques et le pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle), la lutte contre les hérésies (les cathares) et l’art gothique (la cathédrale de Troyes); féodaux, souverains et premiers états avec l’organisation féodale, la bataille de Bouvines et l’agrandissement du domaine royal; l’expansion de l’Occident avec la Reconquista, la Chanson de Roland et la ville de Troyes et les foires de Champagne (Etudier le Moyen – Age en cinquième à partir de la vie d’un chevalier imaginé | Blog Histoire – Géo).
Au final, à côté des jeux vidéo commerciaux, la ludification doit permettre de s’appuyer sur les mécanismes propres à ceux-ci tout en les intégrants aux contraintes horaires, aux objectifs de l’enseignant et aux programmes de la discipline.
Lyonel Kaufmann, Professeur formateur,
Didactique de l’Histoire, Haute école pédagogique du canton de Vaud, Lausanne (Suisse)
Notes :
[1] Fenouillet F., Kaplan J., & Yennek N. (2009). Serious games et motivation. Le Mans. In : S. George, E. Sanchez. (eds.) 4ème Conférence francophone sur les Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain (EIAH’09), vol. Actes de l’Atelier » Jeux Sérieux : conception et usages « , p. 41–52. Lisez l’article (PDF)
Gibson, D, Aldrich, C. & Prensky, M. (2006). Games and Simulations in Online Learning : Research and Development Frameworks. Idea Group Inc (IGI), 420 pages.
Jacobs, J.W., & Dempsey, J.V. (1993). Simulation and gaming: Fidelity, feedback, and motivation. In J.V. Dempsey & G. Sales (Eds.). Interactive Instruction and Feedback, (pp. 197-227), New York: Educational Technology Publications.
Randel, J.M., Morris, B.A., Wetzel, C.D. & Whitehill, B.V. (1992). The effectiveness of games for educational purposes : A review of the research. Simulation and Gaming, 25, 261-276.
[2] Serious games : ils ne sont pas que numériques | VousNousIls http://www.vousnousils.fr/2015/04/03/serious-ga[…]