Qu’est-ce qui sépare l’UMP du PS ? L’enseignement du latin, bien sûr ! C’est le résultat de la longue journée que N. Vallaud Belkacem a passé à l’Assemblée nationale, le 24 mars, à affronter l’opposition sur sa réforme du collège. Le fait nouveau c’est que la ministre a opté pour un plan de bataille net et clair, présentant ses adversaires en défenseurs des privilégiés.
Le 24 mars, N Vallaud Belkacem avait deux rendez-vous à l’Assemblée nationale. D’une part répondre à l’opposition lors de la traditionnelle séance de questions au gouvernement, d’autre part présenter la réforme du collège à la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée.
Nous sommes tous latin ?
La défense du latin a été le thème majeur de la journée, certains élus de la majorité intervenant avec l’UMP en soutien aux langues anciennes. « Vous venez d’annoncer la suppression pure et simple, dans un « gloubi-boulga » d’enseignements pratiques interdisciplinaires – EPI –, du latin et du grec. Tout cela n’est pas sérieux. Madame la ministre, quand allez-vous enfin réformer sérieusement l’éducation nationale ? « , demande le député UMP Guy Geoffroy. Plus tard c’est Annie Genevard (UMP) qui stigmatise une réforme qui veut supprimer l’excellence par pure idéologie en supprimant l’enseignement du latin. Là-dessus, la ministre adopté un argumentaire offensif. « S’agissant des langues anciennes et du latin, je le redis pour ceux qui auraient des doutes : les élèves bénéficieront exactement du même nombre d’heures qu’aujourd’hui pour les pratiquer », affirme la ministre en réponse à G Geoffroy. À A Genevard, elle explique qu’elle « ne se satisfait pas de le réserver à quelques uns… Il s’agit de généraliser et non de supprimer cet enseignement. Le latin sera un EPI au lieu d’une option facultative ». C’est donc la nature de cet enseignement, entre une approche classique et un enseignement plus culturel en lien avec l’histoire ou le français, qui est amenée dans le débat avec ses arrière-pensées sociales : enseignement élitiste ou « pour tous ».
L’argumentation est la même pour l’enseignement de la LV2 au collège dès la 5eme. Le député ump Alain Leboeuf explique : » on se leurre, dans nos ministères, en pensant qu’une deuxième langue vivante obligatoire dès la cinquième offrira une véritable ouverture culturelle à tous nos enfants : au contraire, cela contribuera à les enfoncer ! Il serait plus efficace de laisser seulement certains enfants commencer plus tôt, en profitant d’un enseignement de qualité, dispensé par des professeurs compétents. » La ministre répond qu’elle veut initier à la LV2 tous les collégiens dès la 5ème.
Fondamentaux vs interdisciplinarité
La critique de l’interdisciplinarité mise en place au collège avec les EPI est le cheval de bataille du député UMP P Hetzel. « Pour pouvoir accéder à de l’interdisciplinaire il faut s’occuper du disciplinaire, des fondamentaux. Le disciplinaire est le préalable indispensable à l’interdisciplinaire », dit-il. Il dénonce « la baisse des horaires de français » encore réduits, selon lui, par les EPI. Il demande à ce que les élèves soient répartis en groupes « de maitrise des fondamentaux » discipline par discipline. La ministre conteste la perte d’heures de français. Et elle défend avec vigueur l’interdisciplinaire. « Pour 20% des élèves tout va bien », dit-elle. Pour elle, la réforme doit permettre de nouvelles pratiques pédagogiques, introduire de nouvelles façons d’apprendre les disciplines. Les EPI sont « un temps durant lequel se croisent plusieurs disciplines pour donner du sens aux savoirs ». En clair, pour elle, c’est le chemin de la démocratisation de l’enseignement, l’opposition ne défendant que les intérêts des privilégiés.
Les enseignants « formés » par leur chef d’établissement ?
La formation des enseignants sera le troisième angle d’attaque de l’opposition. La ministre explique que les cadres (inspecteurs , chef d’établissement) seront formés à la réforme au printemps 2015. À partir de la rentrée 2015 les enseignants seront formés dans leur collège. Est-ce à dire que les chefs d’établissement et les IPR auront en charge la formation des enseignants ? Apparemment c’est ce qui est prévu et cela pourrait fortement affecter la réforme. La ministre a d’ailleurs insisté sur le rôle du chef d’établissement. « C’est lui qui donnera les indemnités de mission » affirme-t-elle, oubliant le rôle du CA..
La réforme dans l’opinion publique
La Fcpe, première association de parents d’élèves, prend parti pour la réforme du collège. Sur la LV2, elle justifie « le redéploiement de moyens jusque-là réservés à une « élite » dans les classes « bilangues » ou les sections dites « européennes. Dans le même esprit, la découverte du latin, du grec et des cultures de l’antiquité doit pouvoir profiter à chaque élève au cours du cycle 4. Les enseignements pratiques Interdisciplinaires (E.P.I.), du domaine « langues et cultures de l’Antiquité » ne doivent pas être réservés à une « élite », conclut la Fcpe. Dans l’autre sens, une pétition pour le maintien de l’option latin grec lancée par les associations d’enseignants représentatives circule.
François Jarraud