Par Julien Cabioch et Arnaud Brévier
A l’heure où la DHG est répartie dans les établissements, des enseignants en SVT et Sciences-Physiques doivent monter au créneau pour une heure de préparation pourtant statutaire. L’heure dite de « vaisselle » est une décharge pour les enseignants de sciences au collège quand il n’y a pas de laborantin. Cette décharge s’applique dès 8h d’enseignement mais certaines directions ne l’appliquent pas.
Une heure de préparation reconnue par le ministère
Rappelons que cette décharge, déjà inscrite dans le décret fixant les obligations de service des enseignants de 1950, est confirmée dans l’article 9 du nouveau décret du 20 août 2014 applicable pour la rentrée 2015. L’Education Nationale reconnaît par cette heure le travail de préparation pour les travaux-pratiques réalisés en classe. Les observations microscopiques, les montages électriques, les dissections sont autant d’activités placées au cœur de l’apprentissage expérimental et qui demandent du temps. L’heure accordée reste symbolique mais encourage et valorise ces précieux moments de découverte.
Des témoignages d’enseignants montrent une certaine disparité dans la gestion de cette heure. Ainsi Delphine, qui enseigne les SVT dans le privé : « Je viens d’apprendre l’existence de cette heure en lisant un article. Apparemment mon directeur la garde pour autre chose. C’est navrant ». Pour Denis, enseignant en SVT « Mon chef d’établissement s’appuie sur un « fichier récapitulatif », mais que je ne trouve nul part sur internet et il nie plus ou moins le fait que les heures de vaisselle soient statutaires. Il refuse cette décharge. »
Au détour d’une conversation, Mathilde, agrégée en SVT, apprend « qu’il fallait réclamer cette heure lors de son affectation » Mathilde évoque une conversation avec sa principale. « J’ai discuté de cette fameuse heure de vaisselle avec ma principale, elle m’a dit qu’étant donné que j’avais un mi temps, je n’avais droit qu’à une demi-heure ». Surprenant que certaines directions aient une lecture fausse du décret qui stipule clairement « une heure de décharge dès 8 heures d’enseignement. »
Des enseignants en colère
Les motifs ne manquent pas pour revenir sur les droits de certains enseignants. Pour Anne, enseignante en SVT dans le privé, le motif invoqué est clair « On me dit : « Il n’y a plus d’heures. L’établissement est déjà déficitaire ». Il y a pourtant de très nombreuses sections et options proposées. Le conseil de l’établissement nous dit ne pas avoir peur d’aller au tribunal administratif ». Dans certains établissements les heures sont consommée par des options jugées valorisantes. Les enseignants n’osent pas ou ne connaissent pas les recours possibles. On peut noter aussi que des chefs d’établissement entretiennent le flou vis-à-vis de cette heure et préfèrent faire la sourde oreille. « Je ne vous cache pas ma colère face à une telle attitude et un tel dénigrement pour notre discipline» termine Anne.
Julien Cabioch
Décret n° 2014-940 du 20 août 2014
Comment bénéficier de l’heure de vaisselle ?
Du nouveau en Méditerranée
Une équipe réunissant des chercheurs français (Météo-France/CNRS/Université de Toulouse) et espagnols (IMEDEA et Puertos del Estado) vient de réaliser l’ensemble de projections climatiques régionales le plus complet à ce jour pour la mer Méditerranée. Les simulations mettent en évidence un réchauffement de 2 à 4 °C des eaux de surface d’ici à la fin du siècle et des modifications dans la circulation océanique dans le bassin.
Un site collaboratif avec des tâches complexes en SVT
Comment les réseaux sociaux peuvent-ils aboutir à la mutualisation de travaux d’enseignants ? Nastasia Naval, professeur de SVT, lance l’idée d’un recueil de tâches complexes sur un groupe Facebook. En quelques semaines, ce sont déjà 12 enseignants de l’hexagone qui contribuent à l’enrichissement du site. Comment favoriser le raisonnement des élèves avec ces documents ? Eléments de réponses avec cette enseignante qui assure que « travailler par tâche complexe devient un gain de temps sur le programme ».
Que propose le site collaboratif « Tache complexe SVT » ?
Le site se présente comme un espace de stockage de tâches complexes. Tout professeur peut déposer et utiliser les documents à disposition, comme une forme de peer-to-peer pédagogique. En effet, toute tâche complexe peut être utilisée telle quelle ou modifiée. Généralement, ces activités ont été réalisées et éprouvées par des enseignants en situation. Elles peuvent constituer une banque de données complémentaire à celles présentées par les sites académiques.
A ce jour, 12 enseignants de SVT sont impliqués dans ce projet. Comment êtes-vous entrés en contact ? Comment peut-on déposer un document sur le site ?
Je participe au groupe Facebook « SVT : partage, conseils, questions » qui rassemble environ 1100 professeurs de SVT (titulaires ou stagiaires) et étudiants se destinant à enseigner. Ce groupe, très actif, permet des échanges quotidiens et des retours sur nos pratiques. De nombreux documents, séquences de cours et activités y sont partagés.
Pour plus de clarté, a émergé l’idée de proposer un site pour stocker et classer des documents, et tout particulièrement les tâches complexes. Ayant déjà créé un site pour mes élèves, je me suis proposée pour élaborer celui-ci. Plusieurs enseignants se sont liés au projet, pour la plupart des enseignants inscrits sur le groupe. Au fil des réflexions des uns et des autres, le site a pris forme et a évolué jusqu’à sa forme actuelle. Ainsi, en plus des documents proposés, le site est rentré dans un cadre plus légal avec une charte, et a gagné en interactivité avec la mise en place d’une newsletter et d’une page présentant les contacts des différents auteurs si d’éventuelles questions venaient à se présenter.
Le site Tâche complexe SVT se veut avant tout collaboratif, c’est le point clé, tant dans sa construction que dans son « alimentation », ce qui fonctionne plutôt bien puisque spontanément, des professeurs se sont proposés en envoyant des documents à l’adresse mail indiquée. Les mises à jour sont effectuées le lundi. Pour un premier bilan à quinze jours d’existence, le démarrage semble plutôt prometteur : 800 vues, 50 tâches complexes déposées, une cinquantaine d’inscrits à la newsletter.
Cette banque de sujets permet un gain de temps pour les enseignants. Toutefois, comment motiver les professeurs à échanger plutôt que seulement « consommer » ?
Oui, effectivement, il s’agit d’un gain de temps. Mais je ne pense pas qu’il s’agisse de « pure consommation ». Je suis certaine que nous sommes très nombreux, quand nous préparons nos cours, à utiliser internet pour trouver des activités. Mais généralement, nous picorons à droite à gauche plus que nous consommons simplement. Même si nous trouvons des documents intéressants, nous devons dans un second temps nous les approprier, et donc souvent les modifier pour qu’ils collent à nos objectifs et nos progressions. Présenter des taches complexes en libre accès se positionne davantage dans la perspective d’une proposition d’idées, de pistes de réflexions.
Pour revenir à la question de la motivation à échanger plus qu’à consommer, j’ai foi pour que les enseignants qui utilisent émettent à leur tour. C’est un point de vue, certes poncif, mais très Pierre Rabhi. Après une phase où la société s’est fortement individualisée, j’espère que nous pourrons maintenant retrouver le sens du collectif et du partage. Comme le prouve le groupe SVT : partage, conseils, question. A présent, vient l’échange de bons procédés. A bon entendeur !
Quelle(s) utilisation(s) faites-vous des tâches complexes en cours avec vos élèves ?
La tâche complexe se définit comme un travail permettant aux élèves de répondre à un problème général à partir d’un ensemble de documents et généralement d’une situation de départ, contextualisée. Ce type d’activité présente plusieurs intérêts : amener les élèves à réfléchir sur un problème plus large qu’un simple exercice redondant de type document-question, leur laisser une part de liberté dans leur réflexion (ils choisissent le raisonnement, un cheminement de pensée qui leur est propre), mobiliser et mettre en lien plusieurs compétences et surtout développer leur autonomie (par l’existence du groupe et par la présence de critères de réussite). Ce travail permet également une différenciation pédagogique avec l’apport d’aides personnalisées (aides de connaissances, aides méthodologiques, coup de pouce avec questions intermédiaires).
Généralement, les élèves travaillent en petits groupes hétérogènes (par deux ou par quatre) dans le cadre d’une pédagogie de type coopérative. Il est intéressant d’élaborer des groupes à profils variés. Ainsi, chacun d’entre eux apporte ses compétences et peut être valorisé par sa participation dans le travail commun.
Dans la pratique, on réalise que les élèves sont davantage motivés par ce type d’exercice, et qu’ils développent non seulement des compétences propres aux sciences mais également des compétences civiques et sociales (savoir travailler en groupe, échanger, s’écouter, argumenter, coopérer).
« Une gestion plus souple du groupe classe »
Bien évidemment, mettre en pratique des tâches complexes demande une prise de risque avec une gestion plus souple du groupe classe. Il faut avoir une plus grande tolérance au niveau sonore qui est forcément un peu plus élevé, revoir la gestion de l’espace dans la classe (mise en place d’îlots) et revoir sa position d’enseignant. Les premières fois peuvent s’avérer un peu chaotiques du fait de la nouveauté (on sort du schéma classique d’un cours magistral, frontal) mais au fil des séances, les élèves se mettent plus efficacement dans ce type d’exercice. Somme toute, travailler par tâche complexe devient un gain de temps, sur le programme mais également pour les élèves qui progressent bien plus rapidement dans l’acquisition des compétences, individuellement et au sein du groupe. Le gain se fait également du point de vue de la cohérence quant à l’approche des programmes. Par ailleurs, le professeur se dégage du temps, encore, pour véritablement accompagner les élèves et s’assurer d’une collaboration efficace entre eux. Pour finir, ce type d’exercice se prête à évaluation et les prépare à des épreuves postérieures (Bac S, exercice type II).
Les documents des enseignants se partagent de plus en plus sur la toile : serveurs académiques ou sites personnels. Percevez-vous toutefois des craintes de certains professeurs ? Avez-vous un travail de relecture des sujets déposés ?
Oui, des craintes sont apparues, en particulier concernant les droits d’auteurs par rapport aux sources. C’est bien pour cela qu’une charte a été élaborée. Par ailleurs, tout document déposé passe sous licence CC-BY-NC-SA, c’est-à-dire que l’auteur autorise le partage, la modification mais n’autorise pas d’utilisation commerciale. D’autre part, j’ai quelques retours d’enseignants qui n’osent pas proposer de tâches complexes car leurs versions sont inspirées de versions précédentes qui ont été modifiées. Mais si la source est indiquée (en précisant « inspirée de … »), le problème est résolu. Je n’effectue pas de relecture, sauf pour évaluer le niveau ou rappeler le respect de la charte. Après, chaque auteur est responsable de ce qui est publié.
Les réseaux sociaux sont devenus en quelques années la seconde salle des profs pour beaucoup d’enseignants. A ce propos, quelles différences faites-vous entre les échanges entre collègues sur les réseaux sociaux et en salle des profs ?
Je vous rejoins sur ce constat. Avec l’évolution du métier et une part plus importante de la partie administrative dans les établissements, nous avons de moins en moins de temps d’échanges réels dans les salles de profs et nous sommes souvent seuls, chez nous, quand il s’agit de préparer les cours. En parallèle, ont émergé de nouveaux moyens de communication via Internet et nous sommes nombreux à nous retrouver sur des « salles de profs virtuelles » : groupe de discussion sur Facebook, Forum National des SVT sur le site de l’académie de Toulouse, échanges d’e-mail … Ce qui est très positif ! Bien qu’il soit dommage d’avoir basculé dans un « monde virtuel ».
Il y a cependant un danger et une dérive dans lesquels il ne faut pas tomber : ne pas confondre espace d’échanges et défouloir. Tout ce qui est retranscrit dans cet espace virtuel passe dans le domaine public. Nous sommes les garants de l’Education Nationale aussi bien dans les contenus déposés que dans la forme de ces contenus. Nous nous devons d’être d’autant plus responsables, avoir une contenance et garder un œil bienveillant.
Entretien par Julien Cabioch
Le site « Tache Complexe SVT »
Le groupe Facebook « SVT : partage, conseils et questions »
Tous les mardis, retrouvez L’Hebdo sciences.