Toutes les bonnes fées de la rue de Grenelle semblent s’être penchées sur le berceau de la réforme du collège. Elle dispose de moyens. Elle s’appuie sur les fondamentaux de la pédagogie engrangés au ministère depuis des décennies au point de ressusciter le « 10% culturel » de M. Fontanet. Elle prétend à la fois mieux accompagner les élèves, moderniser la façon d’enseigner et même la gestion des établissements. Tout cela suffirait à faire une grande réforme. Mais les grandes réformes ont-elles encore un avenir ?
Difficile de ne pas partager les principes de la réforme. C’est ce qui fait dire à la ministre que la réforme « s’est inspirée de ce qui marche sur le terrain » et qu’elle « s’appuie sur les enseignants, sur leur expertise ». Accompagnement personnalisé, travaux interdisciplinaires, autonomie accrue des établissements : voilà bien des piliers d’une réforme de l’Ecole que tout semble établir. Enfin la réforme bénéficie d’un appui de taille avec 4 000 créations de postes. Voilà qui lève le soupçon d’une réforme pour récupérer des moyens. L’effort de formation annoncé semble aussi répondre aux interrogations des enseignants.
Pourtant des doutes subsistent. Et d’abord sur les créations de postes. Il n’y a à priori aucun doute sur el fait que le budget inscrira ces ouvertures de postes qui sont programmées dans le cadre des 54 000 emplois de la présidence Hollande. L’interrogation porte sur la capacité du ministère à trouver les nouveaux enseignants. Il faut rappeler qu’au capes 2014 seulement 886 postes sur les 1070 offerts en lettres modernes ont été couverts. En maths il y a eu 838 enseignants pour 1243 postes proposés. L’arrivée de la LV2 en 5ème va nécessiter de nouveaux enseignants. Or aussi bien en anglais (917 professeurs pour 1000 postes) qu’en allemand (193 personnes pour 300 postes) le ministère n’arrive à recruter. Interrogé sur ce point, le ministère n’est pas convaincant. Le même doute porte sur la formation sur place dans les collèges. Le ministère ne semble pas avoir le volant de formateurs nécessaire. Est-ce à dire qu’il se reposera sur des conférences faites par le chefs d’établissement et les IPR ?
Doutes aussi sur certains choix pédagogiques. Les enfants qui arrivent au collège ont besoin de s’y retrouver et d’être cadrés pour avancer, particulièrement ceux qui viennent de familles éloignées de l’Ecole. Imaginer un accompagnement qui brasse sans cesse les élèves facilite l’implantation de la réforme en confiant l’accompagnement au petit nombre d’enseignants volontaires. Mais l’expérience de l’accompagnement au lycée montre que ce brassage se fait au détriment des liens avec les professeurs de la classe qui devraient au contraire être renforcés pour mieux accompagner les élèves. La valse perpétuelle d’élèves et d’enseignants qui ne se reverront jamais sur des sujets qui ne sont pas évalués réellement dans la culture scolaire déresponsabilise souvent tout le monde. De la même façon on peut interroger la pédagogie de projet pour son efficacité pour tous les publics scolaires. Patrick Rayou et d’autres le font déjà depuis des années.
Surtout la réforme pose plus globalement la question même de son intérêt. En effet la chute de niveau constatée par PISA et Cedre ne concerne pas tous les collèges. Elle est sensible dans les établissements de l’éducation prioritaire comme le montre une Note de la Depp.
Relever le niveau des collégiens veut dire en fait relever celui des collèges de l’éducation prioritaire. Or les collèges Rep et Rep+ ont en premier lieu besoin d’enseignants formés présents tout au long de l’année. Besoin augmenté par la réforme elle-même. Actuellement nombre de ces collèges sont incapables de trouver des enseignants remplaçants et tournent avec des contractuels. Certes des efforts d’attractivité ont été réalisés, avec les pondérations Rep et encore récemment l’annonce de l’accès au GRAF pour les enseignants. Mais sont-ils vraiment suffisants ? Globalement le ministère continue de donner quasiment les mêmes moyens pour attirer des enseignants à un collège de Neuilly sur Marne qu’à un collège de Neuilly sur Seine. Si le ministère n’était pas dans la culture de la réforme globale il aurait pu attribuer des moyens supplémentaires nettement plus importants au premier. Le raisonnement vaut aussi pour le second besoin de ces collèges : des classes à effectif réduit. Là aussi ces collèges devront se contenter des mêmes petits groupes que les autres.
François Jarraud