La société Madmagz permet de créer en ligne des présentations soignées de type magazine. On choisit sa maquette où intégrer à sa guise textes et images. On peut y faire travailler plusieurs rédacteurs tout en gardant le contrôle sur l’édition finale. L’outil, simple d’utilisation, gratuit dans sa version de base, a séduit des élèves et des enseignants, pour réaliser journaux scolaires, productions TPE, comptes rendus de voyages ou de sorties, brochures et créations diverses. Du 1er au 31 mars 2015, à l’occasion de la Semaine de la presse, Madmagz rend accessible gratuitement son « Offre Education » payante, une version qui élargit le choix des maquettes, permet d’ajouter des liens, des vidéos, des sons, autorise l’export en pdf. De quoi donner envie de tester, comme en témoignent ici 3 enseignants qui ont mené avec Madmagz des projets originaux : Delphine Morand en Littérature et société, Claire Ridel en français, Malo Durand en Langues et Cultures de l’Antiquité. Ils nous montrent comment avec le numérique transformer joliment, et collaborativement, l’information en connaissance et l’expérience en réflexion.
Delphine Morand : Une communauté de lecteurs et de rédacteurs
Delphine Morand est professeure de lettres au lycée Bertrand d’Argentré à Vitré dans l’académie de Rennes. Ses élèves de seconde, dans le cadre de l’enseignement d’exploration, « Littérature et société », ont utilisé Madmagz pour réaliser un remarquable travail sur le roman « Eldorado » de Laurent Gaudé. Emouvant, le livre raconte et éclaire l’immigration clandestine dans le bassin méditerranéen. Passionnant, le magazine que les élèves lui ont consacré propose portrait de l’auteur, critiques littéraires, interviews de personnages, enquêtes sur le mythe de l’Eldorado ou sur l’actualité de l’immigration, rencontres de membres d’association … Le format du magazine permet ici, pédagogiquement, de faire résonner la littérature dans le monde et le monde dans la littérature.
Quels vous semblent les intérêts de Madmagz pour un enseignant ?
J’ai découvert assez récemment l’application web Madmagz qui présente un certain nombre d’atouts. Il s’agit en effet d’un support de publication particulièrement simple d’utilisation qui facilite le travail collaboratif entre les élèves, la mutualisation au sein d’une classe voire d’un établissement et la mise en forme esthétique des productions par la sélection de maquettes d’articles prédéfinies par Madmagz. Grâce à cet outil, les élèves écrivent pour être lus, pour échanger et partager avec d’autres, parfois extérieurs à leur classe, ce qui donne une nouvelle dimension à leurs travaux et impose un degré d’exigence, une démarche d’écriture, de réécriture qu’ils acceptent et se fixent d’ailleurs plus naturellement.
Comment crée-t-on un magazine numérique de classe ?
Après avoir ouvert un compte chez « Madmagz » et sélectionné la maquette gratuite du magazine, j’« invite » les groupes à transmettre leurs contributions en me rendant sur « l’icône-silhouette » illustrant une équipe de rédaction : j’entre à cette étape les adresses électroniques des élèves contributeurs qui recevront un mail de Madmagz leur demandant de créer un compte, puis de transmettre leurs textes et visuels qui constitueront autant de pages s’agrégeant au magazine de classe visible sur « leur espace » personnel. Le professeur qui a créé ce magazine de classe en reste le responsable éditorial : il est le seul à pouvoir intervenir sur la structure d’ensemble (validation des pages, classement, demande de correction…).
En début d’activité, il faut bien rappeler aux élèves qu’ils doivent alimenter le magazine de classe et se connecter sur cette plateforme collaborative : pour faciliter la démonstration, on peut prendre appui sur une interface d’élève pour marquer la différence entre le magazine de groupe (l’élève ne dispose alors que de la fonction « envoyer »), et un magazine éventuellement personnel (qu’il pourra alimenter et publier). Si l’élève se trompe de « support », il ne pourra plus « envoyer » sa contribution au magazine de classe…
Quelles vous semblent les exploitations possibles de Madmagz en Lettres ?
J’utilise très régulièrement Madmagz dans le cadre de projets d’écriture en lien avec l’étude ou la simple lecture d’œuvres littéraires, et de nombreuses pistes sont encore à expérimenter… En classe de 2nde et enseignement d’exploration « Littérature et société », nous avons par exemple choisi avec ma collègue d’Histoire-Géographie de créer un magazine numérique qui réunirait toutes les activités d’écriture nourries de la lecture du roman de Laurent Gaudé, Eldorado. Dans ce cadre, les élèves répartis en équipes de rédaction se sont inscrits sur une liste de sujets d’écriture à dimension plutôt littéraire (comme la rédaction d’un portrait de personnage, la construction d’une interview fictive de l’auteur, d’une interview de personnage, la rédaction d’un texte à partir d’une photographie représentative d’un thème fort du roman de Gaudé…). De son côté, le professeur d’Histoire-géographie leur a proposé d’effectuer des recherches sur des problématiques sociétales (l’immigration clandestine, la réflexion sur les frontières, le rôle des associations…) et de rédiger des articles, enquêtes, reportages, interviewes rendant compte de leurs lectures. Tous les textes ont été rédigés à plusieurs mains, reflets de l’exigence d’un travail collaboratif que l’on peut reconnaître dans la réécriture d’un passage, la répartition des tâches (comme le choix d’un visuel, la sélection d’une maquette d’article sur Madmagz…). Après validation des textes par l’ensemble de l’équipe, un membre était chargé de transférer, en classe, la production du groupe sur Madmagz, en se connectant sur le magazine de classe.
Ce numéro de magazine numérique a permis de mettre en résonnance des textes reposant sur des mélanges d’intentions (informer, décrire, convaincre…) et de genres (articles, reportages, interviewes, critiques…), de regrouper des productions complémentaires affichant une sensibilité, des interprétations, un style. Ce support a renforcé la cohésion de la classe animée par la même volonté : participer à la rédaction d’un numéro qui créerait des passerelles entre le roman et le monde dans lequel on vit.
Avec des élèves de 1ère, j’ai également retenu l’outil Madmagz dans le cadre d’une séquence consacrée à l’étude des Bonnes de Jean Genet et de sa mise en scène par Jacques Vincey. Dans cette publication, j’ai choisi de mettre en avant des articles argumentés offrant des interprétations de la pièce ; ces textes, rédigés par des groupes de 4 élèves le plus souvent, ont constitué autant de pistes de lecture à interroger, à discuter en classe lors de la projection du numéro finalisé. J’ai également intégré plusieurs critiques du spectacle de Vincey que nous avons vu en classe, des textes produits individuellement cette fois en lien avec un sujet d’invention. Actuellement, nous sommes en cours de création d’une anthologie de classe regroupant des poèmes retenus par différents groupes déterminés en fonction de thèmes qu’ils ont choisis. Chaque équipe rédigera un texte de présentation de sa sélection, sorte de préface qui leur donnera également l’occasion de s’interroger sur leur représentation du genre poétique. Cette anthologie, également illustrée, se clôturera par la sélection de plusieurs poèmes d’Yves Prié que nous rencontrerons le 27 mars, dans le cadre du Printemps des Poètes.
Quel est le retour des élèves sur de telles activités ?
Globalement, les élèves ont trouvé cet outil particulièrement efficace et simple d’utilisation : plusieurs élèves de 1ère l’ont d’ailleurs retenu pour présenter leur TPE. Quand je les ai interrogés sur les atouts du site, ils ont mis en avant l’accompagnement dans la mise en forme des productions, avec des propositions de maquettes, des précisions sur la qualité de résolution d’une image, la prévisualisation du texte illustré, la palette de couleurs, les nombreuses typographies… Ils ont bien évidemment été sensibles à la réelle valeur ajoutée de la présentation esthétique d’un tel support : même si les articles se présentent différemment, ils s’harmonisent toujours parfaitement et le groupe peut également faire des choix en sélectionnant un seul bandeau de couleurs par exemple. Avec Madmagz, ils ont aussi reconnu la possibilité de travailler en équipes facilement : ils peuvent se partager des contributions et les soumettre au professeur en dehors de leur temps de présence au lycée. Produire avec et pour une communauté de lecteurs plus large, voilà l’une des forces majeures du magazine numérique que nous retenons ensemble.
En Littérature & société autour d’ « Eldorado » de Laurent Gaudé
http://madmagz.com/fr/magazine/385441
En 1ère, autour des « Bonnes » de Jean Genet
http://madmagz.com/fr/magazine/432717
Le roman « Eldorado » dans le Café
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lenseignant/lettres/francais/Pa[…]
Claire Ridel : Un magazine littéraire de collégiens
Claire Ridel est professeure de français au collège Henri Matisse à Grand-Couronne dans l’académie de Rouen. Ses élèves de troisième ont utilisé l’outil de publication Madmagz pour des comptes rendus de lecture originaux, créatifs et collaboratifs. « Matisse lit » est ainsi un joli magazine littéraire de collégiens, avec entre autres des interviews fictives d’auteurs ou de personnages. Au sommaire des trois numéros déjà parus : Entre chiens et loups, Le journal d’Anne Franck, Andreas le retour, Mon bel oranger, Papa Longues jambes, Oran 62 La rupture, Le crime de l’Orient-Express, L’Herbe bleue, Le Journal d’Adèle, La guerre des boutons, Le Hobbit… Une nouvelle façon de socialiser la lecture à l’ère numérique ?
Comment en pratique les élèves ont-ils travaillé avec l’outil Madmagz ?
Avant de travailler sur ce support, chaque élève a lu un livre emprunté au CDI, puis a préparé au brouillon une interview fictive du personnage principal du roman, ou bien de l’auteur du livre. Ensuite, j’ai créé un compte unique sur Madmagz, à partir de mon adresse professionnelle, et tous les élèves ont eu le mot de passe. Je précise que je n’ai pas pu utiliser la fonctionnalité qui permet d’inviter des rédacteurs, car les élèves n’ont pas de compte mail dans l’établissement. Chaque élève devait recopier son interview et la mettre en page (un titre, une illustration, et bien entendu le texte présenté clairement), certains avaient déjà saisi leur texte à la maison sur le traitement de texte. J’ai créé 4 magazines distincts, et réparti aléatoirement les élèves sur les supports, pour éviter la création d’un magazine trop gros.
La prise en main n’a pas été difficile, car j’avais préparé une feuille de route, publiée sur le site des « Lettres de Matisse », pour que chacun soit le plus autonome possible en salle informatique. Nous avons passé 2 heures ensemble. L’outil est clair, bien conçu, et ne pose pas de difficulté de compréhension pour la majorité des élèves de la classe. Mais créer un article en 2 heures était une gageure, peu d’élèves ont terminé dans le temps imparti.
Quelles ont été éventuellement les difficultés rencontrées et les solutions trouvées ?
La difficulté majeure a été celle de l’enregistrement des données : 24 élèves connectés en même temps sur le même compte, cela ne facilite pas la sauvegarde ! Les bugs ont été nombreux, des pages ont mouliné longuement avant de purement refuser l’enregistrement. La faute à l’outil ? A une connexion défaillante ? De plus, la classe et moi nous sommes rendus compte en cours d’utilisation que le site n’est pas adapté à l’écriture collaborative et synchrone, comme les élèves de cette classe ont l’habitude de pratiquer sur un pad : de ce fait certains ont effacé le travail de leurs camarades sans le vouloir, les pages ne s’actualisant qu’à l’enregistrement. Cela a entraîné une grande perte de temps, qui explique que le projet n’a finalement pas abouti de façon satisfaisante en deux heures. La solution que j’ai dû utiliser est le fait de me transférer les interviews au format traitement de texte pour que je puisse évaluer le contenu du travail. La prochaine fois que je travaillerai sur ce support, j’allégerai le nombre de connexions en travaillant avec un demi-groupe, ce qui, j’espère, limitera les pertes de données.
Quels vous semblent être les intérêts de l’outil Madmagz ?
L’intérêt principal de cet outil est la qualité de la mise en page, qui donne un aspect quasi professionnel à la publication. C’est un bon moyen de mettre en valeur un projet, un compte-rendu de lecture, ou des travaux d’écriture. Ici, l’utilisation de Madmagz me semblait la plus évidente, afin de donner une véritable forme de magazine littéraire aux productions finales, ce qui n’aurait pas été possible en publiant directement sur le site de l’établissement. Les structures de pages proposées sont claires, bien pensées et variées, elles permettent de ne pas se focaliser trop sur la forme lors de la saisie, pour consacrer plus de temps au contenu.
« Matisse lit » Numéro 3
http://matisse-lettres.spip.ac-rouen.fr/spip.php?article911
Feuille de route
http://matisse-lettres.spip.ac-rouen.fr/spip.php?article898
Malo Durand : Chronique antique
« Cicero vs Verres » : tel est le titre à la une de « Dies Romae », production des élèves de Malo Durand qui enseigne les Langues et Cultures de l’Antiquité au collège Anna Marly à Brest. Ses 3èmes latinistes ont travaillé en groupes sur l’affaire Verrès pour sélectionner des informations, rédiger des articles, les illustrer et les publier au sein d’un magazine Madmagz créé pour l’occasion. L’enquête est à savourer dans un magazine pédagogique à scandales avec compte rendu du procès, interview de l’avocat, témoignage de la victime… Ou comment « faire de la civilisation » et « faire de la traduction » de façon conjointe et créative.
Comment avez-vous mis en place l’activité ?
L’idée était de traiter une affaire antique (le scandale Verrès) à la manière de la presse écrite d’aujourd’hui. Dans ce but, le travail s’est organisé selon plusieurs étapes. Répartis par groupes de 3, les élèves ont tiré au sort des thèmes en rapport avec la célèbre affaire: biographie et interview de Cicéron, biographie de Verrès, focus sur ses vols et ses crimes en tant que gouverneur de Sicile, interview d’une de ses victimes (Antiochus), importance politique de l’affaire.
J’ai alors fourni à chaque groupe le même corpus d’une quinzaine de pages rassemblant différents types d’informations : textes documentaires tirés de manuels ou de livres spécialisés, textes de Cicéron traduits ou non. Au sein de chaque groupe, les élèves ont dû s’organiser et se répartir les tâches pour lire et sélectionner dans le corpus des informations pertinentes par rapport à leur sujet. Un travail de traduction était nécessaire pour chacun d’entre eux. J’ai alors un rôle de « superviseur », aiguillant les élèves quand ils sont perdus ou font fausse route, les aidant à traduire. La phase de rédaction des articles a sans doute été la plus difficile, les élèves devant synthétiser les informations collectées lors de l’étape précédente.
Comment en pratique les élèves ont-ils ensuite travaillé avec l’outil Madmagz ?
La suite du travail s’est effectivement faite en ligne avec Madmagz. Les élèves ont reçu par mail une notification de ma part les invitant à se créer un compte sur Madmagz pour contribuer au magazine que j’ai créé. Une fois connectés sur le site, ils ont les mêmes possibilités que moi, à un détail près: au lieu du bouton « publier », ils voient dans la barre supérieure un bouton « envoyer » par lequel ils me transmettent les articles qu’ils ont saisis, ceux-ci s’agrégeant progressivement au magazine. Comme au sein d’un comité de rédaction, il faut d’abord s’entendre sur le choix d’une maquette cohérente et sur l’ordre des articles ; il faut également chercher des images pertinentes pour les illustrer ; un concours est organisé pour la une. Le magazine est alors publié. Désormais accessible en ligne, il a servi de base de révision pour une évaluation.
Quels vous semblent être les intérêts de l’outil et de l’activité menée ?
Le principal intérêt réside sans doute dans la nécessité pour les élèves d’organiser un travail collaboratif à toutes les étapes du projet, de l’exploitation du corpus jusqu’à la publication des articles. L’objectif de publication les a motivés dans la phase de lecture et de recherche. Cependant celle-ci a pris plus de temps que prévu. La mise en ligne n’a pas été non plus sans difficultés, preuve s’il en fallait que nos « digital natives » ne maîtrisent pas de manière innée les outils informatiques. Le bilan de l’activité demeure positif: curiosité et émulation étaient au rendez-vous ; mais l’expérience prouve que ce type de fonctionnement peut être chronophage si on ne sait pas revoir les objectifs à la baisse pour tenir les délais.
Le magazine antique
http://madmagz.com/fr/magazine/412143
Madmagz Education
http://osonsinnover.education/
Dossier réalisé par Jean-Michel Le Baut
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