En déplacement à Marseille, N Vallaud-Belkacem visite le 10 février le lycée V Hugo pour rencontrer des lycéens et enseignants du dispositif « Bacheliers méritants ». L’expression renvoie directement à la méritocratie républicaine. Du coup elle interroge les inégalités sociales dans l’Ecole.
Les députés R Juanico et JF Poisson viennent justement de publier un rapport d’information sur les politiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes. Leur étude est d’autant plus bienvenue que le brouillard enserre cette question, y compris en ce qui concerne les « bacheliers méritants ». R Juanico et JF Poisson n’ont aucun mal à montrer que la mobilité sociale » a tendance à se gripper » (48% des fils d’ouvriers sont ouvriers contre 10% des fils de cadre) et que l’Ecole a une place centrale dans cette situation. Le système éducatif reproduit les inégalités sociales. On ne trouve que 8% de fils d’ouvriers en CPGE. Pire encore, la situation se dégrade pour les plus faibles. Les résultats scolaires décrochent dans l’enseignement prioritaire, l’accès au bac des catégories sociales défavorisées recule, les filières scolaires se spécialisent socialement. Ceux qui doutent peuvent consulter les listes d’admis en ENS publiées ce matin au JO. C’est édifiant !
Face à cela l’école mise sur l’orientation et le fameux parcours PIIODMEP qui devrait etre introduit dès la 6ème et reposer sur des pratiques pédagogiques innovantes. Mais le rapport parlementaire souligne l’insuffisance de la formation des enseignants à l’orientation et on ne voit pas ce qui sera entrepris en matière de formation continue pour y remédier.
Reste des dispositifs comme les bacheliers méritants. Prévu par un décret de juin 2014, il fixe à 10% le pourcentage des meilleurs élèves par filière de chaque lycée qui bénéficient d’un droit d’inscription dans les formations du supérieur opérant unes sélection. En clair ce décret crée un quota qui permet une discrimination positive. Les lycéens des lycées de banlieue se voient reconnaitre un droit d’accès dans les filières recherchées. Un autre dispositif reposant sur la loi d’orientation, prévoit que les recteurs fixent un pourcentage de bacheliers professionnels pouvant accéder au STS et IUT de façon à leur ouvrir le supérieur.
Le voyage de N Vallaud Belkacem a une grande importance s’il arrive déjà à faire la lumière sur l’application de ces textes. Un autre rapport parlementaire n’a jamais réussi à obtenir les chiffres des fameux quotas de bacheliers professionnels. On peut craindre qu’il n’existe pas et que la loi ne soit simplement pas appliquée. Quant aux bacheliers méritants, on n’au aucune idée du pourcentage réel de jeunes qui utilisent ce droit. D’une part on a vue que l’orientation laisse à désirer. D’autre part le fait d’en avoir le droit n’annule pas l’inégalité flagrante de niveau scolaire entre établissements. Autrement dit les élèves se rendent bien compte que ces filières « ce n’est pas pour eux » aussi bien sous l’angle de la proximité sociale que des possibilités réelles d’y réussir.
Enfin il pourrait permettre à la ministre d’affirmer de la cohérence dans son action. Car à quoi sert de se soucier de réduction des inégalités sociales à l’école quand son ministère prépare l’ouverture d’une filière d’enseignement supérieur réservée aux bacs pros reposant sur l’alternance . Autrement dit une filière qui accumulera les risques de discrimination.
François Jarraud