Cela a-t-il du sens de faire visiter Auschwitz par des lycéens et des apprentis ? La question prend cette année une urgence particulière. Le climat généré par les attentats, dont celui de l’hyper casher, pèse sur l’exposition organisée le 6 février par la région Ile-de-France avec les 500 lycéens et apprentis qui reviennent des camps d’Auschwitz Birkenau. Parmi eux des élèves d’établissements populaires et de centres d’apprentis qui témoignent de l’impact du travail réalisé par la région Ile-de-France avec les enseignants et le Mémorial de la Shoah.
Passer du « ça me soule » à l’engagement
Parmi les 500 jeunes qui ont fait le voyage en Pologne cette année, 19 élèves de bac pro gros oeuvre et assistant d’architecte du lycée professionnel Guimard de Paris. Pour leurs deux professeurs de lettres histoire, Houda Bouali et Thomas Lebray, le voyage a été très utile. Pourtant au début de la préparation un élève explique qu’il entend parler de la Shoah chaque année, « maintenant ça me saoule ». La plupart des élèves appartiennent aux « minorités visibles » et d’autres drames (l’esclavage, la Palestine…) viennent souvent faire concurrence à la mémoire de la Shoah. » Maintenant il n’y a plus de compétition mémorielle », nous a dit Thomas Lebray. « Les élèves ont pris conscience de la réalité de la Shoah, de la façon dont elle s’est construite, parfois improvisée », explique Houda Bouali. « Tout était organisé, c’était sérieux », explique un jeune dans l’excellent film réalisé par la région Ile-de-France sur ce voyage. « Auschwitz c’est des gens qui étaient là et qui sont morts ». Pour Thomas Lebray, le travail historique fait en classe donne du sens à l’empathie ressentie par les jeunes. Les élèves ont fait des heures supplémentaires pour préparer et exploiter le voyage. Ils ont à la fois travaillé sur des textes en français et fait un travail en cours d’histoire.
Faïza Samoudi, professeure de vente au lycée privé Jeanne la Lorraine du Raincy (93) a accompagné ses élèves de bac pro GA et de première STMG à Auscwitz. Pour elle, le voyage a été très utile. « Nos élèves ont besoin de choses concrètes. Certains voyaient les choses différemment. Voir le camp leur a ouvert les yeux. Ils ont compris ce qu’on leur apprend à l’école. Ca les a amené aussi à se remettre en question par rapport à eux-mêmes ».
Le témoignage dépend de vous
Pour Eric de Rotschild, président du Mémorial de la Shoah, « il faut utiliser le Shoah pour faire prendre conscience du drame du racisme, de l’antisémitisme, de l’intolérance ». C’est aussi le point de vue d’André Berkover, déporté à 14 ans. S’adressant aux jeunes, il leur explique qu’il faut garder la mémoire car sinon cela peut leur arriver d’être victimes de leur couleur de peau, de leur religion ou de leurs idées
« Le témoignage dépend de vous », dit Jean-Pierre Huchon, président de la région Ile de France, en s’adressant aux jeunes. « Personne ne pourra vous dire que ça n’a pas existé. C’est entre vos mains ». « Vous grandissez dans un pays où le racisme et l’antisémitisme continuent à exister », rappelle Henriette Zoughébi, vice-présidente en charge des lycées. « Par notre engagement et notre action on peut agir et dessiner le visage d’un monde où on veut vivre, un monde de justice et de liberté ». La région place sa confiance dans les jeunes. Près de 6000 lycéens et apprentis ont visité Auscwitz en 15 années de partenariat avec le Mémorial de la Shoah. Celui-ci va continuer.
François Jarraud