« Il faut prendre la mesure des discriminations qui sont réelles ». Le 28 janvier, Jean-Paul Huchon et Henriette Zoughebi ont présenté un premier programme en réponse à la situation née du 11 janvier. La région entend faire respecter les valeurs républicaines à la fois en exigeant leur respect et en les mettant en application. Le nouveau programme prévoit 800 millions d’engagements. Et il commence par des ateliers d’écoute dans les établissements dès le 30 janvier.
« L’exigence de liberté est une exigence de pouvoir dire et de faire ». En citant Dewey, Jean-Paul Huchon insiste sur la volonté d’inscrire dans la réalité les valeurs républicaines. Quelques jours après les attentats et la grande manifestation qui ont eu lieu dans la région Ile de France, le conseil régional est en première ligne pour réagir. Il a la chance d’avoir une longueur d’avance sur l’Etat avec son Observatoire de la mixité sociale et de la réussite éducative crée par Henriette Zoughébi, vice présidente en charge des lycées depuis sa nomination. L’Observatoire a fait travailler des chercheurs sur les mécanismes de ségrégation dans le système éducatif. Selon H Zoughébi, interrogée par le Café, ces études ont été transmises à la ministre de l’Education nationale. Mais la région ne se contente pas de cette recherche ou de son programme de soutien aux lycées de banlieue. Elle veut aller plus loin et rapidement. Pour H Zoughébi, la fracture sociale se creuse rapidement en banlieue et il n’y a pas de temps à perdre.
Débattre avec tous les jeunes
« Dans certains lycée de la région des élèves n’ont pas souhaité rendre hommage aux 17 morts des attentats. Aiment-ils moins la liberté ? Je ne le crois pas » , dit JP Huchon. « Nous devons entendre leur exigence d’égale liberté » dit-il tout en affirmant son intention d’être ferme sur les valeurs.
La mesure la plus significative ne coutera pas grand-chose. JP Huchon et Zoughébi lancent des ateliers dans une dizaine de lycées marqués socialement par exemple le lycée Feyder d’Epinay, celui de Neuilly sur Marne ou encore… Henri IV à Paris. « Ca m’intéresse de voir quelle image ils ont de la banlieue » nous a dit H Zoughébi. « On veut montrer aux jeunes notre confiance à deux conditions : la fermeté sur les valeurs et la possibilité de leur donner des repères », dit-elle. L’atelier vise à écouter les jeunes des conseils de la vie lycéenne et au-delà et à recueillir leurs demandes. H Zoughebi entend libérer la parole y compris quand elle n’est pas bien normée. La région mettra ensuite en actes ce qui relève des ses compétences. Parmi les thèmes en discussion, l’égalité, le « plein exercice de la citoyenneté au lycée », la mixité sociale. Des personnalités (artistes, intellectuels, journalistes etc.) participeront aux ateliers. « Il faut prendre des mesures contre une discrimination qui grandit », dit H. Zoughebi. Elle exprime ses inquiétudes. Elle transmettra à l‘Etat les remarques des jeunes qui le concernent. Par exemple, pour elle la politique en faveur de la mixité sociale que la ministre de l’éducation nationale a annoncé devrait concerner également l’enseignement privé sous contrat. « Si le privé ne participe pas je ne vois pas comment on pourrait renforcer la mixité sociale dans les collèges ».
Un investissement dans des projets pédagogiques innovants
La région met en oeuvre aussi de gros moyens pour lutter concrètement contre les fractures sociales et territoriales. Ainsi le conseil régional devrait adopter le 29 janvier de nouveaux projets « réussite pour tous » et porter leur nombre à 107 pour cette année (pour environ 1 million d’euros environ). Il faut dire que ces projets, déposés par les établissements, sont de grande qualité. Ainsi le lycée Jules Verne de Cergy va proposer à 50 élèves de 2de professionnelle une période de 5 semaines où les cours d’enseignement général seront mutualisés afin de travailler en petits groupes les compétences transversales, l’apprentissage des codes et l’estime de soi. Cela passera notamment par des techniques théatrales et le lycée bénéficiera de 4000 euros pour payer l’intervenant et les déplacements des élèves en entreprise. Le lycée Renoir de Bondy veut travailler avec des décrocheurs la motivation et la découverte des métiers. Il va faire réaliser par les élèves une « désirothèque » présentant en vidéo une trentaine de métiers auxquels les élèves ne pensent généralement pas. Le projet fera travailler ensemble le COP avec les enseignants de français, histoire-géo, maths, arts plastiques, SVT, anglais et EPS. Le projet concernera 66 élèves sortis du système scolaire et 15 élèves d’un autre lycée sans projet professionnel. Là aussi cela représente un gros investissement de l’équipe enseignante mais quelques milliers d’euros seulement.
800 millions contre la fracture sociale à l’école
120 millions iront aux formations sanitaires et sociales, déjà pour payer des formations à près de 20 000 étudiants. Près de 8 000 bourses vont être versées. 40 millions seront mis dans des stages pour des jeunes peu qualifiés. Voilà pour le coté face. Le coté pile c’est l’engagement en urgence de travaux de mise en sécurité des lycées pour 800 000 euros. Au total, le 29 janvier la région propose près de 800 millions d’investissements dans l’éducation. La liberté, l’égalité et la fraternité, la région veut les construire dans le monde réel et pas seulement dans les mots.
François Jarraud