Faut-il chercher dans ses origines la puissance du redoublement ? Le redoublement est bien une passion française. Ceux qui pensent que le décret de novembre 2014 a mis un point final à la question du redoublement se trompent. La force et la qualité des débats de la conférence de consensus imaginée par le Cnesco et l’IFé, le fait que ce débat fasse salle comble, montrent que le sujet passionne toujours l’opinion française. Mais la puissance du redoublement tient aussi à ses liens historiques avec l’Ecole républicaine. Et là aussi il y a des surprises…
Selon Jérome Krop, auteur d ‘un ouvrage sur la méritocratie républicaine, « depuis la Restauration, les écoles publiques urbaines utilisaient les méthodes de l’enseignement mutuel. Un maître pouvait scolariser plusieurs centaines d’élèves en recourant à des moniteurs choisis parmi les meilleurs élèves qui reproduisaient les leçons du maître auprès de petits groupes d’élèves de niveau homogène dans chaque discipline scolaire. Cependant, l’enseignement simultané (un enseignant fait cours aux élèves) pratiqué dans les écoles congréganistes a la préférence d’une part croissante des familles. Aussi, l’enseignement public élabora un mode mixte. Les débutants et les élèves peinant dans leur apprentissages sont regroupés dans un cours élémentaire à l’effectif pléthorique où les méthodes de l’enseignement mutuel restent en vigueur. En revanche, les meilleurs élèves, moins nombreux, peuvent accéder à un cours supérieur où ils bénéficient de l’enseignement simultané du maître. »
Pour Jérome Krop, le redoublement se développe dans l’enseignement primaire parallèlement à la sélection. « Le modèle scolaire républicain est né dans la Seine à la fin du Second Empire quand Octave Gréard impose dans tous les cours l’enseignement simultané en 1868. Il créé un cursus divisé en trois cours (élémentaire, moyen et supérieur). Le passage d’un cours à l’autre est déterminé par des examens de passage. Aussi, l’âge est secondaire et un élève peut rester en cours élémentaire jusqu’à 4 ou 5 ans dans les années 1880. En 1888, 30 % des élèves seulement réalisent le cursus prévu sans redoublement ».
Ce que nous apprend l’ouvrage de Krop c’est que le redoublement est bien la première base de l’Ecole républicaine. Et que celui-ci et celle-ci ont été imaginés sous l’Empire, pour servir une société non démocratique.
François Jarraud