Le respect d’abord, l’aide sociale ensuite. Présentant ses voeux au monde éducatif le 21 janvier, le président de la République a prononcé un discours à la tonalité « républicaine » voire conservatrice. Il a mis bien davantage l’accent sur les respect des règles, l’enseignement des valeurs républicaines que sur la lutte contre les inégalités sociales à l’Ecole. Il a annoncé peu de mesures nouvelles si ce n’est la refonte des Espe. La ministre de l’éducation nationale présente le 22 janvier le détail des nouvelles mesures de « l’Acte II de la refondation de l’Ecole ».
« Lucidité et fermeté », rappel aux règles et au règlement, respect de l’autorité des enseignants : les propos de François Hollande le 21 janvier 2015 devant les cadres du système éducatif penchaient nettement du coté du maintien de l’ordre scolaire même si le thème de la lutte contre les inégalités était aussi présent.
Un bilan de la priorité à l’éducation
La président de la République a commencé par faire un bilan de son action éducative depuis son arrivée au pouvoir. « Malgré les contraintes budgétaires j’ai maintenu l’objectif des 60 000 postes », a dit le président, annonçant sa « volonté réaffirmée que la jeunesse ait la priorité ». Il a rappelé la réforme de l’éducation prioritaire, les rythmes scolaires, les réformes de l’évaluation et du redoublement, le droit au retour en formation pour les décrocheurs comme autant d’éléments d’une politique de lutte contre les inégalités sociales à l’école. On retiendra aussi ce qu’il n’a pas dit : à aucun moment le président n’a parlé de la nouvelle répartition des moyens, mesure qui est présentée rue de Grenelle comme une véritable innovation amenant la justice sociale dans le système éducatif.
La réforme des Espe
Auparavant le président de la République, accompagné de N Vallaud-Belkacem et G Fioraso, a rencontré des étudiants et enseignants de l’ESPE de Paris. Il a entendu les stagiaires et les enseignants demandant davantage de professionnalisation dans la formation. Le président a annoncé la réforme des Espe. ‘J’ai confirmation que nos choix ont été bons » a-t-il dit. « J’ai demandé à la ministre un bilan… et toutes les mesures correctrices seront prises ». Bien loin d’être satisfait des Espe, dont la mise en oeuvre a été rapide mais laborieuse, F Hollande va les modifier. Cette réforme pourrait aboutir , selon les informations recueillies par le Café pédagogique, dans l’imposition d’un véritable tronc commun obligatoire.
Un plan numérique qui reste flou
« J’ai décidé de lancer un grand plan numérique pour l’éducation », a encor e redit le président. Il annonce des contenus « à disposition des parents, professeurs et élèves. Nous verrons comment renouveler les pratiques pédagogiques ». F Hollande n’est pas rentré dans les détails d’un grand plan qui est ainsi annoncé depuis plus e 6 mois sans que rien de concret ne se passe. Seules décisions : un enseignement des « sciences du numérique » et code seront mis en place à la rentrée.
Un Acte II sécuritaire
L’essentiel du discours présidentiel a été consacré à l’annonce d’un « Acte II de la refondation de l’Ecole » tourné vers la sécurité. Le président veut « renforcer la transmission des valeurs républicaines » et compte sur le nouvel enseignement moral et civique pour le faire. L’EMC sera enseigné » de l’école élémentaire à la terminale » à tous, lycéens professionnels et apprentis compris, ce qui implique des changements de programmes. L’EMC comprendra l’enseignement laïque du fait religieux « dans toutes les classes », ce qui est déjà pratiquement le cas, et l’enseignement des médias, ce qui semble plus novateur.
A cet EMC il fixe comme objectif l’apprentissage de l’autorité. « Il ne saurait y avoir de transmission des valeurs sans respect du professeur » », dit F Hollande. « L’école doit être un lieu de respect du maître ». Pour cela F Hollande annonce que le règlement intérieur devra être signé par les parents et les élèves tous les ans, une mesure déjà très largement généralisée. « Tous comportement mettant en cause les valeurs de la République ou l’autorité du maître fera l’objet d’un signalement au chef d’établissement. Il y aura une réaction », a dit le président dans un véritable rappel à l’ordre disciplinaire. « C’est en renforçant l’autorité du maître qu’on fera partager les valeurs républicaines », ne craint pas d’affirmer le président. Il a aussi confirmé que le 9 décembre, » journée de la laïcité », serait célébré dans tous les établissements.
Un plan de formation « exceptionnel » des enseignants aidera les professeurs à aborder les questions de la laïcité et des valeurs en formation continue. Le plan pourrait être chiffré par la ministre et pourrait se faire en présentiel.
Une mesure plus inattendue a été faite par le président : la création d’une « réserve citoyenne d’appui à l’école » dans chaque académie. Elle s’appuierait sur les associations partenaires, les élus, les entreprises, des intellectuels. D’après les informations recueillies par le Café pédagogique, la réserve serait composée de retraités validés par une commission de sélection. Ils interviendraient à la demande des chefs d’établissement dans les zones sensibles en soutien aux élèves. La formule est nouvelle. On a du mal à imaginer son impact.
Le président a aussi invité les chefs d’établissement à faire des signalements auprès de la police pour repérer « les jeunes qui embrigadent et pervertissent » et ceux qui peuvent être tentés de les suivre.
La refondation c’est déjà terminé ?
Le volet social de l’Acte II est réduit au strict minimum. Le président annonce l’augmentation des fonds sociaux à hauteur de 45 millions. Ces fonds sociaux servent à payer la cantine et éventuellement des fournitures scolaires à des élèves démunis. Il veillera à la mise en oeuvre des quotas de bacheliers professionnels et technologiques dans les formations sélectives post bac (BTS, IUT). L’enseignement du français sera renforcé, sans qu’on sache exactement comment.
En 2012, l’élection présidentielle s’est faite en grande partie sur l’éducation. Elle était le thème majeur de la campagne de F Hollande. Le candidat PS promettait une « refondation de l’Ecole ». Il semblait capable d’y impulser de nouvelles idées et un véritable renouveau. L’Acte II de la refondation semble un tournant qui clôt les ambitions de la refondation et entraine l’Ecole vers des réponses sécuritaires.
François Jarraud