L’Ecole après Charlie
Mobilisation républicaine : N Vallaud-Belkacem fixe ses priorités
Comment rester dans l’unité nationale tout en défendant sa conception du projet républicain ? C’est l’exercice conduit avec brio le 15 janvier par N. Vallaud-Belkacem. Difficile de faire plus consensuel. En pleine surenchère sécuritaire, la ministre de l’éducation nationale ratisse d’autant plus large qu’elle veut imprimer sa marque. Le 15 janvier elle a ainsi consulté ses prédécesseurs, les collectivités territoriales, les associations partenaires de l’Ecole. Et si c’était pour conforter ses propres choix ?
Et après ?
A quoi aura servi l’extraordinaire mobilisation du 11 janvier ? La question est déjà posée par la ministre qui convoque le 12 janvier les représentants de la communauté éducative. L’Ecole, en tant qu’institution, a-t-elle à voir avec la dérive mortelle des assassins de Charlie ? Est-elle décidée à relever le défi de la ségrégation et de la desespérance ?
Valeurs républicaines : La « grande mobilisation » ce n’est pas la guerre…
L’Ecole se donne une semaine pour se mobiliser pour les valeurs de la République. Toute la semaine du 12 au 16 janvier, N. Vallaud-Belkacem consulte les différents acteurs de la communauté éducative pour « mobiliser l’école pour les valeurs de la République ». Le 12 janvier elle a reçu les syndicats enseignants, les associations de parents et de lycéens. Au terme de ce marathon de consultations, peu d’interrogations sur l’école, son rôle et ses responsabilités.
Je suis Charlie : Le dossier pédagogique
L’attentat contre Charlie Hebdo impose à l’Ecole un double défi. Celui de dépasser la douleur et l’émotion au profit de la réflexion. Celui de ne pas enfermer l’Ecole sous un unanimisme de façade sur des pseudos valeurs recuites mais d’interroger avec impertinence les valeurs que nous voulons pour notre pays et notre école… Pour répondre à ce défi, le dossier donne des exemples de pratiques pédagogiques pour traiter la question des attentats en classe à travers le témoignage d’enseignants et cadre du système éducatif. Le dossier flèche aussi des ressources externes dans différentes disciplines. Enfin il rend compte de l’immense débat qui traverse l’Ecole depuis le 7 janvier.
Michel Lussault : L’Ecole doit aborder frontalement la question des croyances
» Il faut inventer une laïcité ouverte, compréhensive ». Michel Lussault, président du conseil supérieur des programmes (CSP) annonce bien une révision des programmes de l’enseignement moral et civique (EMC) après les attentats. Il souhaite un EMC plus ouvert sur le vécu des élèves et qui prennent en compte réellement l’existence des croyances dans l’univers mental des élèves.
H. Zoughebi : « La question de l’égalité est essentielle »
» Comment arriver à convaincre les jeunes que la laïcité leur donne plus de protection et de droits ? Il faut d’abord que la société respecte ces principes pour de vrai. » Vice présidente de la région Ile-de-France en charge des lycées, Henriette Zoughebi représente l’Association des régions de France dans la consultation lancée par N Vallaud-Belkacem. Elle lui propose deux décisions : utiliser les CVL pour lancer le dialogue entre jeunes et supprimer la filière spéciale post bac imaginée par le ministère pour les bacheliers professionnels.
P. Meirieu : Pour que nos émotions soient vraiment démocratiques !
L’émotion intense et collective qui s’est exprimée après les attentats de la semaine dernière a été saluée unanimement – ou presque – comme un sursaut humaniste et républicain. Massif et salutaire. Une manière de manifester sereinement et fermement notre attachement commun aux valeurs de la démocratie. C’était un acte politique fort. Il était nécessaire. Il doit rester dans les mémoires comme essentiel… Pour autant, il ne nous exonère pas – bien au contraire – ni du devoir d’inventaire, ni du devoir d’invention.
Paul Raoult : « Il ne faut pas nier les élèves. Il faut discuter avec eux »
Que faire face aux débordements lors de la minute de silence ? Pour Paul Raoult, président de la FCPE, première association de parents d ‘élèves, il faut prendre le risque du débat avec les élèves. La Fcpe demande la mise en place d’un numéro vert pour aider les enseignants à mener ces débats.
Philippe Tournier : » On parle de vivre ensemble mais une partie de la population voit bien qu’elle ne vit pas avec les autres’
Secrétaire général du principal syndicat de personnels de direction, Philippe Tournier a une vision précise et globale des établissements et des valeurs républicaines. Il répond à nos questions sur la ségrégation dans l’école française et la volonté d’instaurer davantage de mixité sociale.
La société ne respecte pas les valeurs que nous enseignons
« On leur enseigne le respect, mais eux ne sont pas respectés à l’extérieur du lycée ». Professeure dans un lycée multiculturel au Havre, Isabelle Baillleul Létang a partagé son désarroi sur la page Facebook du Café pédagogique après que deux élèves aient refusé la minute de silence. Elle s’interroge sur les raisons qui expliquent cette attitude. Et n’hésite pas à dénoncer le double langage de la société française.
Le CNESCO dévoile « une éducation civique de façade »
Dans le contexte de l’après 11 janvier, alors que la ministre de l’éducation nationale organise « la grande mobilisation de l’Ecole pour les valeurs de la République », le Cnesco décrit une réalité de l’Ecole bien différente. Le 12 janvier, le Conseil national d’évaluation du système scolaire, présidé par Nathalie Mons, publie un rapport qui évalue la réalité de l’éducation civique en France. Pour le Cnesco si en principe l’éducation civique est exemplaire en France, dans la réalité elle relève de « participation de façade » notamment pour les jeunes des quartiers populaires et dans les dernières années de la scolarité, celles qui préparent directement à l’entrée dans la vie citoyenne.
Projets éducatifs territoriaux
Projet éducatif territorial et Education nationale : Le mariage reste à consommer
Comment concrètement sur le terrain s’articulent projet d’établissement, politique académique et projet éducatif territorial ? Le 14 janvier, l’Observatoire des zones prioritaires (OZP) invite deux représentantes du Conseil général de Seine Saint-Denis pour faire le point. Malgré le dynamisme du département et ses investissements, la concertation reste pauvre et la relation reste à construire.
Le privé se prépare à la réforme territoriale
« Comment faire vivre dans ce cadre nouveau les équilibres historiques qui ont été trouvés dans le cadre national ? ». La nouvelle répartition des compétences qui pourrait transmettre aux nouvelles collectivités territoriales les compétences éducatives inquiètent le secrétariat général de l’enseignement catholique (SGEC). Dans un article d’ECA, sa revue, Pierre Marsollier, délégué général de l’enseignement catholique en charge des relations politiques, annonce la position de l’enseignement catholique face à la nouvelle décentralisation.
Enseignement à distance
Quand l’école virtuelle fait la preuve de son efficacité
L’école virtuelle va-t-elle bouleverser la donne scolaire ? En effet, une nouvelle étude publiée par Harvard Kennedy School démontre l’efficacité de cours donnés à distance au lycée. Basée sur l’étude de milliers d’élèves de la plus grande école virtuelle américaine, la Florida Virtual School, elle prend à contrepied l’idée souvent répandue que l’école virtuelle obtient de moins bons résultats que l’école traditionnelle. Alors est-ce la fin de l’école classique et des profs ? Pas vraiment. Mais aux Etats-Unis on entrevoit déjà des économies, des avantages pour les élèves et de nouveaux marchés pour l’enseignement à distance.
Enseignement virtuel : Quels résultats en France ?
L’enseignement virtuel obtient-il d’aussi bons résultats en France qu’en Floride ? Deux expériences, fort différentes, ont retenu notre attention. « Finalement j’ai plus de contact avec mes élèves virtuels que ceux de mes clases », nous a dit Chantal Larrory, professeure d’allemand dans le cadre du dispositif LOREAD. A Toulouse, Béatrice Crabère juge que l’enseignement à distance a changé sa façon de faire cours.
Bruno Devauchelle : L’enseignement virtuel une nouvelle forme de concurrence entre établissements
Spécialiste du numérique, Bruno Devauchelle a suivi de près l’expérience de LOREAD, un dispositif d’enseignement à distance développé en Lorraine. Il répond à nos questions sur les compétences nécessaires chez les enseignants et les élèves pour tirer parti de l’enseignement à distance. Il s’interroge aussi sur la concurrence entre enseignement virtuel et enseignement traditionnel ?
Evaluation
Que nous apprend le numérique sur l’évaluation ?
Le numérique aurait-il pu amener l’Ecole à évaluer autrement ? Bruno Devauchelle rappelle l’approche révolutionnaire du B2i avec son évaluation par compétences déliée de toute discipline. Mais au final, la participation du numérique à l’évaluation, ce sont les logiciels de notes. Le constat est là. Même le numérique n’a pas changé l’évaluation traditionnelle…