Comment transmettre à tous les enfants l’héritage républicain ? Devant les recteurs et les Dasen, réunis au lycée Louis le Grand à Paris, N. Vallaud-Belkacem a amorcé un programme d’action en présence du premier ministre, Manuel Valls, le 13 janvier. Si la ministre voit bien ce qui alimente le doute par rapport au discours républicain, ses réponses restent classiques : la promesse d’un enseignement civique et moral rénové, de nouvelles ressources et l’engagement des cadres.
M Valls : « la laïcité, la laïcité, la laïcité »
« J’étais ce matin, avec la ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, devant les recteurs de France. Je leur ai adressé un message de mobilisation totale, un message d’exigence, un message qui doit être répercuté à tous les niveaux de l’éducation nationale : le seul enjeu qui importe, c’est la laïcité, la laïcité, la laïcité ! » Devant l’Assemblée nationale, le premier ministre a résumé ainsi sa déclaration devant les recteurs, faite à huis clos. « Nous avons laissé passer trop de choses dans l’école… Puisqu’on nous attaque à cause de la laïcité, à cause des lois que nous avons votées interdisant les signes religieux à l’école, et prohibant le port du voile intégral. Revendiquons ces lois, car elles doivent nous aider à devenir plus forts encore ! » Alors que N Vallaud Belkacem vient juste de publier une circulaire qui infléchit dans un sens libéral la circulaire Peillon sur le port du voile par les mères accompagnatrices, il semble que le balancier de l’Etat reparte dans l’autre sens…
Un diagnostic social
N Vallaud-Belkacem a longuement parlé aux recteurs en produisant une série de mesures et un diagnostic. « Nous devons avoir collectivement le courage, en refusant la facilité polémique, d’analyser la situation en face, de décrire les dérives qui ont fragilisé le projet républicain, y compris à l’école », explique la ministre. « Oui, la forme de délitement du lien social au cours des trente dernières années de crise économique et sociale n’a pas épargné l’école. Oui, le sentiment de désespérance, l’accroissement des inégalités et de la prévalence du déterminisme social, l’incapacité collective à prévenir le décrochage scolaire endémique d’une partie de notre jeunesse, ont entamé la mission d’égalité de l’école. Oui, les discriminations, l’écart entre les valeurs affichées et les réalités vécues, les replis identitaires, les velléités communautaristes, les logiques d’entre soi ont parfois affaibli son ambition de fraternité. » Dans sa lettre aux enseignants du 7 janvier, la ministre avait nié toute discrimination à l’Ecole. Son discours semble cette fois accepter l’idée que pour que les valeurs républicaines soient perçues il faut qu’elles soient mises en pratique. Malheureusement aucun fait précis dans le discours ne viendra répondre à ces questions.
De nouvelles ressources
Soucieuse de présenter des réponses « durables », N Vallaud-Belkacem a annoncé de nouvelles ressources pour les enseignants. Elle a promis de la formation continue sur la plateforme m@gistère ainsi qu’un livret à l’attention des directeurs et chefs d’établissement. La ministre a aussi évoqué le nouvel enseignement civique et moral. » On ne saurait concevoir un enseignement visant à former le futur citoyen sans le mettre en pratique dans le cadre scolaire », a-t-elle dit. L’école doit permettre aux élèves.. de participer à la vie sociale de la classe et de l’établissement dont ils sont membres.. L’enseignement moral et civique articulera les contenus enseignés et les modalités de la démocratie collégienne et lycéenne. J’y suis très attachée. « . Elle a aussi annoncé la création d’une journée de la laïcité , le 9 décembre, qui viendra s’ajouter à beaucoup d’autres.
Les professeurs tenus de surveiller la « radicalisation »
« S’agissant de la nécessité de lutter contre la radicalisation, le ministère a préparé un livret opérationnel de prévention à l’attention de ses personnels qui sera prochainement diffusé, une fois le plan d’actions interministériel arrêté », annonce la ministre. Les enseignants devront-ils signaler les élèves susceptibles de mal penser ?
Dans un communiqué publié le 14 janvier, le durcissement impulsé par M Valls est déjà sensible. Revenant sur « la centaine » d’incidents lors de la minute de silence, le ministère précise : » Conformément aux instructions de fermeté données par la ministre, toutes les difficultés rencontrées ont été traitées localement, de manière proportionnée à la gravité des faits, par les équipes éducatives et pédagogiques, entre dialogue éducatif et sanctions disciplinaires, allant du rappel à l’ordre en présence de l’élève et de ses parents à la convocation de conseil de discipline. Une quarantaine de situations ont été transmises aux services de police, de gendarmerie ou aux parquets…L’éducation nationale ne laissera prospérer aucun comportement contraire aux valeurs de la République ».
N Vallaud Belkacem devrait faire le point sur la « grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République » le 15 janvier. D’ici là elle aura vu les associations anti racistes, les élus locaux et ses prédécesseurs. Elle se sera donné le temps d’ajuster ses décisions à l’humeur du pays. Pas de grande mobilisation sans grande consultation…
François Jarraud