A Montesson, dans les Yvelines, les enseignants du collège Pablo Picasso seraient-ils cubistes par leur souci de démultiplier et déconstruire les points de vue ? En collaboration avec plusieurs collègues, Lionel Vighier, professeur de français, y mène de nombreuses activités pour revitaliser et enrichir les apprentissages : blogs divers, créations numériques, journal multimédia en ligne, bandes annonces de conseils de classe, usages innovants de Twitter, animations pour le Printemps des poètes, défi intercollège d’écriture de fictions fantastiques et multimodales, travail interdisciplinaire français-EPS (par exemple sur les registres littéraires via le badminton) ou français-technologie (par exemple sur la représentation visuelle de l’identité d’une classe)… Par-delà les supports, ce sont bien les valeurs de la culture numérique (créativité, collaboration, communication….) que Lionel Vighier et ses collègues tentent de faire vivre : une belle invitation à sortir l’éducation des cases habituelles pour ouvrir les enseignants à d’autres pratiques et d’autres disciplines, pour ouvrir les élèves au monde.
Vous tenez un blog d’enseignant, le « blog de français de M. Vighier », dans lequel vous publiez diverses ressources : comment en êtes-vous venu à ouvrir un blog ? qu’y publiez-vous ?
Ce blog a une histoire particulière. Je l’ai créé en 2009 grâce à la plateforme proposée par le CRDP de l’Académie de Versailles, à une époque où j’étais titulaire en zone de remplacement. Comme j’étais amené à changer régulièrement d’établissement, je ne pouvais pas publier de manière pérenne sur un blog ou un site d’établissement. J’ai donc créé ce blog pour bénéficier d’une plateforme de publication et de partage indépendante de toute affectation, mais aussi pour permettre de garder un contact avec mes anciens élèves, qui m’écrivaient parfois pour me demander des informations (méthodes, bibliographies…). Par ailleurs, dans ses débuts, ce blog m’a servi à la fois de cahier de texte numérique et d’ENT, dans la mesure où ces outils soit n’existaient pas encore, soit ne me satisfaisaient pas entièrement. A cheval sur deux établissements, cela me permettait de tout concentrer en un seul et même endroit. Dans les débuts, j’ai aussi publié des écrits d’élèves. Mais très vite cette plateforme ne fut dédiée qu’à mes écrits et aux « rendez-vous numériques » que je donnais aux élèves : documents à consulter, exercices à réaliser, consignes…
Aujourd’hui, je suis amené à revoir la ligne éditoriale de ce blog. Je publie actuellement sur plusieurs plateformes (page des lettres, site du collège, blog de français du collège, club journal et bien sûr ce blog) et je dois adapter mes écrits à la ligne éditoriale de chaque site. La tendance s’est inversée : je ne publie plus toutes sortes d’articles sur un seul blog mais je publie, sur plusieurs sites/blogs, des articles adaptés à leur ligne éditoriale et à leurs destinataires. Cela remet en question ma propre ligne éditoriale et ce « blog de français de M. Vighier » est sur le point d’être complètement changé au profit d’une lisibilité plus large : une partie du blog s’orientera vers les élèves (les miens et ceux des autres) qui y trouveront documents, tutoriels, capsules vidéos pour ouvrir leurs perspectives et/ou travailler seul (dans l’esprit « pédagogie inversée ») ; une partie du blog s’adressera aux professeurs et mettra en avant des expérimentations pédagogiques ; une partie du blog concernera les médias et l’éducations aux médias ;une partie du blog sera consacrée aux dessins humoristiques de « Zeprof » (Birds dessinés).
Actuellement, je ne fais presque aucun usage pédagogique de mon blog et je ne cherche pas particulièrement à ce que les élèves aillent sur ce blog. Je les informe de la sortie d’un article pouvant leur être utile, mais je ne provoque pas d’action particulière de leur part sur ce blog. Sauf lorsque j’ai lancé, par exemple, le « contre-blason de la barbe ». J’ai invité les élèves à contribuer à l’écriture du contre-blason le plus long du monde grâce à un cadavre exquis en ligne ! La tâche d’écriture collaborative via les commentaires du blog était ainsi formulée : « Voilà un contre-blason (poème satirique) ayant pour thème la barbe, commencé en 2009 par les élèves de Pablo (Montesson) et poursuivi par les élèves de Roby (Saint Germain en Laye). A vous (de Pablo, de Roby ou d’ailleurs…) de proposer, dans les commentaires, des vers de votre cru. Vous écrivez ce que vous pouvez de plus cruel et de plus moqueur sur la barbe (car c’est un contre-blason)… Le résultat sera et commence déjà à être une œuvre poétique collective écrite en ligne ! »…
Un autre blog, le « blog de français du collège Picasso », est destiné à recueillir et valoriser les productions des élèves : comment fonctionne concrètement ce blog ?
Le blog de français est uniquement réservé aux productions d’élèves : créations multimédias, comptes rendus de lecture, nouvelles, poèmes… La plupart du temps, les élèves nous envoient par mail leur production et nous les publions nous-mêmes. Les collègues et moi-même avons tous un mot de passe : nous avons convenu d’une structure et de certaines règles de présentation (pour respecter une unité globale), puis chacun d’entre nous publie les travaux de ses élèves. Parfois, lorsque l’activité est entièrement réalisée en classe, nous créons un identifiant pour la classe, ce qui permet aux élèves de rédiger directement dans l’article.
Pouvez-vous donner des exemples de créations d’élèves ainsi mises en ligne ?
Ces derniers temps, les élèves ont créé d’intéressants comptes rendus de lecture cursive, autour du « Journal » d’Anne Frank et de « La nuit » d’Elie Wiesel. Ces articles demandent un important travail de préparation de leur part (et de la mienne) et des ajustements en cours tant sur le fond que sur la forme. Chaque binôme ou trinôme est responsable d’une mission (voir les différentes productions des articles). Cette année nous bénéficions de quelques tablettes qui permettent aux élèves d’enregistrer leur voix et de se filmer, donc de rendre compte de leur lecture de manière aussi bien orale qu’écrite.
J’expérimente ainsi en ce moment le nuage de mots clés comme entrée dans un texte. Pendant ou après leur lecture, les élèves constituent un nuage individuel de mots clés, comportant entre 20 et 30 mots qui traduisent, selon leur choix, l’action, le style, l’ambiance d’un livre, mais aussi les sentiments et impressions qu’il suscite. J’invite les élèves (facultativement, dans un premier temps), à adapter la forme du nuage au sens des mots : choisir la taille d’un mot en fonction de son importance supposée ; sa couleur en fonction de son sens etc. La forme globale du nuage donne une impression générale du roman.
Les élèves se mettent par groupes de 3/4 et mutualisent leurs nuages, ce qui peut les amener à cumuler entre 60 et 120 mots clés, bien que beaucoup d’élèves aient choisi certains mots communs. L’objectif est le suivant : parmi ces 3/4 nuages de mots clés, choisi 15 mots seulement, qui résument l’œuvre selon eux. S’ensuit bien sûr un débat interne au groupe : pourquoi choisir ce mot et non celui-là ? Comme chaque mot doit pouvoir être illustré d’une référence à l’œuvre, ils sont amenés à chercher, vérifier que le choix de ce mot est pertinent. Quand les 15 mots sont choisis, un élève réalise un nuage sur tablette (avec l’application Picsart) pendant que les autres préparent les moyens d’illustrer chaque mot : par une explication verbalisée, par une citation, par la lecture d’un extrait. Toute cette « matière » avait été préparée en amont, à la maison, par les « notes de lecteur ». Les élèves peuvent ainsi, au choix, augmenter chaque mot par l’écrit, par un enregistrement sonore ou par de la vidéo.
Dans quelle mesure un outil comme le blog vous parait-il à même de stimuler les apprentissages ?
L’apprentissage est avant tout stimulé par la perspective de la publication. Cet horizon d’attente, non négligeable, est un facteur de motivation et amène les élèves à davantage s’engager dans leur production. J’ai pu constater un engagement des élèves dans un double sens. Un engagement au sens d’investissement : les élèves ont été très actifs et tous actifs. Un engagement de soi, de son image et de ses mots : les élèves ont fait attention à ce qu’ils disaient.
Le « journal de Pablo » est quant à lui un « journal multimédia en ligne » produit par les élèves inscrits au « club journal » du collège : comment fonctionne ce « club journal » ?
Ce club journal est un atelier d’accompagnement éducatif hebdomadaire, composé d’une dizaine d’élèves, de tous les niveaux, animé par mon collègue et membre du GEP EPS, David Perissinotto. L’objectif de ce club journal est de sensibiliser les élèves à la production de médias en ligne et à la publication. Contrairement à la 3ème Médias, les élèves du club journal n’ont pas pour rôle une veille médiatique mais bien une production de ressources en ligne, plus ou moins sérieuse.
Quels genres d’articles les collégiens y publient-ils ? Quels exemples de productions « multimédia » peut-on y trouver ?
Le choix de sujets et de supports est multiple. Les élèves ont par exemple réalisé des bandes-annonces de conseils de classe, en utilisant une tablette pour filmer et monter. Ils réalisent aussi des sondages. La préparation d’un sondage invite les élèves à réfléchir à l’objectif de leur sondage, à la différence entre le lectorat potentiel (tout le monde) et le lectorat probable (leurs camarades du collège), à adapter leur sondage à ces critères. Ils doivent anticiper sur l’analyse des réponses (quelle interprétation vais-je tirer de telle réponse à telle question ?). Les résultats des sondages sont ensuite analysés et interprétés. Les élèves sont ainsi mis dans une situation concrète où ils sont amenés à constater la difficulté d’interprétation d’un chiffre et toute la partie subjective et interprétative du commentaire journalistique.
On trouve aussi sur le Journal de Pablo des comptes rendus de lecture, par exemple des bandes-annonces de livres réalisées avec Powtoon. Cette année une nouvelle émission a vu le jour grâce à deux élèves de 4è. L’émission s’appelle « on a lu, on a vu » et présente des œuvres littéraires adaptées au cinéma. Le premier numéro devrait sortir (espérons) avant la fin de l’année civile.
Les élèves réalisent encore des interviews menées sur le terrain, par exemple autour du distributeur de légumes de Montesson. Les élèves rencontrent des professionnels et leur posent des questions : l’enregistrement audio est récupéré et tout leur travail consiste en un choix méticuleux des moments à publier et de l’angle ainsi que l’ordre de l’article.
Des infographies sont aussi publiées, par exemple sur les inégalités entre les hommes et les femmes : l’infographie développe l’esprit de synthèse et initie au graphisme. Ou encore des reportages sur des évènements propres au collège : rencontre sportive, sortie, voyage…
Quelles compétences les élèves développent-ils à travers cette activité journal ?
Le journal scolaire est un véritable carrefour de compétences. De nombreuses compétences du socle y sont en effet travaillées. Bien entendu la maîtrise de la langue française. Les élèves apprennent en particulier à « adapter le propos au destinataire et à l’effet recherché » : la question du lectorat et la prise en compte du destinataire sont essentielles et complexes (entre un lectorat possible et un lectorat probable). Ils cherchent aussi à « utiliser les principales règles d’orthographe lexicale et grammaticale » : les élèves écrivent et publient ; tous présentent des difficultés en expression écrite et la relecture orthographique est une étape important pendant et après l’écriture d’un article ; les règles sont ainsi revues, rappelées, parfois réexpliquées. L’expression orale est aussi travaillée, notamment par la réalisation de courts reportages/journaux télévisés qui apprennent à « prendre la parole en public ». Des attitudes sont favorisées par le projet : la volonté de justesse dans l’expression écrite et orale, le goût pour l’enrichissement du vocabulaire.
Le journal de Pablo aide aussi à « la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication ». Les élèves apprennent à « s’approprier un environnement informatique de travail » : toute la préparation en amont de la réalisation se fait dans l’ENT, les élèves partagent entre eux et avec nous leur « brouillon » pour une collaboration à la fois plus efficace et plus rapide. Les élèves sont par ailleurs formés au montage vidéo et à l’intégration d’un média dans une page web. Ils développent leur capacité à « s’informer, se documenter, tout en faisant preuve d’une attitude critique et réfléchie ». Ils apprennent à mettre en page un texte sur WordPress et les plus curieux (les plus « geeks ») apprennent des rudiments de code.
La « culture humaniste » n’est pas négligée : il s’agit de « comprendre l’unité et la complexité du monde », de savoir « lire et utiliser différents langages, en particulier les images », d’adopter « une approche sensible de la réalité ». De même les compétences sociales et civiques : tous nos élèves travaillent en équipe et apprennent à la fois à collaborer et à confronter leurs points de vue ; ils apprennent la tolérance et traquent les stéréotypes ; ils deviennent capables d’adopter une distance critique par rapport à l’information ; ils apprennent à « distinguer virtuel et réel » en réalisant parfois de « faux articles comme un reportage (en cours de réalisation) sur la présence de fantômes au collège ; ils développent une conscience critique des médias et de l’intérêt pour de grands sujets du débat public.
Vous explorez aussi des usages pédagogiques de Twitter, notamment à travers le compte « @lettrespablo » : comment utilisez-vous pédagogiquement ce réseau social ?
Le compte de français de Pablo Picasso est @lettrespablo (ActuLettres Pablo). A la base, ce compte est un simple vecteur d’information dès qu’une activité ou une création liée aux cours de français est publiée. Mis à part quelques tweets rédigés par-ci par-là par les élèves, je n’ai pas énormément pratiqué l’écriture sur Twitter avec eux. Voici deux séances que j’ai menées et qui sont liées à la rédaction de Tweets.
Lors d’un débat sur Le Horla de Maupassant opposant des partisans d’une explication rationnelle à des partisans d’une explication irrationnelle, certains élèves avaient pour rôle de tweeter en direct les arguments et les exemples du débat, à partir du compte @lettrespablo et en utilisant le hashtag #quiestlehorla. Ce qui est intéressant, c’est la publication et la visibilité du débat, qui ne concerne plus la classe uniquement, mais potentiellement tous les Twittos de la Terre ! Le débat s’ouvre au public, et les internautes peuvent, s’ils le souhaitent, enrichir le débat. Le tweet permet de faire tomber les murs de la classe et de donner plus d’écho à la voix des élèves.
Lors de la journée du direct organisée par le CLEMI, les 3èmes médias ont publié, en 1 heure, des brèves d’actualité, rédigées, corrigées, reformulées en classe (@3emedias). L’intérêt est multiple : les élèves travaillent l’esprit de synthèse puisqu’ils doivent résumer un fait d’actualité en une phrase, mais sont obligés de réfléchir scrupuleusement aux mots employés et aux informations présentes dans la phrase. Comment répondre aux 5W (who, when, where, why, how) en moins de 140 caractères ? Il faut choisir ses mots, et bien sûr veiller à la correction de la langue.
Durant le Printemps des poètes 2013, vous avez lancé différentes activités susceptibles de remplir l’espace scolaire des « voix du poème » : quels étaient vos intentions à travers ce projet ? quelles sont les différentes activités qui ont ainsi fait vibrer poétiquement le collège ?
Le projet a été initialisé par ma collègue, Violaine Gouzien. Nos intentions étaient tout simplement de faire vivre aux élèves une expérience poétique, et de faire vivre la poésie. Depuis le Printemps des poètes, je ne peux plus envisager l’étude de la poésie par des questions sur un poème et une récitation. La poésie se dit, se partage, se vit par les sens. On est entre la contagion et la communion… des mots. L’objectif de la semaine est d’envahir le collège de poésie pendant une semaine. Nous avons célébré cet évènement en 2013, en 2014, et nous renouvellerons l’expérience en mars 2015 autour du thème « L’insurrection poétique ». D’habitude, c’est tout le niveau 4ème qui est impliqué mais cette année, en raison du thème, nous ferons probablement participer les 3èmes.
Des activités variées ont été menées, mais la plus caractéristique ce sont les « BIP » (expression qui n’est pas de moi), les « Brigades d’Intervention Poétique » : un binôme ou un trinôme interrompt un cours en plein milieu pour déclamer, jouer, mimer, en bref mettre en scène et en voix un poème. C’est un moment redouté par les élèves mais après un premier passage, ils en redemandent ! La préparation est très intéressante : la perspective d’une telle prestation nécessite une appropriation personnelle du poème par l’élève, un travail sur la voix et sur le corps. C’est un travail passionnant.
D’autres activités sont proposées : création d’affiches poétiques, tutorats poétiques, « SOS poèmes » (les élèves proposent un premier vers et demandent à d’autres personnes – adultes ou élèves – de poursuivre ce poème), les menus poétiques (les menus sont « traduits » en poèmes et affichés dans la cantine et sur le site du collège), réalisation de « films poétiques » (à découvrir sur le blog du Printemps des Poètes)…
Tous les personnels de l’établissement sont impliqués et très volontaires. Certains collègues d’autres disciplines lisent chaque jour un poème qu’ils aiment à leurs élèves, le chef d’établissement (passionné de poésie) affiche des poèmes qu’il affectionne dans le couloir de la Direction, les membres de la cantine recopient soigneusement les poèmes des élèves sur le tableau de la cantine, les collègues reçoivent patiemment les BIP et les encouragent… C’est un grand moment de convivialité, où chaque élève trouve son rôle à jouer (choisi par lui) et où les élèves s’aperçoivent qu’il n’y a pas que le professeur de français qui lit de la poésie, que la poésie n’est pas un simple texte en vers et avec des rimes dans un manuel de français, qu’il faudra en plus réciter devant la classe.
Pouvez-vous expliquer ce qu’est le projet d’écriture « Inquiétantes étrangetés » ?
Pour le projet « Inquiétantes étrangetés », les élèves de différents collèges sont invités à publier des créations fantastiques (principalement des récits fantastiques, mais des récits enrichis par de la photo, du son, des vidéos) sur un blog commun et sont mis en lice. A l’origine de ce projet : Violaine Gouzien (collège Pablo Picasso à Montesson, 78), Jean-Michel Magnient (collège Pascal à Viarmes, 95), moi-même. Les élèves publient leurs créations et sont invités à commenter les créations de leurs camarades d’un autre collège, ce qui les sensibilise à la fois à la critique littéraire et à la bienveillance de l’échange en ligne.
Cette année, le projet prend plus d’ampleur : 10 classes de 4ème, 6 professeurs, 3 collèges (le collège Emile Chevallier de Souppes-sur-Loing se joint au projet), 3 départements (78, 77, 95) et 2 académies (Versailles et Créteil). Et encore, je ne désespère pas d’étendre le cercle l’année suivante ! De même que dans la pratique de l’etwinning, la possibilité d’une plateforme commune en ligne permet d’ouvrir les élèves au monde extérieur. Cette année nous tenterons de renforcer l’interaction entre les élèves, par le biais des commentaires, et pourquoi pas des vidéos, dans lesquelles les élèves intervieweront leurs camarades d’un autre collège.
De manière générale, comme le montre ce projet intercollège, que ce soit à travers les blogs, le club journal, les réseaux sociaux, les actions poétiques…, il semble que vous cherchiez à abattre bien des murs, à casser tout ce qui enferme dans un espace-temps scolaire ainsi que dans des traditions et cloisonnements disciplinaires … : en quoi cette dimension émancipatrice de notre rôle d’enseignant vous semble-t-elle essentielle ? dans quelle mesure le numérique est-il selon vous à même de nous aider dans cette tâche ?
« Je hais les haies qui sont des murs. Je hais les murs qui sont en nous » (Raymond Devos). La tradition scolaire cloisonne encore. Les murs sont dans les traditions, mais c’est parfois en nous qu’ils sont bien ancrés, ces murs ! Parfois, les élèves eux-mêmes sont les premiers à être perturbés quand on fait éclater les frontières. Personnellement, dans mon métier je suis claustrophobe : j’aime travailler en équipe avec les collègues de français, et j’ai de la chance d’être dans une équipe soudée, aimant le travail de groupe, le travail, l’échange, l’interaction.
Depuis deux ans, nous travaillons sur un projet expérimental intitulé le projet « FREPS » : il consiste à travailler conjointement, dans les deux disciplines français (Aurélie Dematteis et moi-même) et EPS (David Perissinotto, Mikaël Sofianos, du GEP EPS), les mêmes compétences, pour que les élèves prennent bien conscience de la cohérence globale de l’enseignement, et de l’interaction des disciplines entre elles. Le lien entre les disciplines est tacite, et c’est souvent la pédagogie de projet qui permet de les mettre en évidence. Loin de nuire au contenu disciplinaire, celui-ci s’en retrouve renforcé par la multiplicité des approches. Je pense, par exemple, au travail sur les registres littéraires que je mène avec mon collègue lors des cycles de Badminton et d’acrosport. Cette année l’apport du professeur de technologie, Hermann Andriano, ouvre les perspectives du « FREPS », par un travail sur l’identité visuelle du groupe : comment représenter ce groupe que nous formons (3è médias / 3è FREPS) ? Lors d’un cours que nous avons animé ensemble, les élèves sont amenés à une réflexion à la fois sémantique et graphique sur leur identité collective, et prennent ainsi conscience des objectifs et de la démarche pédagogiques qui fondent leur identité de classe.
Les murs sont aussi ceux de la classe : le travail sur ENT me permet d’assurer une continuité, un dialogue et un suivi permanent avec mes élèves. Dès lors que nous menons des projets abattant des murs au collège, l’investissement des élèves s’en trouve accru car l’espace de la classe s’ouvre vers les autres et vers le monde, pat exemple à travers le projet d’échange de lettres interclasses, les activités du printemps des poètes, le projet « Inquiétantes étrangetés ». L’éducation aux médias (club journal, 3ème médias) a aussi pour vocation d’ouvrir le collège au monde et aux professionnels de l’information (rencontres avec des professionnels de l’information dans le cas de la 3è médias, par exemple ; partenariat avec Pearltrees). Les tablettes permettent encore davantage de mobilité, dans la classe, entre les disciplines et entre les classes.
Il me semble essentiel d’ouvrir le collège au monde, aux autres. Internet (et avec lui les ENT, les blogs, les réseaux sociaux) est une formidable occasion d’outrepasser les murs physiques de la classe. Mais c’est d’abord une démarche pédagogique, nécessitant un décentrement disciplinaire au préalable pour que les élèves, dans une démarche de projet, soient au centre de la pédagogie, au milieu d’un tout tissé par un réseau de disciplines cohérentes et interactives ou interagissantes, au milieu d’un tout qu’est la classe, le collège, la société, le monde.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
Le blog de français de M. Vighier
Le blog de français du collège Picasso
Autour du Journal d’Anne Frank
Autour de La nuit d’Elie Wiesel
Bande-annonce de conseil de classe saison 3
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Présentation vidéo du débat « Le Horla » sur Twitter
Le débat « Le Horla » sur Twitter
Productions de la 3ème média à l’occasion de la journée du direct organisée par le CLEMI
Le blog du Printemps des poètes à Pablo Picasso
Activités diverses pour le Printemps des Poètes