Par Rémi Boyer de l’association Aide aux Profs
– Estelle DUREUIL, professeur des écoles en disponibilité, est devenue chasseur immobilier, un métier très accessible aux enseignants en reconversion.
– Le détachement : sur les 15 types de détachement qui existent, certains sont des voies trop étroites actuellement, alors qu’ils constituent un gisement d’opportunités non exploitées
– Seconde carrière : Quel impact pour la nouvelle circulaire ?
Quel a été votre parcours de carrière ?
Après une maîtrise de Biologie en 1999, j’ai préparé à l’IUFM de Dijon le concours de professeur des écoles, et j’ai été placée en 2000 en liste complémentaire. A la mi-septembre, le rectorat m’a proposé un poste dans l’Yonne, à 150 km de chez moi, pour un an. Je n’étais pas formée à la pratique du métier, mais j’ai accepté quand même. Je me suis retrouvée avec une classe de 22 élèves dans un lieu que je ne connaissais pas, où je n’avais aucun contact d’ailleurs.
Ensuite, j’ai effectué mon année de PE2 à l’IUFM d’Auxerre, j’ai enfin été formée, puis j’ai obtenu mon premier poste en CM1/CM2, poste provisoire de directrice, dans une école de campagne où nous étions deux. Comme je débutais, c’est mon collègue qui avait un an d’ancienneté de plus que moi qui a accepté de prendre la direction de l’école.
En 2004, j’obtiens ma mutation à Lyon en maternelle, dans une super école du 7e arrondissement, où je suis restée 3 ans, mais comme j’aimais beaucoup Paris, j’ai décidé de m’y installer en 2007, en poste fixe définitif. En plus, l’école était à 200 m de chez moi, les conditions idéales. J’y suis restée trois ans, en finissant par trouver les locaux trop petits (une seule cour à partager pour 5 classes de maternelles et 8 classes d’élémentaires). Entre 2010 et 2011 j’obtiens une mutation dans une école du 9e arrondissement mais très vite je me rends compte que l’entente entre collègues n’y est pas positive et épanouissante. Cela a été l’année la plus difficile de ma carrière, et j’y suis resté un an seulement. Puis j’ai obtenu un poste dans une école classée en ZEP, Rue de Paradis, où je suis restée deux ans.
Quel a été le facteur déclencheur de votre envie de quitter l’enseignement ?
En septembre 2012, lors d’une inspection, l’IEN démonte toute ma pédagogie, en critiquant tout, point par point, et en émettant des a priori en général sur les profs du type « vous les profs vous vous tournez les pouces pendant les récréations », l’image de la maternelle était vraiment très négative aux yeux de cette personne. J’ai vraiment été choquée par le manque de dialogue et le manque de considération qu’un IEN pouvait avoir pour son personnel, j’ai eu face à moi une inspectrice imbue d’elle-même et du pouvoir qu’elle exerçait, et qui n’était pas assez à l’écoute de l’enseignante que j’étais. Au cours de l’entretien, elle a été odieuse avec moi à plusieurs reprises. A aucun moment je n’ai eu la parole pour me défendre et argumenter mes choix pédagogiques et chaque tentative d’intervention était perçue comme un affront et je n’ai bien sûr eu aucun conseil pour progresser.
Cela a entraîné chez moi beaucoup de fatigue, et une grande perte de motivation, l’envie n’était plus là, le contrecoup à n’en pas douter de cette inspection. En décembre 2012, j’ai craqué, je me sentais en burn-out et en mars 2013, j’ai demandé une disponibilité pour la rentrée suivante. Ma famille m’a soutenue dans cette démarche.
Quelles démarches avez-vous réalisées ensuite ?
Durant cette disponibilité, j’étais bien décidée à m’engager dans une autre voie professionnelle. J’ai d’abord prospecté au salon de l’immobilier car c’est cet univers qui m’attirait. J’ai pu trouver une formation qui me convenait à l’Ecole Supérieure de l’Immobilier en partenariat avec l’Université de Lorraine (Metz), en lien avec la FNAIM à La Défense à Paris, ce qui m’évitait d’aller étudier à Metz. C’était 4.000.00 € l’année de formation, et j’ai commencé à la mi-septembre 2013. Fin août, je m’étais inscrite à Pôle Emploi, mais pour pouvoir toucher une allocation, il faut travailler dans le privé au moins 4 mois pour que les cotisations salariales ouvrent les droits nécessaires. De septembre à août 2014 j’ai réalisé une formation de 600 heures, en alternance à raison de 3 jours en entreprise et 2 jours à l’ESI. Cette formation m’a permis d’obtenir une Licence de Chargé de Gestion Patrimoniale Immobilière. C’est très adapté aux personnes en reconversion professionnelle.
Dans ma recherche de financement, j’ai appris que si j’avais eu moins de 26 ans (ça peut être le cas de jeunes enseignants qui au bout d’un an ou deux se rendent compte que ce métier n’est pas fait pour eux), j’aurais pu être en contrat de professionnalisation, avec le financement intégral de la formation et une indemnité de l’ordre de 80% du Smic. Si j’avais choisi de devenir Syndic d’immeubles en Copropriété, j’aurais pu aussi avoir un financement plus facilement, mais ce métier m’intéressait moins.
J’ai donc réalisé mon alternance en Gestion Locative et Négociation Achat/Vente dans une agence immobilière traditionnelle, mais comme j’étais très attirée par le métier de Chasseur Immobilier, j’ai commencé à prospecter à ce niveau. Comme il fallait que je choisisse un sujet de mémoire, j’ai choisi ce thème, et je suis allée me présenter à la société Homelike Home en mars 2014, et ils m’ont employé en stage.
Que vous a-t-on confié comme missions chez Homelike Home ?
Animer le blog de l’agence : http://www.homelikehome.com/
Etre sollicitée en renfort pour certaines recherches ciblées. Réaliser des recherches seule, des statistiques sur la société, recenser les chasseurs immobiliers en France aussi pour mieux connaître cette profession. En mai 2014 j’ai été sollicitée pour faire une recherche d’appartement qui applique les principes du Feng-Shui, c’était très intéressant. Fin août j’ai soutenu mon mémoire, et depuis, je travaille toujours pour cette société.
Quelles avaient été vos motivations pour entrer, et pour sortir du métier d’enseignant ?
Pendant mes études j’avais obtenu le BAFA, j’avais fait du baby-sitting, j’avais été animatrice, et le contact avec les enfants était bon, donc je suis entrée naturellement, confiante dans ce métier.
De plus, mes parents avaient un travail très prenant, par opposition à ce qu’ils ont vécu j’ai choisi une voie professionnelle offrant du temps libre et des vacances de manière régulière.
Ce qui m’a donné envie de partir, ce sont ces conditions de travail qui se dégradent d’année en année. La hiérarchie nous demande toujours plus de compte à rendre, de plus en plus de réunions qui ne sont pas constructives, prenant du temps sur la préparation de la classe.
A Paris, on a peu ou pas d’encadrement avec les ASEM, faute d’une mauvaise organisation du personnel de la ville qui n’est pas du tout calée avec les horaires et les besoins d’une école, et aussi par manque de moyens.
La société change aussi, et la place que l’on accorde à l’enseignant a aussi changé. La sécurité des enfants devient un sujet sensible, cela génère un stress croissant.
C’est un détail parmi d’autres, mais la question du passage aux toilettes en maternelle est très problématique lorsqu’on est seul en classe. S’il n’y a pas d’ASEM, avec des élèves qui ont vraiment envie d’aller aux WC, on fait comment ? On ne peut pas prendre la responsabilité de laisser tous les autres élèves seuls. Toutes ces contraintes pratiques dues à un manque d’encadrement nuisent aux apprentissages.
Les parents ne se rendent pas compte de toutes ces contraintes que nous avons, et ce sont les premiers pourtant à afficher leur mécontentement. Les sorties scolaires sont de plus en plus stressantes aussi, car la responsabilité de l’enseignant est de plus en plus pesante, avec des parents d’une exigence croissante.
Les enseignants ont de plus en plus un rôle éducatif qui dépasse leurs missions initiales.
Le métier d’enseignant n’est pas assez reconnu par l’opinion publique qui pense que c’est un métier facile, que l’enseignant travaille peu, tout en s’amusant avec les enfants, il y a un manque de valorisation croissant, un manque de reconnaissance. Et il ne faut pas compter sur les inspecteurs pour améliorer les choses, ils ne sont pas formés à la bienveillance ni à l’encouragement. Globalement je trouve que l’Ecole dans son mode de fonctionnement n’a pas changé depuis les années 1950, et n’est plus adaptée à la société actuelle. La question des moyens de fonctionnement se pose tout le temps. Par exemple que fait-on avec des enfants qui ne savent pas lire et écrire quand ils sont en Cm2 ? Il n’y a pas de solutions proposées pour les élèves en difficultés.
Les problèmes d’effectifs trop importants se posent, j’ai toujours été frustrée de ne pas pouvoir consacrer du temps à tous les élèves. Quand on arrive en classe, c’est un rythme incroyable qui commence pour toute la journée, on est sollicité de tous les côtés, on se focalise sur les élèves turbulents qui attirent l’attention et on oublie parfois les élèves discrets. 30 élèves c’est vraiment trop pour répondre aux besoins de tous. Il arrive parfois lors d’une épidémie de gastro ou un jour d’école au milieu d’un pont de faire classe avec 20 élèves, c’est le rêve, tout est plus simple.
Quelles compétences avez-vous développées dans ce métier ?
De la patience. Des qualités d’écoute. De l’empathie. Savoir donner des conseils utiles aussi. Si je n’avais pas fait ce métier quelques années, je n’aurais pas pris conscience des difficultés sociales de certaines familles, de l’inégalité des chances malgré les discours qui nous prétendent le contraire.
C’est très enrichissant d’être au contact des familles. Ils ont plein d’espoir dans l’Ecole pour leurs enfants, et chaque enseignant se doit de répondre à cette attente.
Dans ma reconversion, le relationnel est très important, c’est l’une des compétences transférables du métier d’enseignant. L’esprit d’organisation, aussi.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le quotidien du chasseur immobilier ?
Je travaille pour une clientèle qui recherche des biens immobiliers précis d’une valeur supérieure à 300.000 euros, comme un F2 par exemple à Paris. Cela peut aller jusqu’à l’hôtel particulier.
Je travaille pour des clients qui sont en province, ou à l’étranger, et qui n’ont pas le temps de chercher.
La démarche habituelle comprend plusieurs étapes :
a) Le client contacte la société
b) Un premier entretien est fixé avec le dirigeant. Le client évoque son projet, et les modalités de mise en œuvre de la recherche lui sont alors précisées. Un mandat exclusif est alors rédigé.
c) Un cahier des charges de la recherche est établi. Il contient tous les critères de recherche, ou ce qui est rédhibitoire.
d) Le contrat est ensuite validé, avec une signature du mandant.
e) L’agence désigne un référent, c’est le « chasseur » du bien immobilier souhaité.
f) Il faut compter en moyenne trois mois avant de présenter le bien souhaité, parfois une année. Chaque chasseur immobilier a au maximum quatre recherches en parallèle, pour bien effectuer sa mission de recherche.
g) Lorsque le chasseur a trouvé un bien pour son client, il sera rémunéré le jour de la signature définitive de la vente, par des honoraires qui ont été précisés dans le mandat de recherche (environ 3% de la valeur d’achat du bien).
Entre deux ventes d’appartements, quand six mois se passent sans arriver à trouver le bien convoité par l’acheteur, comment faites-vous pour vivre ?
Pour le moment, je débute, cela fait seulement 2 mois que je suis en activité, je vis actuellement sur mes économies. Je ne toucherai mon premier salaire qu’en février lors de la signature de ma première vente. Je n’ai pas encore assez de recul pour savoir exactement quels seront mes rémunérations sur une année. Il faut être organisé car on touche de grosses sommes d’argent ponctuellement dans l’année, il faut savoir gérer son budget.
Quels conseils donneriez-vous à un professeur intéressé par ce métier ?
Le profil de professeur intéresse beaucoup les agences immobilières. Quand je recherchais un stage, beaucoup d’agences voulaient me prendre tout de suite, et me disaient que les études ne servaient à rien dans cette profession. Les grandes enseignes proposent leurs propres formations en interne.
C’était cependant primordial pour moi d’entrer dans le métier avec un bagage universitaire reconnu par l’état, pour me sentir légitime. Je conseillerai donc de passer par une formation car l’immobilier est complexe, il y a quand même beaucoup de choses à savoir avant de se lancer.
Le métier de chasseur est vraiment différent, la plupart des chasseurs sont issus d’une reconversion professionnelle et ne vienne pas du monde de l’immobilier.
Il faut aussi prendre conscience que cette activité se pratique surtout dans les grandes villes, là où la demande est importante, et les biens en vente à des prix suffisamment élevés pour espérer y gagner sa vie dans de bonnes conditions. Avoir un réseau est aussi primordial pour trouver une clientèle.
Quelles compétences priment dans ce métier ?
La relation de confiance qu’on établit avec le client est essentielle. Il faut bien cerner ses critères de recherche et ne pas en déroger. Il faut aussi avoir une excellente connaissance du marché immobilier parisien, et aussi une bonne connaissance des métiers du bâtiment. Il faut aussi bien connaître les quartiers, leurs atouts, leurs défauts, les commerces, les écoles, tout ce qui permettra d’avoir des arguments pour attirer l’attention de l’acheteur.
C’est votre seconde carrière, ou vous espérez revenir enseigner un jour ?
Je ne regrette absolument pas mon choix. Cela fait tellement de bien de découvrir autre chose ! L’Education Nationale est très fermée, on s’en rend vraiment compte quand on en sort. L’ouverture d’esprit à autre chose que les problèmes scolaires y est très limitée dans certaines écoles.
Depuis que j’ai changé de métier, j’ai nettement moins besoin de vacances, mes journées sont beaucoup moins éprouvantes. Je me rends compte maintenant que chez les enseignants il y a une vraie fatigue, le rythme est vraiment très soutenu, et 2 semaines pour récupérer, toutes les 7 semaines, c’est un minimum. Je n’ai heureusement pas connu les nouveaux rythmes scolaires, mais ce que j’entends de mes anciens collègues, c’est que la fatigue est encore plus grande depuis qu’ils travaillent le mercredi matin. Pour pouvoir tenir, beaucoup demandent désormais des temps partiels car ils ne tiennent plus.
Maintenant je peux partir hors vacances scolaires, c’est moins cher. Et puis je me sens beaucoup plus libre qu’avant. Les professeurs sont beaucoup trop cadrés par leur hiérarchie. J’ai vraiment l’impression aujourd’hui d’avoir plus de maîtrise sur ma vie.
Conseilleriez-vous le métier d’enseignant à des jeunes ?
Non, absolument pas !
Pour en savoir plus sur son métier :
http://www.fnci.fr/
Un ouvrage est paru sur ce métier :
http://www.homelikehome.com/denichez-votre-logement/
Il existe 14 types de détachements pour les fonctionnaires, plus 1 créé par l’Education nationale pour proposer à ses enseignants une « seconde carrière » (rester enseignant d’une autre discipline)
Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d’origine et continuant à bénéficier dans ce corps de ses droits à avancement et retraite.
Le détachement est généralement prononcé par arrêté du ministre sur demande de l’intéressé. Il est de plein droit pour :
· exercer des fonctions de membre du gouvernement ou un mandat de membre de l’Assemblée nationale, du Sénat, du Parlement européen ou pour accomplir un mandat local (dans les cas prévus par le code général des collectivités territoriales).
· exercer un mandat syndical
· accomplir un stage ou une période de scolarité préalable à la titularisation ou,
· suivre un cycle de préparation à un concours
Tour d’horizon des gisements d’opportunités, et du nombre d’enseignants actuellement concernés.
Les 15 cas de détachement :
1. Auprès d’une administration ou établissement public de l’État dans un emploi conduisant à pension du Code des pensions.
Ce sont les postes publiés par la BIEP (www.biep.gouv.fr) et qui nécessitent de posséder le concours adapté au poste visé.
Ce type de détachement existe par exemple :
– au Ministère de la Culture et de la Communication, dans le corps des conservateurs du patrimoine. Les enseignants ne peuvent pas y accéder directement, car il faut d’abord avoir obtenu le concours correspondant.
– au Ministère de la Défense pour exercer dans des centres d’instruction ou auprès du Service de l’Enseignement des Forces Françaises et de l’Elément Civil Stationnés en Allemagne. Plusieurs dizaines de postes très intéressants existent au Ministère de la Défense, dans les principales écoles militaires prestigieuses de sous-officiers et d’officiers. Leur publication intervient entre décembre et janvier de chaque année.
– au Ministère de l’Agriculture, pour exercer des fonctions enseignantes dans les lycées d’enseignement général et technologique agricoles. C’est entre septembre et novembre que ces postes sont en général publiés.
– au Ministère de l’Intérieur dans le corps des attachés d’administration. Les enseignants y accèdent rarement directement, il est préférable qu’ils aient d’abord obtenu le concours des Instituts Régionaux d’Administration (IRA).
– à l’Institut National des Jeunes Sourds (INJS), établissement public de l’Etat, pour exercer des fonctions de professeur d’enseignement général de collège. A notre connaissance, il existe une dizaine de postes pour la France, répartis entre Paris et Bordeaux.
2. Auprès d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public en relevant ;
Pour les enseignants, il s’agit des postes d’attaché territorial, accessibles aux professeurs des écoles et aux professeurs certifiés, puisque en catégorie A, et les postes de directeur territorial, accessibles aux agrégés, puisque l’échelle indiciaire est la plus proche. 300 à 400 enseignants sont actuellement en poste dans des communes, conseils généraux et conseils régionaux :
– en qualité d’attaché territorial, de bibliothécaire ou de professeur d’enseignement artistique auprès d’une mairie.
– en qualité d’attaché territorial auprès d’un conseil territorial.
– en qualité de psychologue ou d’infirmière d’Etat auprès d’un centre hospitalier
– auprès d’un établissement public départemental ou régional de santé
3. Pour participer à une mission de coopération au titre de loi du 13/07/72 ;
Le détachement pour participer à une mission de coopération au titre de la loi du 13 juillet 1972 relative à la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d’Etats étrangers est représenté par les emplois proposés par le Ministère des Affaires Etrangères (MAE) et secondairement par ceux de l’Agence de l’Enseignement du Français à l’Etranger (AEFE).
Exemples : les emplois de Conseiller Culturel, de chargé de mission, d’expert dans un domaine précis auprès du ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur d’un état de la francophonie, ou auprès d’écoles publiques conventionnées du réseau du MAE, sont souvent proposés.
4. Auprès d’une administration de l’État, d’un établissement public, d’une entreprise publique, dans un emploi ne conduisant pas à pension du Code des pensions ;
Le détachement auprès d’une administration de l’Etat ou d’un établissement public de l’Etat dans un emploi ne conduisant pas à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite et le détachement auprès d’une entreprise publique ou d’un groupement d’intérêt public sont ici présentés.
Ce sont les détachements les plus nombreux, et les plus faciles à obtenir, car la rotation de ces postes est assez régulière.
Ces postes se répartissent ainsi:
– les détachements auprès d’établissements sous tutelle du ministère de l’éducation nationale : CNED, CANOPE (ex-CNDP, CRDP, CDDP), CIEP, ONISEP, CNRS.
– les détachements auprès d’autres établissements : Conservatoire supérieur de Danse et de Musique de Lyon, Muséum d’Histoire Naturelle (MHN), Musée d’Orsay, AEFE Paris, Centre National du Cinéma (CNC).
– les détachements vers des emplois de contractuels du Ministère de la Santé, du Ministère des Sports et de la Jeunesse, du Ministère de la culture et de la communication, des services extérieurs du ministère des affaires étrangères (directeurs d’établissements culturels à l’étranger, directeurs d’alliances françaises).
Ces postes sont aussi très nombreux, mais les conditions de salaire nettement moins intéressantes que pour les postes proposés par le MAE.
– les détachements vers des emplois d’enseignement en tant qu’attaché temporaire d’enseignement et de recherche (ATER)
Les détachements prononcés auprès de groupements d’intérêt public sont ici concernés.
5. Auprès d’une entreprise ou d’un organisme privé d’intérêt général ou de caractère associatif assurant des missions d’intérêt général ;
Dans les faits, ce type de détachement est très difficile à obtenir, et fait l’objet d’une procédure longue et complexe, qui n’est explicitée nulle part. Il faut l’avoir vécue pour en connaître les difficultés. Concrètement, il faut d’abord que la structure accepte de recruter. Puis qu’elle soit reconnue d’intérêt général par les services de la Dgesco. Puis que le détachement soit prononcé par la Dgrh (durée totale : au moins 5 mois).
Cette procédure est terriblement complexe, s’appuyant sur le a) de l’article 14 du décret n°85-986 du 16 septembre 1985, de l’article 87 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993, du décret n°2008-568 du 17 juin 2008, de la circulaire n°2165 du 25 juin 2008, et sur l’avis du Conseil d’Etat n°386278 du 21 février 2012.
A peine 400 enseignants en bénéficient actuellement, la voie des détachements auprès des entreprises privées reconnues d’intérêt général étant actuellement inexploitée. Elle constituerait pourtant un formidable gisement d’emplois en détachement si les procédures en cours à l’Education Nationale étaient simplifiées, en rapprochant l’Etat des entreprises privées qui compensent les activités où l’Etat se désinvestit.
Cela concerne:
– les détachements auprès d’associations périscolaires, dites complémentaires de l’Etat telles que l’AROEVEN (moins de 5 détachés), la Ligue Française pour l’Enseignement (entre 200 et 300 détachés), les Eclaireuses et Eclaireurs De France (EEDF, entre 10 et 20 détachés), la Fédération Nationale des FRANCAS (1 à 2 détachés), Jeunesse au Plein Air (moins de 15 détachés), les Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active (CEMEA, moins de 10 détachés).
– les détachements auprès d’autres associations : la Mutuelle Générale de l’Education Nationale (MGEN, environ 100 détachés), Sidaction, l’Association des paralysés de France, le Comité national de solidarité laïque, la Fédération nationale Léo Lagrange, les Pupilles de l’Enseignement Public (PEP, entre 20 et 40 détachés), l’UNSS (plus de décharges que d’emplois en détachement, voir la rubrique que nous consacrons aux décharges sur ce site), etc.
– les détachements auprès d’organismes privés, associations, nécessitent d’abord que l’Education nationale évalue le caractère d’intérêt général de la structure, à l’appui du décret n° 75-1002 du 29 octobre 1975 et d’autres textes survenus depuis. En 2012 il y avait 539 enseignants du 1er degré et 391 enseignants du 2nd degré détachés dans cette catégorie.
– les détachements auprès d’entreprises privées : aucun cas recensé, bien que le texte le prévoie, pourtant.
6. Pour dispenser un enseignement à l’étranger ;
Le détachement pour dispenser un enseignement à l’étranger concerne les opérateurs suivants (nous n’avons pas encore de données précises sur le nombre d’enseignants détachés à chaque fois):
-l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger (AEFE) : plusieurs milliers d’enseignants concernés
-la Mission Laïque Française (MLF) : établissements d’enseignement ou écoles d’entreprise. Plusieurs centaines d’enseignants concernés.
-l’Association Franco-Libanaise pour l’Education et la Culture (AFLEC).
-les Établissements publics de la principauté de Monaco (entre 5 et 20 détachés)
-les Établissements relevant du CODOFIL (COnseil pour le Développement du Français en Louisiane;
-les Établissements d’enseignement de droit étranger homologués
-les Établissements d’enseignement (même non homologués) en Allemagne
-les Établissements du programme Jules Verne
-les Universités étrangères.
7. Pour remplir une mission d’intérêt général à l’étranger ou auprès d’organismes internationaux ;
Le détachement pour remplir une mission d’intérêt public à l’étranger ou auprès d’une organisation internationale intergouvernemental et le détachement pour effectuer une mission d’intérêt public de coopération internationale ou auprès d’organismes d’intérêt général à caractère international ne concernent pas les enseignants, mais des experts de très haut niveau qui ont la qualité d’Inspecteur Général de l’Education Nationale (IGEN), ou d’Inspecteur Général de l’Administration de l’Education Nationale et de la Recherche (IGAENR) ou d’administrateur civil. Parfois, d’IA-IPR.
Ces détachements s’effectuent auprès du Bureau de coordination pour les affaires humanitaires, de l’ONU, Bureau international du travail, de l’UNESCO, de l’UNICEF, de l’Union européenne, etc.
8. Pour exercer les fonctions de membre du gouvernement, mandat local, ou une fonction publique élective empêchant l’exercice normal de la fonction ;
Le détachement pour exercer les fonctions de membre du Gouvernement ou une fonction publique élective lorsque cette fonction comporte des obligations empêchant d’assurer normalement l’exercice de la fonction est très spécifique.
Cela concerne les détachements pour exercer les mandats de maire, de président d’un syndicat de communes, de Président de Conseil général ou de Conseil régional, de député ou de sénateur, etc.
Actuellement, plus de 25% des députés sont d’anciens enseignants, par exemple.
9. Auprès d’une entreprise ou organisme privé ou groupement d’intérêt public pour exécuter des travaux de recherche et d’intérêt national ou assurer le développement de telle recherche (il faut que le fonctionnaire n’ait pas, dans les 5 dernières années, exercé un contrôle sur l’entreprise ou participé à des marchés avec elle) ;
Ces détachements sont peu nombreux, et dépendent du besoin d’experts par des organismes ou entreprises privés dont le caractère d’intérêt national est reconnu. Chaque structure pouvant y prétendre fait l’objet d’un examen minutieux de ses activités par les experts de la Dgesco, du Bureau des Affaires éducatives et culturelles, chargés d’émettre un avis au cas par cas.
Ces types de détachement sont le fruit de la rencontre entre un organisme et un enseignant ou un administratif dont le degré d’expertise est jugé suffisamment important pour permettre la création de ce type de postes, qui ne s’inscrivent pas au budget puisque le salaire est intégralement pris en charge par la structure qui recrute.
Ce type de détachement, dans le cadre d’un rapprochement entre l’Ecole et l’Entreprise, pourrait permettre dans les années et décennies à venir d’accroître les possibilités de détachement pour les enseignants et les administratifs, en ouvrant la voie à une meilleure complémentarité entre certaines entreprises et organismes privés, et l’Etat. Celui-ci pourrait ainsi réaliser des économies d’échelle, grâce à ces axes de contribution aux missions de service public dont il assume habituellement toute la charge.
10. Pour l’accomplissement d’un stage ou scolarité préalable à la titularisation dans un emploi permanent de l’État, de collectivités locales et de leur Établissement Public ou pour suivre un cycle de préparation à un concours donnant accès à un de ces emplois ;
Le détachement pour l’accomplissement d’un stage ou d’une période de scolarité préalable à la titularisation dans un emploi permanent de l’Etat, d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public à caractère administratif dépendant de l’Etat ou d’une collectivité territoriale, ou pour suivre un cycle de préparation à un concours donnant accès à l’un de ces emplois concerne les détachements pour l’accomplissement d’un stage auprès de :
– l’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM)
– l’un des Instituts Régionaux d’Administration (IRA)
– de l’Ecole Nationale de Police (ENP)
– de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA)
Pour cette dernière, à noter que les fonctionnaires de tous ministères peuvent concourir pour la Préparation à l’Ecole Nationale d’Administration (PENA). Une fois reçus, ils bénéficient d’une préparation intensive d’une année à l’IGPDE du Ministère des Finances, pour leur permettre de tenter le concours dans les meilleures conditions.
Chaque année, au moins une dizaine d’enseignants tentent le PENA. Une fois sortis de l’ENA, certains deviennent IGAENR, ou administrateurs civils.
11. Pour exercer un mandat syndical ;
Ce type de détachement est devenu rare, car ce sont plutôt maintenant des décharges que les différents syndicats se répartissent, en fonction de leurs résultats aux élections professionnelles. En 2012, on comptait moins de 30 détachés syndicaux.
Pour 2014-2015, l’arrêté du 2 septembre 2014 portant application au ministère chargé de l’éducation nationale des dispositions du I de l’article 16 du décret n° 2012-224 du 16 février 2012 modifiant le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique fixe de nouveau le contingent de crédit de temps syndical attribué au ministère chargé de l’éducation nationale à 1 873 équivalents-temps plein (ETP), compte tenu des droits syndicaux supplémentaires accordés en application du décret du 16 février 2012.
Les syndicats se débrouillent pour affecter beaucoup plus de personnes, en répartissant les heures sous forme de décharges de quart-temps, mi-temps, temps partiel ou plein temps selon que l’élu est départemental ou national.
12. Auprès d’un député à l’assemblée ou un sénateur ou d’un représentant de la France au Parlement européen ;
Ce sont plutôt des cadres administratifs de très haut niveau, administrateurs civils en général, qui accèdent à ce type de fonctions. Toutefois, un enseignant ayant au moins un Master en Droit et parlant deux langues étrangères a ses chances.
13. Pour contracter un engagement dans l’Armée française ou pour exercer une activité dans la réserve opérationnelle ;
Le détachement pour contracter un engagement dans une formation militaire de l’armée française, ou pour exercer une activité dans la réserve opérationnelle dans les conditions fixées par l’article 27 de la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.
Ce type de détachement est très rare lui aussi, aucune enseignant à notre connaissance n’en bénéficie actuellement.
14. Auprès de l’administration d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen.
Une convention passée entre l’administration d’origine et l’administration de l’Etat membre de l’Union européenne ou de l’Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen d’accueil définit la nature et le niveau des activités confiées au fonctionnaire, ses conditions d’emploi et de rémunération ainsi que les modalités du contrôle et de l’évaluation des dites activités.
Aucun enseignant du 1er ou du 2nd degré à notre connaissance n’est détaché à ce titre. Cela fait là encore partie des détachements très rares.
A la rentrée 2012, il y avait 5.833 enseignants du 1er degré en détachement dont 63.2% pour enseigner sur un poste à l’étranger dans le réseau des écoles françaises, et 12.098 enseignants du 2nd degré en détachement dont 39.1% pour enseigner sur un poste à l’étranger dans le réseau des écoles françaises. Ce sont donc 2.148 enseignants du 1er degré et 7.371 enseignants du 2nd degré qui occupent un emploi différent de leur formation initiale (changement de discipline inclus), et que l’on peut qualifier de « seconde carrière ».
Environ 3.800 enseignants des 1er et 2nd degré occupent des emplois administratifs très qualifiés dans les associations complémentaires de l’Etat, les six Etablissements Public dépendant de l’EN, et les autres ministères.
15. Depuis 2011-2012, l’Education nationale a créé pour les enseignants un nouveau type de détachement, pour ceux intéressés par une reconversion.
En 2012-2013, près de 10.000 enseignants ont contacté les 30 cellules de conseil en mobilité carrière des rectorats. Les délais d’attente d’un rendez-vous avec un conseiller varient de 15 jours à 6 mois selon les académies, car certaines ont réduit par économie le nombre de leurs conseillers.
Les détachements proposés aux enseignants qui veulent souvent cesser d’enseigner sont :
– D’enseigner dans un autre niveau (enseignant de collège allant enseigner en Primaire, et plus souvent l’inverse)
– De changer de discipline d’enseignement (professeur de Lettres Modernes ou Classiques ou d’Histoire-Géographie devenant professeur Documentaliste, professeur de Mathématiques devenant professeur de Sciences Physiques, etc.)
Aucun chiffre à ce jour n’a filtré sur le nombre d’enseignants ayant choisi ce dispositif.
Alors que des milliers d’enseignants souhaitent quitter l’Education nationale pour entamer un autre métier, une « seconde carrière », la publication le 4 décembre d’une circulaire sur une indemnité de départ semble un bon signe. Mais répond-elle réellement aux attentes ? L’éducation nationale a-t-elle compris l’enjeu d’une prise en copté réelle des secondes carrières ? Rémi Boyer, fondateur d’Aide aux profs, une association qui accompagne les enseignants souhaitant quitter l’éducation nationale est le mieux placé pour répondre. Pour lui, » Cette circulaire diminue l’intérêt de demander à bénéficier d’une IDV et va créer de nombreuses frustrations chez les enseignants démissionnaires ».
Que change cette circulaire par rapport au texte précédent ?
D’abord, permettez-moi un constat que l’on retrouve dans bon nombre de procédures administratives quelle que soit le Ministère en cause : c’est le manque de réactivité de l’administration, puisqu’il aura fallu plus de 6 mois entre le décret n°2014-507 du 19 mai 2014, très simple et clair sur les nouvelles modalités de l’Indemnité de Départ Volontaire (IDV) et cette circulaire n°2014-156 du juin 27 novembre 2014 bien plus complexe. C’est exactement ce qu’a pointé le Président de la République lors de ses vœux 2014 : « l’Etat est jugé trop lourd, trop lent, trop cher ». Thierry Mandon, Secrétaire d’Etat à la Réforme de l’Etat, appelle lui aussi pourtant à une simplification des procédures, et à une accélération des décisions administratives pour les usagers et agents.
La lenteur du processus administratif : Elle se retrouve à plusieurs reprises dans cette circulaire, puisque la demande d’attribution d’IDV et la demande de démission se font en deux temps successifs, ce qui allonge les délais de procédure. Une manière de conduire les enseignants à démissionner seulement en fin d’année scolaire. Le fonctionnaire perçoit l’IDV à l’issue d’une demande de démission régulièrement acceptée. Le problème ces dernières années et notamment depuis 2012, est que des académies refusent les démissions pour «nécessité de service », traduisez en clair « en raison d’un manque d’enseignants dans votre discipline ». Il est regrettable que ne soit indiqué nulle part dans cette circulaire que le droit à la démission ne peut être refusé, même par manque d’enseignants. Effectivement, nous avons constaté depuis 2012-2013 que les académies qui acceptent les démissions font tout ce qu’elles peuvent pour reculer les démissions en fin d’année scolaire, et même quand elles ont lieu au 1er juillet, certaines académies attendent encore plusieurs mois (jusqu’à six mois) pour verser ladite indemnité.
Une tentative timide de simplification : La nouvelle circulaire a quand même le mérite d’abroger toutes les circulaires et notes de services successives nées du décret n°2008-368 du 17 avril 2008 qui instituait cette IDV pour la première fois. Les services rectoraux s’y perdaient, aucune académie ne traitait les demandes de la même manière, certaines refusant l’IDV pour projet personnel, d’autres l’acceptant avec une IDV a minima, et d’autres avec générosité.
Un début de GRH de proximité ? La circulaire évoque à plusieurs reprises « l’autorité hiérarchique de proximité », sans la nommer. Cela signifierait qu’un chef d’établissement peut accepter ou refuser la démission d’un enseignant. Et pour quelles raisons pourrait-il la refuser ? Cela n’est indiqué nulle part.
Une volonté de faire des économies : Cette circulaire montre un recul de l’intention de l’Education nationale, et donc de l’Etat, de financer les reconversions des enseignants qui au bout de 10 ans d’ancienneté au moins, prenaient l’option de démissionner pour un projet personnel ou pour créer/reprendre une entreprise. Elle entre en droite ligne avec la politique du Gouvernement d’économiser 50 milliards d’euros d’ici 2017 puisque seule est conservée l’IDV pour création/reprise d’entreprise. L’IDV pour projet personnel est donc supprimée.
Un retour prochain à la politique de restructurations suivie par le quinquennat précédent ? La suppression de poste du fait d’une restructuration concerne tous les agents en détachement dans un Etablissement Public (comme le CNED ou CANOPE par exemple), qui décideraient de fermer certaines de ses implantations.
Une circulaire encore floue : La circulaire aborde un point important : l’IDV est attribuée seulement lorsque l’entreprise n’a pas été créée auparavant. Cependant rien n’est dit sur les auto-entreprises en cumul d’activité accessoire : l’administration les considère-t-elle comme des créations d’entreprise, ou pas ? Le texte évoque « certaines entreprises, en raison de leur statut juridique ou de la nature de leur activité ne font pas l’objet d’un K bis », sans oser spécifier l’expression « auto-entreprise » : pourquoi un tel oubli ?
Une complexité administrative pour les agents en détachement : Selon la durée du détachement, l’agent est souvent devenu un inconnu pour son académie d’origine. C’est pourtant auprès de ses services qu’il devra demander son IDV. La disposition suivante ne manque pas d’interroger sur la lenteur prévisible de la procédure : « En cas de réponse positive à la demande d’IDV, l’agent sera réintégré par le ministre dans son corps et dans son académie d’origine ». Il faudra dans ce type de demande s’attendre à des démarches de plus de 6 mois.
Montant de l’IDV : déconnecté de la réalité des besoins des entrepreneurs : Il ne change pas, toujours calculé dans la limite de 24/12e de la rémunération, traitement, indemnités et primes cumulés. On note un net recul, puisque désormais, à plus de 10 ans d’ancienneté, le maximum de l’IDV est de 50% des 24/12e. Ce qui fait perdre à l’IDV son intérêt, puisque dans la majorité des cas, cette IDV ne permettra pas aux agents d’espérer financer leur entreprise et de vivre au moins une année sans revenu, puisque versée en deux fois aux créateurs/repreneurs d’entreprise (50% à la démission, 50% lors de la production du 1er exercice comptable). Pour un Gouvernement qui promettait le Redressement productif et dit vouloir « faire aimer l’entreprise dès l’Ecole », ce repli est difficile à comprendre.
Agents en disponibilité au moment de la demande, voilà du nouveau ! La circulaire est intéressante sur ce point, car elle précise bien : « Les agents en congé parental, les fonctionnaires en position de disponibilité et les agents non titulaires bénéficiant d’un congé non rémunéré peuvent n’avoir perçu aucune rémunération durant la totalité de l’année civile précédant celle du dépôt de leur demande de démission. Le plafond de l’IDV est alors calculé sur la base de la rémunération brute perçue au cours des 12 derniers mois au titre desquels ils ont été rémunérés par l’administration. »
Est elle susceptible de favoriser les départs des enseignants qui veulent quitter l’éducation nationale ?
Cette circulaire diminue l’intérêt de demander à bénéficier d’une IDV et va créer de nombreuses frustrations chez les enseignants démissionnaires. Il devient presque plus intéressant pour un enseignant souhaitant créer son entreprise d’économiser quelques années avant de demander une disponibilité pour créer son activité et tester ainsi pendant 2 ans la validité, avant éventuellement de revenir enseigner si son projet a échoué. La circulaire, en l’état, limite le montant qui peut être attribué, ce qui permettra difficilement à un agent de créer une entreprise et de vivre plus de 6 mois sans salaire, contre le double auparavant. Les députés ont considéré en 2013-2014 que les enseignants avaient été les principaux consommateurs de l’IDV, mais si l’on considère les chiffres, c’était dérisoire : 436 IDV en 2009-2010, et 377 en 2011-2012 (150 pour les enseignants du 1er degré et 227 pour les enseignants du 2nd degré)
Avant cette circulaire, un professeur des écoles ou un professeur certifié pouvaient espérer entre 32.000 et 50.000 euros d’IDV, un professeur agrégé entre 35.000 et 70.000 euros. Il faudra désormais diviser ces sommes par deux dans la grande majorité des cas.
Sans doute, en diminuant le montant de l’IDV, l’EN cherche-t-elle à enrayer l’accroissement ces dernières années des démissions, qui atteignent depuis 2011-2012 un bon millier par an (titulaires et stagiaires confondus), dont plus de 45% pour les enseignants du 1er degré et plus de 56% pour les enseignants du 2nd degré avec IDV (entre 2009 et 2011 ; derniers chiffres connus).
Il y a un vrai problème de seconde carrière. Que devrait faire l’Education Nationale qu’elle ne fait pas ?
Oui, il y a un véritable problème au niveau de la « seconde carrière » dans l’Education Nationale. Toute la politique impulsée par Josette Théophile en la matière aura été en fait de créer la possibilité de demander un détachement dans une discipline différente de la sienne, ou vers un niveau différent (départ vers le 1er degré ou le 2nd degré). Beaucoup d’enseignants ont fini par confondre ces détachements que l’on « demande », et les détachements vers des fonctions hors enseignement sur lesquelles on « postule ». De ce fait, l’Education nationale a montré qu’elle était très gênée par cette initiative du législateur d’avoir voulu lui tendre une perche dans la loi portant Réforme des Retraites en 2003 avec l’article 77, puisque l’Education nationale est confrontée à une pénurie d’enseignants compétents dans de nombreuses disciplines, et, même si le nombre de candidats ne désemplit pas aux concours, est contrainte de plus en plus à recruter sur les listes complémentaires des candidats dont le niveau de qualification diminue par rapport à la génération qui précède. Certaines académies recrutent même via Pôle Emploi pour assurer les remplacements en cours d’année scolaire.
Depuis 2012-2013 le dispositif de Conseil en Mobilité Carrière (CMC), relancé par Josette Théophile entre avril 2010 et avril 2012, périclite. Le trio de pilotage a disparu, parti en retraite ou vers d’autres fonctions, et non remplacé. Les CMC ne sont plus réunis en séminaire annuel, ce qui était pourtant essentiel pour leur permettre d’échanger sur leurs pratiques respectives, les échanges numériques sur un intranet ne pouvant s’y substituer. Le nombre de CMC a diminué, certains recteurs ayant réduit leur nombre, voire les ayant supprimés. Les ministres qui se sont succédés se sont complètement désintéressés de cet aspect, alors que toutes les enquêtes conduites par les syndicats d’enseignants montrent que les enseignants sont de plus en plus en attente d’une forme de reconversion hors enseignement, après 10 à 30 ans de métier.
On comptait 9.700 demandes d’informations d’enseignants en matière de reconversion auprès des 30 académies en 2012-2013 contre 4.500 en 2011-2012. Cela signifie que les CMC actuels sont submergés de demandes, et qu’ils sont soit confrontés au burn-out, ce qui est incompatible avec la dimension humaine de leur fonction, très exigeante psychologiquement, soit conduits à rechercher rapidement une autre affectation, pour préserver leur santé. Dans l’académie d’Amiens, par exemple, il n’y a qu’une CMC pour les 37.000 agents de l’académie, enseignants ou non. Est-ce bien raisonnable, alors qu’un Conseiller de Pôle Emploi est déjà en surcharge au-delà de 200 personnes à accompagner chaque année ? Dans l’académie de Versailles, 3 CMC pour 80.000 personnels, ça ne suffit pas.
La formation des CMC actuel est très variable d’une académie à l’autre. Ici, on va placer un enseignant à temps incomplet sur une fonction de CMC, avec quelques jours de formation, sans vérifier s’il a les compétences psychologiques requises, et là, on va placer un professionnel du coaching, ce qui est fortement conseillé, étant donné la nature des demandes et du public qu’il faut souvent remotiver. De plus en plus d’académies mélangent les rôles, et les IEn et les IA-IPR ont aussi le rôle de CMC. La grande majorité n’y est pas formée. Et beaucoup d’enseignants craignent de parler de leur projet de reconversion à l’inspecteur chargé de les évaluer. Ils ont peur des représailles sur leur avancement d’échelon.
Il est regrettable que l’EN n’ait pas accentué la formation des CMC, et qu’elle ne l’ait pas limitée dans le temps. On considère par exemple au niveau des SGAR des Préfectures de Régions qu’un CMC ne devrait pas rester plus de 6 ans en poste, en raison de la charge de stress (écoute des personnes, qui ont souvent un discours très négatif et une perte d’estime d’eux-mêmes) et d’énergie positive qu’implique cette fonction. Le métier de CMC doit se professionnaliser, avec une formation continue indispensable. Le fait que le quinquennat précédent n’ait pas créé de concours de CMC prouve bien que cette avancée n’avait pas été conçue dans l’intérêt des agents, mais bien pour en pousser le plus possible vers la sortie, dans le cadre d’une politique de non renouvellement d’un fonctionnaire sur deux.
Il est clair que dans peu de temps, au rythme de l’accroissement des demandes, l’EN, qui souhaite faire des économies, devra externaliser le Conseil en Mobilité Carrière, soit pour le déléguer à des entreprises qu’elle reconnait d’intérêt général, soit vers des associations qui agissent déjà sur le front de l’insertion et de la réorientation. Je constate au niveau d’Aide aux Profs que de plus en plus de CMC, d’IEN et d’IA-IPR en charge du conseil en mobilité carrière conseillent aux enseignants qui les contactent, « de contacter Aide aux Profs », louant notre sérieux et la qualité de nos services. Une forme de reconnaissance de notre travail de précurseurs, en quelque sorte. Notre portail « aideauxprofs » enregistre autant de connexions par mois (20 à 25.000) que le portail mobilité de l’Education Nationale. Notre nouveau site « apres prof » lui, arrive en tête des résultats sur Google devant le portail mobilité de l’EN, une preuve d’un manque d’actualisation de ses données.
Ce qui manque cruellement actuellement, c’est un travail en profondeur, systématique, de l’analyse des compétences (savoirs, savoir-faire et savoir-être) communes entre les métiers de l’enseignement et les métiers de l’administration, dans l’Education Nationale et les autres ministères, et dans les deux autres fonctions publiques de l’Etat, et qui permettrait de concevoir de réelles passerelles entre eux. Il existe pourtant le RIME, mais pas d’outil cernant les passerelles et peu de choses facilitant. Bien que la loi instituant la seconde carrière ait déjà 12 ans d’existence. L’allongement de la durée de carrière de 4.5 années a, lui, été immédiat.
Les perspectives professionnelles qui s’offrent aux enseignants en cours de carrière n’ont quasiment pas changé depuis 2003 : devenir inspecteur, chef d’établissement. Changer de discipline ou de niveau quand on demande à ne plus enseigner, ce n’est guère enthousiasmant. Les viviers constitués par les CMC gonflent de plus en plus. Josette Théophile sur ma proposition avait introduit la possibilité qu’un enseignant devienne attaché d’administration par détachement. Mais cette passerelle demeure trop symbolique, à peine une vingtaine d’enseignants par an au niveau national en bénéficient. Quelques enseignants experts dans un domaine spécifique arrivent temporairement à devenir Chef de Bureau ou Chef de Bureau adjoint en administration centrale, mais cette voie est très étroite.
Pourtant, les carrières s’allongent de réforme des retraites en réforme des retraites, et nous avons le sentiment que l’administration de l’EN feint de ne pas s’en apercevoir, car elle craint surtout de manquer d’enseignants. Ce qui manque réellement dans ce système, c’est de l’audace, de la réactivité face aux grands défis des décennies à venir. Sans doute faudrait-il, comme le Secrétaire d’Etat Thierry Mandon le préconise, diversifier le mode de recrutement de la haute fonction publique pour que le mode de GRH et d’administration change en profondeur.
En 2012-2013, il n’y avait que 7% des enseignants du 1er et 2nd degré confondus à être encore en activité à 60 ans et plus. Comment les enseignants vieilliront-ils face à leurs élèves quand il faudra massivement tenir le coup jusqu’à 65, voire 70 ans ? Quel sort réserve-t-on aux générations actuelles qui s’engagent dans le métier d’enseignant ? Il y a là un manque d’anticipation terrible, comme une fuite en avant, qui sera préjudiciable le moment venu aux individus.
Ce que je constate avec effroi depuis 2012-2013, c’est la diminution progressive des emplois en détachement que pouvaient occuper les enseignants. L’Education nationale est en train de saborder ses dernières réelles reconversions, en ouvrant désormais ces postes dans ses Etablissements Publics Administratifs (CIEP, CNED, CANOPE, ONISEP, CEREQ) aux agents contractuels. Le CNED a déjà vu son nombre d’enseignants détachés passer de 166 en 2006 à moins de 100 en 2013, et il y a lieu de croire qu’au rythme de la rotation des postes, les enseignants en détachement y auront disparu dans 10 ans. A CANOPE, même chose, alors que c’est actuellement le plus grand pourvoyeur d’emplois en détachement pour les enseignants (plus d’un millier).
De ce fait, si l’on considère ce qu’a tenté entre 2007 et 2014 l’Education nationale, on peut dire que la seconde carrière est un échec, et une grande dépense d’énergie et d’argent public pour peu de résultats probants. Les secondes carrières qu’espéraient les syndicats, et les enseignants, devaient porter sur des métiers hors enseignement.
De plus, et ce ne sont pas des secondes carrières durables, je déplore le manque de postes adaptés pour les enseignants en difficulté de santé, après un CLM ou un CLD. En 2012 il n’y avait que 1.257 enseignants en PACD (poste adapté de courte durée ) (26.8% de baisse par rapport à 2007), avec un ratio de 4 à 5 demandes pour une possibilité. Cela montre là aussi le manque d’anticipation de l’EN, et de l’Etat tout entier, en matière de santé au travail pour ses enseignants. Concernant les enseignants ayant obtenu un reclassement administratif, c’est symbolique : 166 en ont bénéficié en 2011, derniers chiffres connus. C’est dérisoire, par rapport aux attentes en la matière. Beaucoup trop d’enseignants sont conduits vers la retraite pour invalidité alors que d’autres voies auraient pu leur être proposées, en reconversion sur des fonctions administratives. Nous sommes entrés dans une période de gâchis des compétences des enseignants qui ne peuvent plus enseigner, faute d’investissement, de budget, de volonté constante, aussi.
Il me semble que si l’élève est au cœur des préoccupations des ministres qui se succèdent, la santé physique et psychique de ses enseignants devrait en faire partie.
Rémi Boyer
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