L’annonce du décès de Geneviève Jacquinot-Delaunay, en ce début de semaine, nous laisse en quelque sorte orphelins. Tous ceux qu’elle a accompagnés dans leurs études ou reprises d’études, en particulier ses 22 thésards, nous lui devons, en premier, ces quelques mots, tant elle a su nous guider et nous accompagner dans nos apprentissages, nos cheminements. Tous ceux qui l’ont cotoyée dans la vie professionnelle lui sont reconnaissants de son amitié, de sa rigueur, mais aussi de son exigence. Tous ceux qui ont eu la chance de la cotoyer plus personnellement resteront admiratifs de l’énergie qu’elle savait mettre dans toutes ses activités, mais aussi face à la maladie qui depuis plusieurs années, de manière répétée, menait l’assaut contre sa force de vie.
De la télévision éducative à l’enseignement universitaire à distance, Geneviève Jacquinot-Delaunay a été une des pionnières de la recherche et de l’enseignement des technologies éducatives (avec d’autres comme Henry Dieuzeide, Christian Metz…), en particulier à l’Université de Paris 8 (dont elle fut un temps vice-présidente) où elle avait contribué à la création du département info-com, elle qui enseignait en Sciences de l’Education et où elle animait le GRAME (laboratoire de recherche). L’un des symboles de son travail est peut-être cette capacité à faire dialoguer ces deux sciences presque jumelles (JACQUINOT, G « Les sciences de l’éducation et les sciences de la communication en dialogue : à propos des médias et des technologies éducatives », l’Année sociologique, vol 51/2001 n° 2 mais aussi ce texte de 2004 : «SIC et SÉD sont dans un bateau…», in Hermès, nº 38, p. 198).
L’importance prise par le numérique en éducation aujourd’hui nous invite à relire ses écrits et ses trop rares livres. Tout en faisant partager sa passion pour l’étude de ces évolutions, elle savait aussi ramener à la raison les enthousiasmes débordants des plus vélléitaires d’entre nous. Car sa vision de ce domaine, appuyée sur son expérience professionnelle et ses travaux de recherche était surtout fondée sur une analyse globale et en même temps précise. De l’Afrique à l’Amérique du Sud, entre autres, elle avait su rassembler toutes ces expériences, les partager avec les autres chercheurs du même domaine mais aussi d’autres disciplines. Elle avait aussi beaucoup oeuvré pour que les sciences de l’éducation ne laissent pas de coté ces technologies dont elle avait bien perçu, et très tôt les forces et les faiblesses.
L’ensemble de la communauté scientifique ainsi que tous ceux qui agissent dans le domaine des technologies en éducation savent bien ce qu’ils lui doivent. Elle ne pourra pas se rendre, comme elle l’aimait tant en hiver, à la Rosière, au dessus de Bourg Saint Maurice, retrouver le calme et le repos alors même qu’elle luttait encore contre la maladie. Nous ne pouvons laisser partir Geneviève sans lui apporter ce modeste témoignage, ainsi qu’à ces proches, de tout ce que nous lui devons.
Bruno Devauchelle