A l’issue des élections professionnelles de 2014, la première fédération syndicale, la Fsu, recule de 5% au profit des adversaires des réformes et principalement de FO qui gagne +3.5%. Ce glissement est à relativiser : 60% des enseignants ne se sont pas prononcés et il n’y a qu’un personnel sur 20 qui a changé d’avis. Mais, 2 ans après la refondation, le corps enseignant semble bien sur la voie de la radicalisation.
Le taux de participation
Le taux de participation au Comité technique ministériel est de 41,73%, en légère progression par rapport à 2011 (38,54%). Mais on n’a toujours pas retrouvé les 61% des élections de 2008. De nombreux syndicats ont mis en cause le vote électronique, jugé trop difficile. Mais pour le Se-Unsa, la raison de la faible participation est plus profonde et tient « à une vraie défiance dans la société dans son ensemble envers les corps intermédiaires ». On ne saura jamais ce que pensent 60% des enseignants. On observe des inégalités dans la participation. Elle est très forte chez les personnels de direction (80%). Elle a nettement progressé chez les PLP (53,89% soit +6,35%) où cela a profité à la Fsu et chez les CPE (61,71% soit + 7,11%) où cela a profité à l’Unsa. Il est en hausse chez les professeurs des écoles (+ 4,34% à 45,35%) où progresse FO et les professeurs d’EPS (51,47% soit +3,02%). Il est quasi stable chez les certifiés (+0,96%) et diminue chez les agrégés (-0,82% à 46,06%).
Le Comité Technique ministériel
Le Comité technique ministériel (CTM) est élu par l’ensemble des fonctionnaires du public. Son élection permet de mesurer le poids exact au niveau national des différents syndicats. En 2014 pas moins de 17 organisations se sont proposées aux suffrages soit 5 de plus qu’en 2011, accroissant ainsi l’émiettement des voix. On observe aussi la progression d’une liste régionale (UDAS) qui triple ses voix. Si les pouvoirs publics avaient comme objectif de lutter contre l’émiettement syndical, ils sont servis.
Les résultats officiels montrent une baisse sensible de la Fsu qui reste la première organisation avec 137 425 voix (141 914 en 2011) soit 35,5% des suffrages exprimés (40,6% en 2011). L’Unsa a 84 751 voix (72 397 en 2011) soit 21,9% (20,7% en 2011). FO dispose de 52 579 voix (35 245 en 2011) soit 13,6% des suffrages (10,1%). Le Sgen Cfdt recueille 34 342 voix contre 34 907 en 2011, soit 8,9% (10% en 2011). La Cgt a 21 300 voix contre 22 598 en 2011 et 5,5% des suffrages (6,4% en 2011). Le Snalc reçoit 21 152 voix soit 5,5% des suffrages. En 2011 l’alliance Snalc et Cftc avait reçu 16 485 voix. Sud compte 20 302 voix (20 241 en 2011) et 5,2% des voix.
Ces résultats affectent la composition du CTM. La Fsu garde 6 des 15 sièges et e perd un. L’Unsa dispose comme en 2011 de 4 sièges. FO gagne un siège avec 2 élus au CTM. La Cgt et le Sgen ont chacun 1 siège. Le Snalc revient en CTM avec 1 siège.
Dans les corps
Chez les professeurs des écoles, le Snuipp Fsu passe de 48 à 44% des voix. Il garde 6 sièges sur 10 à la CAPN. Unsa est stable à 25% des voix et 3 sièges. FO progresse de 9 à 13% des voix et garde un siège.
Chez les certifiés, le Snes perd la majorité en passant de 51 à 44% des voix. Il perd un siège et en garde 10 sur 19. FO progresse de 9 à 12% des voix et gagne 1 siège (il a 2 sièges). Le Snalc passe de 9 à 11% des voix et garde 2 sièges. Unsa est stable avec 2 sièges et 9,6% des voix. Même score pour le Sgen Cfdt. Sud est stable aussi avec 1 siège.
Chez les PLP , le snetaa FO passe de 28 à 29% et garde 3 sièges. La Cgt passe de 25 à 23% et garde 3 sièges. Le Snuep Fsu gagne 1% avec 16% des voix et 2 sièges. Le Sgen recule de 10 à 9% avec 1 siège. L’Unsa garde également son siège avec 10% des voix.
Chez les CPE, le Snes Fsu passe de 44% à 40% des voix et garde 4 sièges. L’Unsa progresse de 20 à 23% des voix et garde 2 sièges. FO est stable à 9% avec 1 siège comme le Sgen (17%) 1 siège.
Chez les PEPS, le Snep fsu reste ultra majoritaire avec 82% des voix. Il perd 2% au bénéfice de l’Unsa qui obtient pour la première fois 1 siège en CAPN. Le Snep en a 8.
Chez les agrégés, le Snes Fsu perd la majorité et recule de 51% à 45%. Il perd 1 siège et en garde 6 sur 10. Fnec FP FO passe de 6 à 9% et a 1 siège . Le Snalc gagne 1% à 19% et 2 sièges. Le sgen est stable à 11% des voix et 1 siège.
Du coté des cadres, l’Unsa domine largement. Chez les personnels de direction, où le taux de participation est énorme (80%), le Snpden engrange 67% des suffrages (-1%) et a 8 sièges sur 11. Fo, qui a repris Indépendance et direction, progresse légèrement avec 20% des voix et deux sièges. Un siège va au Sgen avec 10% des voix.
Les inspecteurs votent également Unsa. Chez les IEN, l’Unsa progresse de 3 points à 65% et garde 4 sièges. La Fsu perd 2% et garde 1 siège avec 20% des voix. Chez les IPR, l’Unsa progresse de 9 points et attient 71% des suffrages. Il garde 4 points. Le SIA progresse également à 26% avec 1 siège.
Pas de victoire pour les réformistes
Classer les organisations syndicales par rapport à la refondation de l’Ecole permet d’observer un glissement certain vers la méfiance envers toute réforme. Le camp réformiste (Unsa et Sgen Cfdt) reste rigoureusement stable. Il avait 30,7% des voix en 2011. Il représente 30,8% des voix en 2014. Si le Se-Unsa peut dire qu’il « rassemble de plus en plus de professeurs » c’est parce que le Sgen cfdt connait un léger recul. Globalement c’est la stabilité pour les réformistes malgré tous leurs efforts.
Le progrès des anti-réformes
La progression de FO est évidemment l’événement de cette élection. FO souligne que sa » progression conforte nos mandats pour la défense de la République… mise à mal par la refondation de l’Ecole et les contre-réformes qui en découlent notamment le socle de compétences et une territorialisation ». Elle partage avec le Snalc, la Faen, Sud et la Cgt une opposition fervente aux réformes. Ce camp anti-réformes pédagogiques comme statutaires représentait 27% des voix en 2011. Il sort des élections renforcé avec 31% des voix. Il pèse maintenant autant que le camp réformiste.
Pourquoi le déclin de la FSU ?
Le recul de la Fsu est sensible et marqué par des symboles forts. Dans le secondaire, chez les certifiés et agrégés, le Snes n’est plus majoritaire en voix. On imaginait que la question des rythmes pouvait mettre en difficulté le Snuipp, syndicat du primaire. Mais la chute la plus forte est dans le secondaire (-7%). Pour F. Rolet, secrétaire générale du Snes, cette baisse est liée au « sentiment de dégradation général ». Elle estime que « les récentes déclarations de la ministre sur l’évaluation ont aggravé les choses ». Et elle renvoie vers les décisions gouvernementales. « On a peut-être pas assez traité les questions concrètes comme les effectifs élèves et le salaire ». Au Snuipp, on se refuse à dégager une leçon générale de ces résultats. « Beaucoup voudraient expliquer le recul du Snuipp avec la seule explication de rythmes scolaires », nous a dit Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp. « Si c’était le cas on trouverait un recul uniforme sur tout le territoire. Or ce n’est pas le cas ». Le syndicat recule fortement dans le 93 (-10%) et à Paris (-3%) au profit de FO. « Le facteur local est déterminant », explique S Sihr. « Dans les zones très urbanisées les enseignants ont des conditions de vie difficiles et travaillent dans des conditions compliquées ».
La coupure avec les cadres s’accentue
Les cadres s’ancrent davantage chez les réformistes. Chez les personnels de direction, le Snpden Unsa se maintient et représente 2 personnels sur 3. Ce taux est même dépassé chez les inspecteurs où l’Unsa progresse nettement. Plusieurs enquêtes parues cet été montraient une méfiance croissante des enseignants envers leur hiérarchie. Alors que les corps enseignants glissent vers une méfiance croissante envers la refondation, les cadres vont à l’opposé. C’est aussi un des enseignements majeurs du scrutin.
François Jarraud