Les bagarres en salle des profs n’ont pas fini ! A l’issue des élections professionnelles, si le taux de participation a légèrement augmenté, l’affaiblissement de la première fédération syndicale (-5%) se fait au bénéfice de FO (+3,5%), du Snalc (+0,7%) et de l’Unsa (+1,2%). S’il est trop tôt pour établir un diagnostic plus précis, on peut constater le premier effet de la Refondation : elle n’a pas su réunir les enseignants sur un projet commun pour l’Ecole. Elle mobilise fortement ses opposants et (moins fort) ses partisans. Le corps enseignant est-il en train de se radicaliser ?
Le Comité technique ministériel (CTM) est élu par l’ensemble des fonctionnaires du public. Son élection permet de mesurer le poids exact au niveau national des différents syndicats. En 2014 pas moins de 17 organisations se sont proposées aux suffrages soit 5 de plus qu’en 2011, accroissant ainsi l’émiettement des voix. Si les pouvoirs publics avaient comme objectif de lutter contre l’émiettement syndical, ils sont servis. Avec la forte progression d’organisations régionales (l’UDAS double ses voix) cela illustre un détachement croissant envers les grandes organisations de gestion de l’éducation nationale.
Le taux de participation
Le taux de participation est de 41,73%, en légère progression par rapport à 2011 (38,54%). On n’a toujours pas retrouvé les 61% des élections de 2008. De nombreux syndicats ont mis en cause le vote électronique, jugé trop difficile. Mais pour le Se-Unsa, la vraie raison de la faible participation est plus profonde. Elle tient « à une vraie défiance envers les corps intermédiaires » et à un doute envers les élus politiques et syndicaux. Le taux de participation a nettement progressé chez les PLP (53,89% soit +6,35%) et les CPE (61,71% soit + 7,11%). Il est en hausse chez les professeurs des écoles (+ 4,34% à 45,35%) et les professeurs d’EPS (51,47% soit +3,02%). Il est quasi stable chez les certifiés (+0,96%) et diminue chez les agrégés (-0,82% à 46,06%).
Les résultats
Les résultats officiels montrent une baisse sensible de la Fsu qui reste la première organisation avec 137 425 voix (141 914 en 2011) soit 35,5% des suffrages exprimés (40,6% en 2011). L’Unsa a 84 751 voix (72 397 en 2011) soit 21,9% (20,7% en 2011). FO dispose de 52 579 voix (35 245 en 2011) soit 13,6% des suffrages (10,1%). Le Sgen Cfdt recueille 34 342 voix contre 34 907 en 2011, soit 8,9% (10% en 2011). La Cgt a 21 300 voix contre 22 598 en 2011 et 5,5% des suffrages (6,4% en 2011). Le Snalc reçoit 21 152 voix soit 5,5% des suffrages. En 2011 l’alliance Snalc et Cftc avait reçu 16 485 voix. Sud compte 20 302 voix (20 241 en 2011) et 5,2% des voix.
Ces résultats affectent la composition du CTM. La Fsu garde 6 des 15 sièges et e perd un. L’Unsa dispose comme en 2011 de 4 sièges. FO gagne un siège avec 2 élus au CTM. La Cgt et le Sgen ont chacun 1 siège. Le Snalc revient en CTM avec 1 siège.
Le camp le plus hostile aux réformes, FO et Snalc, progresse nettement avec 22 000 voix supplémentaires. L’Unsa et le Sgen, très favorables aux réformes gagnent 12 000 voix. La Fsu en perd 4000. Il est trop tôt encore pour savoir si c’est dans le premier degré, suite à la mise en place des nouveaux rythmes scolaires, ou dans le second degré que se font ces pertes. On verra si la hausse du taux de participation chez les professeurs des écoles et les PLP a bénéficié à FO.
« Radicalisation » des enseignants ?
Grand vainqueur des élections, FO souligne que c’est la progression des anti-réformes. « La volonté (du gouvernement) d’écarter les organisations syndicales qui refusent de s’inscrire dans le « dialogue social » pour la mise en œuvre des contre-réformes du gouvernement, est mise en échec », explique le syndicat qui affirme vouloir « amplifier (son) activité syndicale pour la défense des revendications, du statut (des personnels) et de l’Ecole publique républicaine ». FO avait notamment refusé de signer les accords sur le métier. Le Snalc, qui fête son retour au CTM, y voit « la reconnaissance du bien-fondé de l’action syndicale de ces deux organisations qui se sont distinguées de leurs concurrents à la fois par une ferme opposition à la réforme des rythmes scolaires dans le primaire et… une capacité à négocier ».
Pour Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa, on assiste « à une dichotomie affirmée entre progressistes et traditionnalistes » et à une « radicalisation » sur le plan pédagogique. « Quand on tient une ligne elle ne plait pas à tout le monde. Mais quand elle est claire elle peut plaire à certains ». Pour lui le grand perdant est la FSU qui fait un « recul historique » pour n’avoir pas su choisir. « La Fsu va devoir clarifier sa ligne ».
Bernadette Groison, secrétaire générale de la Fsu, nous confie « ss grande tristesse » devant la chute de la Fsu. Elle reste convaincue par le projet éducatif de son organisation et souligne que la Fsu reste la première fédération syndicale. « Ca ne change pas le rapport de forces entre organisations syndicales ». Elle lit la progression de Fo et du Snalc comme une « inquiétude » des personnels et « un repli regrettable ». « La FSU continuera avec force à porter la nécessité des évolutions nécessaires à conduire pour transformer le système éducatif afin d’assurer la réussite de tous les jeunes et défendre tous les personnels. Il s’agit maintenant de redonner confiance à tous les personnels pour conduire avec eux les évolutions nécessaires et obtenir des réponses à leurs exigences », affirme son organisation. « Il faudra continuer le débat avec les collègues pour redonner confiance dans le système éducatif », conclue-t-elle.
Le dépouillement, le 5 décembre, des voix dans les différentes commissions des différents corps permettra de voir quel effet les réformes de la refondation ont eu sur les choix électoraux. Les rythmes scolaires ont-il contribué à redistribuer les cartes au primaire ? Dans quel état d’esprit les professeurs du secondaire sont-ils face aux réformes ? Sud et l’UDAS ont dénoncé des fraudes durant l’élection. Sud devrait se prononcer pour déposer un recours ou pas. L’Udas a annoncé déposer un recours pour les élections à La Réunion où la diffusion par l’administration d’informations personnelles aurait entrainé des captations de voix.
François Jarraud