« Les régiments fonctionnent grâce à la discipline. C’est la force des armées, mais aussi celle de l’enseignement. On ne peut pas faire vivre une collectivité sans autorité ni discipline ». Ces mâles paroles du sénateur Gérard Longuet nous rappellent que les dernières élections ont ramené une majorité de droite au Sénat. Mais l’intérêt d’une opposition forte c’et aussi sa capacité à éclairer des coins obscurs du budget et de renouveler le débat sur les 60 000 postes.
La droite reste la droite
« S’il y avait une négociation sur les pouvoirs des chefs d’établissement, leur autorité sur les enseignants, et la réforme du statut, nous pourrions faire des efforts dans ce sens, dans une logique donnant -donnant. Mais donner de nouveaux effectifs à un système qui ne les gère pas… Autant souffler dans un violon ». Chargé par la commission des finances du Sénat d’étudier le budget de l’enseignement, Gérard Longuet ne se prive pas d’exprimer une vision que lui-même considère « un peu traditionnelle ». Son rapport, les échanges en commission fourmillent ainsi de propos qui soulignent bien que la droite n’a pas changé. « Nous sommes là pour former les jeunes, pas pour les écouter – nous les écouterons plus tard ».
La droite reste aussi la droite sous l’angle budgétaire. Elle a fait adopter en commission un amendement qui diminue de 160 millions le budget de l’éducation nationale en supprimant les nouveaux postes créés et en ramenant la règle du non remplacement d’un enseignant sur deux partant à la retraite. Revenue au pouvoir, elle ramènerait des suppressions massives d’emplois.
Mais son analyse budgétaire est parfois pertinente.
Ainsi G Longuet interroge la capacité du gouvernement à atteindre les 54 000 créations de postes promis par F Hollande. « Dans son rapport sur le règlement du budget et l’approbation des comptes de l’année 2013, votre commission des finances a relevé que le plafond d’emploi de la mission n’a été consommé qu’à hauteur de 959 072 ETPT, soit 10 959 ETPT de moins que le niveau inscrit en loi de finances pour 2013. Cette sous-consommation résultait de deux phénomènes : un nombre d’entrées inférieur aux prévisions dû à un moindre rendement des concours (seuls 72 % des postes ont été pourvus dans le second degré) et à une sous-consommation des postes de stagiaires et de contractuels (dans le second degré public, seuls 71 % des postes de contractuels ont été pourvus à la rentrée 2013) ; un nombre de sorties plus important (hors départs à la retraite, dont le nombre a été plus faible que les prévisions) que ce qui était prévu en loi de finances pour 2013 ». D’année en année cet écart entre les postes budgetés et les postes occupés grossit.
Le vase communiquant des postes et des heures supplémentaires
Le rapport met aussi le projecteur sur un autre point budgétaire sensible. Il montre que les créations de postes s’accompagnent d’une diminution des crédits pour heures supplémentaires. « L’analyse de l’évolution des contingents d’heures supplémentaires met en exergue, à l’inverse, une diminution des heures effectuées. En effet, les crédits de paiement concernant les heures supplémentaires effectives (HSE) sont en diminution pour la deuxième
année consécutive : 338,4 millions d’euros durant l’année scolaire 2013-2014 pour l’enseignement public et privé (- 2,6 % par rapport à l’année scolaire 2012-2013 après une diminution de 3,7 % l’année précédente). une partie de l’augmentation des effectifs est compensée par une diminution des heures supplémentaires effectuées ». La remarque n’est pas anodine. Pour faire face à la croissance démographique dans le second degré, le ministère avait annoncé un volant d’heures supplémentaires égal à 1000 postes. Il apparait que dans les négociations avec Bercy, l’éducation nationale lache du lest sur le cout réel des créations de postes. C’est bien la crédibilité budgétaire qui est affectée.
François Jarraud