- Quelles pratiques pour aider tous les collégiens à réussir ?
- Décrochage : Ce que dit la recherche
- Décrochage : Les microlycées peuvent-ils sauver l’École ?
- Entretien avec Nathalie Broux
Présenté par le premier ministre et les ministères de l’éducation nationale et de l’emploi le 21 novembre, le nouveau plan anti-décrochage articule une bonne idée, de bons sentiments, avec fort peu de mesures concrètes. Est-ce parce qu’il fait presque l’impasse des relations avec les collectivités territoriales ? Car encore une fois ce sont elles qui auront à faire face.
Une bonne idée
En reprenant l’idée québécoise des Journées de la persévérance scolaire, l’éducation nationale est très bien inspirée. D’abord parce que ça marche. Au Québec, les Journées mobilisent effectivement les communautés éducatives. Chacun arbore un ruban vert qui matérialise le souci de la réussite scolaire. En organisant chaque année, une « Semaine de la persévérance scolaire » dans tous les établissements, le ministère peut impulser un vrai changement. Le changement c’est qu’on ne parle plus de décrochage mais de persévérance scolaire, un concept plus positif, plus engageant et davantage tourné vers les difficultés de l’École.
De bons sentiments
Cette bonne idée est accompagnée de bons sentiments pédagogiques. On nommera des référents dans chaque établissement et on confiera aux professeurs principaux la mission de lutter contre le décrochage. Ils ont déjà le dos tellement large ! » Une démarche globale visant à impliquer les parents dans le parcours scolaire de leur enfant et dans la vie de l’établissement sera mise en place », annonce le ministère. » L’évolution des pratiques pédagogiques sera poursuivie afin de renforcer la prévention et le repérage du décrochage dans la classe… La dimension éducative aux punitions et sanctions disciplinaires sera renforcée : elles devront systématiquement être expliquées et les parents pleinement associés au processus décisionnel ». On en trouverait encore d’autres dans le document officiel.
On ne peut que souscrire à ces recommandations. La question c’est évidemment comment on les met en place. Le dossier évoque la formation initiale avec un module consacré au repérage du décrochage ce qui est déjà peu précis. On promet de la formation continue mais sans engagement précis. Ou plutôt si : il y a une décision : celle de lancer un MOOC sur le décrochage. On nous pardonnera de ranger cela dans les bons sentiments…
Quelques mesures faussement concrètes…
Il y a quand même quelques mesures pédagogiques plus concrètes. La généralisation des Conseils de vie collégienne (CVC) sur le modèle des conseils de vie lycéenne, est une bonne chose. Mais les CVL ont beaucoup de mal à exister. Ils ne vivent vraiment que là où les collectivités territoriales leur donnent des moyens d’action, à l’exemple de ce que fait la région Ile de France. Côté éducation nationale il y a un grand flou sur le budget consacré aux CVL. Le nouveau plan n’en parle pas plus.
La généralisation de la mallette des parents est une mesure qui pourrait être intéressante. La mallette facilite l’intégration des élèves en 6ème et l’acceptation des décisions d’orientation en 3ème. Elle coute quasiment rien. Mais elle consomme beaucoup de temps du principal. C’est là où est le point délicat : il faudra mobiliser et former les principaux sur qui reposent déjà beaucoup de responsabilités.
Les classes passerelles au lycée sont une idée déjà ancienne présente dans la réforme Chatel. Elle est aussi ambitieuse. Car jusque là on n’a vu ces passerelles ne fonctionner que dans le sens du toboggan. C’est d’ailleurs ce qu’envisage le plan officiel : » Les passerelles de la 2de générale et technologique vers 1re professionnelle seront davantage anticipées, afin de préparer les élèves à un changement de cursus et de sécuriser leur passage, notamment en réservant une part des capacités d’accueil en 1re professionnelle ». Rien n’est dit sur les compétences professionnelles que les jeunes acquièrent en seconde professionnelle. Là aussi les professeurs se débrouilleront avec les jeunes envoyés par en haut…
Des inquiétudes
Une mesure simple aurait pu être prise : l’allongement de la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans. Elle aurait ouvert des droits clairs aux jeunes. Cette mesure est étudiée mis pas acceptée.
A la place le plan propose deux dispositifs. D’abord un « droit au retour » dans le monde scolaire. « Les jeunes sortant du système éducatif sans diplôme pourront bénéficier d’une durée complémentaire de formation qualifiante Cette mesure s’adresse aux jeunes âgés de 16 à 25 ans qui ne possèdent aucun diplôme ou, au maximum, le diplôme national du brevet ou le certificat de formation générale. Elle vise l’acquisition soit d’un diplôme (général, technologique ou professionnel), soit d’un titre ou certificat inscrit au répertoire national des certifications professionnelles. Pendant la durée de la formation qualifiante, le jeune peut relever de différents statuts : salarié sous contrat en alternance (contrat d’apprentissage ou contrat de professionnalisation), stagiaire de la formation professionnelle, statut scolaire… La durée complémentaire de formation qualifiante peut consister en un droit au retour en formation initiale sous statut scolaire. Ce droit peut être exercé dans les deux années qui suivent la sortie du système éducatif. La durée de la formation est d’une année scolaire, qui peut être prolongée en fonction du bilan de la formation qui aura été effectué ». D’une part ce droit se limite à une année ce qui peut empêcher d’accéder à un diplôme préparé en 2 ou 3 ans (le bac par exemple). D’autre part, on voit mal comment en l’absence de financement (le document n’en parle pas) on pourrait accueillir ces jeunes dans des établissements où déjà on manque d’enseignants.
Alors c’est l’autre dispositif qui pourrait bien devenir la règle. » Un parcours aménagé de « stagiaire de la formation initiale » sera mis en place pour les 15-18 ans risquant de sortir sans diplôme ou sans qualification d’un établissement du second degré. Le jeune conservera le statut scolaire et bénéficiera d’un parcours de formation sur-mesure et d’un accompagnement personnalisé. Ce parcours permettra au jeune de disposer d’un temps de réflexion mais aussi l’opportunité de sortir de l’univers scolaire tout en intégrant des activités encadrées (ex. de type service civique, stages de découverte en entreprises, etc.). Le jeune sera suivi par un tuteur au sein de l’établissement en vue d’intégrer une solution de formation adaptée ». Là le risque de régler des problèmes d’intendance en dirigeant vers des dispositifs très allégés des élèves est bien réel. Nous avons vu cette année cette méthode mise en place dans le 92 pour les redoublants de terminale sans se soucier du fait que ces formations allégées ne préparent pas au post bac.
Des absents
Le premier absent c’est le financement. Les mesures s’accumulent. Certaines sont très ambitieuses comme changer la pédagogie et les relations dans les établissements scolaires. Mais le plan ne prévoit que 50 millions que l’Etat irait chercher auprès de l’Europe. Si pour le gouvernement le coût du décrochage se chiffre à 30 milliards par an, alors le plan présenté le 21 novembre par le premier ministre et les ministères de l’éducation nationale et de l’emploi, n’est pas à la hauteur des enjeux financiers et relève de la mauvaise gestion.
L’autre absent ce sont les collectivités territoriales. Ce sont elles qui doivent coordonner les politiques de lutte contre le décrochage. Or le plan gouvernemental parle très peu des relations à construire avec elles. Et ce n’est peut- être pas sans lien avec la remarque précédente. Qu’ils s’agisse des micro lycées, des structures particulières ou des plateformes de lutte contre le décrochage , on attend des collectivités territoriales qu’elles fassent les efforts nécessaires.
François Jarraud
Décrochage en région
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/10/01102014Article63[…]
Sur le droit au retour en formation
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/09/19092014Article63[…]
Sur la mallette aux parents
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/11/21112014Article63[…]
Comment faire vivre un CVL
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/11/18112014Article63[…]
Le plan Peillon 2012
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2012_Decrochagescolaire.aspx
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Comment diminuer le décrochage au collège ? Depuis 2010, la Fondation de France soutient des projets pédagogiques qui visent à prévenir l’échec au collège. Une action qui se situe exactement dans l’objectif ministériel. Vendredi 14 novembre, la Fondation présentait plusieurs de ces projets en présence de la ministre de l’éducation. Des centaines de projets soutenus par la Fondation se dégage l’importance de la « bienveillance attitude ». Une formule déclinée par plusieurs établissements qui s’avère efficace pour les élèves et aussi pour les équipes pédagogiques.
La journée des 600 000
« Nous nous avons tous ici 620 000 bonnes raisons d’être présents. 620 000, parce que c’est le nombre d’élèves qui, aujourd’hui, sont considérés comme en grande difficulté et ont « décroché » du système scolaire au fil des ans ». Dans l’inflation des formules, ce vendredi 14 novembre fait date. Lors du colloque organisé par la Fondation de France sur la réussite de tous au collège, la ministre de l’éducation lance ce nouveau nombre. « Le chiffre de 140 000 jeunes circule plus fréquemment » », poursuit-elle. « Il correspond au nombre annuel de jeunes sortants du système scolaire sans qualification mais masque en réalité la réalité globale du décrochage scolaire : nous parlons bien de 620 000 jeunes ». La ministre précise qui sont ces 600 000. » Les élèves issus de l’immigration… risquent deux fois plus que les autres d’être en échec scolaire. Et les élèves issus de milieux défavorisés ont une probabilité 1,5 fois plus forte de redoubler que ceux issus de milieux favorisés. Plus grave encore, ces inégalités sociales se sont creusées… Lorsque l’on appartient à un milieu défavorisé, on a aujourd’hui moins de chances de réussir en France qu’en 2003″. Face à cette situation, » l’école se sent responsable des enfants jusqu’à la fin de l’obligation scolaire », ajoute la ministre. « Elle sait que ceux qui ont quitté le système scolaire en cours de route ne relèvent pas exclusivement d’une intervention sociale. Elle met tout en oeuvre pour repérer les élèves en situation de décrochage et les ramener vers l’école, vers des dispositifs qui leur soient mieux adaptés. Mais j’irai même plus loin : non seulement l’école se sent désormais responsable des élèves dits « décrocheurs », mais elle se soucie également des élèves au-delà de la fin de l’obligation scolaire, en participant à favoriser leur insertion professionnelle. » Reste à proposer des actions. N Vallaud-Belkacem devrait le faire dans quelques jours. Ce 14 novembre elle renouvèle la convention avec la Fondation de France en la dotant de 600 000 euros, un euro par élève en grande difficulté…
Mais que fait la Fondation de France ?
« 25 000 élèves ont bénéficié des projets soutenus par la Fondation de France », annonce Anne Bouvier, responsable du programme Enfance Education. Depuis 2010, la Fondation a reçu près de 1200 projets et en retenu 270 pour un montant d’environ 9 700 euros par projet. La moitié concerne des dispositifs d’accueil d’élèves en risque de décrochage. Un tiers porte sur des projets globaux de classe ou d’établissement. 14% soutiennent des équipes pédagogiques. La Fondation de France est passé du traitement de la démobilisation scolaire au soutien à des actions de prévention au collège. Elle soutient les équipes pédagogiques en apportant des intervenants extérieurs qui les accompagnent.
Des exemples d’actions sur le terrain ?
Une première table ronde réunit plusieurs principaux. Pascal Delhom dirige le collège Clémenceau de Paris 18ème, un établissement Rep+ de la Goutte d’or. L’action du collège se porte sur la 6ème considérée comme stratégique. Une vingtaine d’élèves, les plus fragiles, sont accompagnés du CM2 à la 6ème. Toutes les 6ème et 5ème sont sans notes. Deux classes de 6ème s’appuient sur le dispositif ROLL, les deux autres utilisent la médiation culturelle imaginée par Serge Boimare (travail à partir de grands textes fondateurs pour vaincre l’empêchement d’apprendre). Un conseil de vie collégien est institué dans l’établissement. Pour P Delhom, ce travail sur le climat scolaire est prioritaire.
A Châteauroux, Philippe Niemec dirige le collège Rep+ Rosa Parks dans la cité populaire du quartier Saint Jean. Le collège compte une segpa qui est bien intégrée dans l’établissement. C’est sur la segpa que porte le projet mené avec la Fondation. Les élèves rencontrent des professionels de la restauration de luxe , organisent des repas gastronomiques. La clé, pour Philippe Niemec, c’est « la bienveillante attitude ». Cela commence avant l’arrivée au collège par le suivi des élèves les plus en difficulté. Ils bénéficient d’une pré-rentrée particulière où sont travaillées les méthodes mais aussi l’estime de soi. Le collège leur fait suivre un stage équitation pour leur donner de l’assurance et nouer une relation affective. « Pour créer de la confiance, il faut que l’ensemble du personnel ait envie de travailler ensemble ». Les élèves sont accompagnés par leurs professeurs mais aussi par une gestionnaire et un technicien. Ca fonctionne car « la bienveillance attitude c’est efficace », explique P Niemec. Les enseignants s’y retrouvent largement dans ce travail sur le climat scolaire te l’estime de soi. Le collège s’ouvre aussi aux parents. « Parce qu’ils ont un rôle à jouer, ils n’ont plus peur de venir au collège ».
A Bénévent-l-Abbaye, un bourg de la Creuse, Eric Gougeaud dirige un petit collège dans un milieu isolé et refermé. Le diagnostic c’est qu’il faut lutter contre le manque d’ambition scolaire, le déficit de curiosité et d’ouverture culturelle. Pour cela le collège a réaménagé le temps scolaire en cours de 45 ou 90 minutes. Cela a permis de dégager des plages horaires utilisées pour de l’accompagnement aux devoirs, des séances d’estime de soi ou du tutorat. Les deux années de 6ème et 5ème sont passées à l’évaluation par compétences selon des grilles conçues par les professeurs. L’équipe applique une pédagogie de projets et nourrit des ateliers culturels et sportifs.
Un regard externe était apporté par Afsata Kaboré Paré, maitre de conférences à l’université Koudougou au Burkina Faso et Jean Gordon, une consultante britannique. A Kaboré Paré a montré comment 31% de la dépense d’éducation est perdue au Burkina du fait des redoublements et des décrochages. Jean Gordon a mis l’accent sur les programmes de développement des capacités des élèves comme le programme CATS (Children as Actors for Transforming Society)
Les points forts des projets soutenus par la Fondation de France c’est leur caractère global. Il s’agit bien sur de lutter contre l’échec scolaire. Mais cela passe par le développement de la collaboration entre les adultes. Comme dit Pascal Delhom, il faut « réduire l’écart dans la salle des profs ». Tous les projets ont une dimension intergénérationnelle riche. La campagne 2015 est ouverte. La Fondation de France attend notamment des projets qui s’appuient davantage sur les TICE.
François Jarraud
Proposez votre projet
http://www.fondationdefrance.org/Nos-Actions/Developper-la-connaissa[…]
Au collège Flavien, un projet Fondation de France
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2013/02/26022013Article63[…]
Jazz au collège
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/05/13052014Article63[…]
La fondation de France attend vos projets
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- Entretien avec Nathalie Broux
L’École peut-elle quelque chose contre le décrochage ? Trois études récentes apportent des éclairages nouveaux sur les mécanismes du décrochage. Elles montrent clairement du doigt les responsabilités de l’École. Ainsi le travail de PY Bernard et C Michaut explique que les décrocheurs sont aussi des jeunes qui en ont « marre de l’école ». E. Maurin, D. Goux et M. Gurgand montrent à contrario que l’école peut, à moyens constants agir efficacement contre le décrochage en travaillant sa relation aux parents. Une dernière étude réalisée par L Hernandez, N Oubrayrie-Roussel et Y Prêteur montre aussi l’impact des pairs dans le processus de décrochage.
Comment les jeunes décrocheurs expliquent-ils leur départ du système éducatif ? Pierre-Yves Bernard et Christophe Michaut, université de Nantes, ont travaillé sur les propos des décrocheurs. Basé sur une enquête téléphonique auprès de 1155 jeunes, un quart des décrocheurs des Pays de la Loire, leur travail éclaire avec cruauté leur rapport à l’École. Car si les jeunes mettent en avant l’attrait de la vie professionnelle ou le désir de gagner de l’argent pour justifier leur départ, huit sur dix confient « en avoir marre de l’école ». Une formule qui recouvre des réalités différentes sur lesquelles les auteurs ont travaillé. Ils arrivent ainsi à dresser 5 portraits de décrocheurs qui vont de garçons en opposition affirmée avec l’École à des filles découragées qui ont des difficultés scolaires. Mais, au final, « dans les déclarations des jeunes, il y a une dénonciation très forte de l’École », conclue PY Bernard.
Le travail d’Eric Maurin, Dominique Goux et Marc Gurgand sur l’expérimentation de prévention du décrochage réalisée dans l’académie de Versailles montre que les établissements ne sont pas désarmés face au décrochage. Testé sur plus de 4000 élèves de troisième de l’académie de Versailles, le dispositif évalué par l’École économique de Paris a un coût fort modeste : celui des vidéos qui sont projetées aux parents par les principaux. Car l’essentiel du dispositif consiste en la sélection des « élèves à risques » par les principaux et le dialogue personnel engagé par les principaux avec ces familles. Ils appellent au téléphone les parents et les invitent à assister à deux réunions. Et leur intervention porte ses fruits. En comparant le devenir des collégiens de troisième à risque de décrochage avec des groupes similaires qui n’ont pas bénéficié de ces réunions, les auteurs mettent en évidence des changements significatifs. Le premier c’est qu’un pourcentage significativement plus élevé de parents vient assister aux réunions (+24% selon l’étude). L’impact de ces réunions est attesté. A leur issue, les parents se forgent des espoirs plus réalistes sur le devenir scolaire de leur enfant. Les réunions n’ont pas d’effet sur le niveau scolaire de ces élèves à risque qui reste très faible et ne s’améliore pas. Mais les parents abandonnent davantage (+8%) le rêve d’un bac ou la demande d’un redoublement pour se tourner vers un CAP. Les choix d’orientation des familles s’en trouvent affectés. Les demandes d’entrée en CAP augmentent d’un tiers et les voeux pour une filière bac diminuent en proportion. Le taux de décrochage diminue de 36%, celui des redoublements, souvent improductifs, de 34%. Pour Eric Maurin, « on peut faire reculer le décrochage par une intervention cosmétique. On peut agir sans politique de longue haleine, engageant des moyens importants et une transformation de l’École ».
Lucie Hernandez, Nathalie Oubrayrie Roussel et Yves Prêteur, du laboratoire PDPS de l’Université Toulouse II, publient dans Recherches en éducation n°20, une intéressante étude sur le rôle des pairs dans le décrochage. L’étude s’appuie sur un questionnaire rempli par près de 700 élèves de troisième dans un échantillon représentatif de collèges. Les auteurs ont mené un double classement des élèves en fonction de leur rapport au groupe de pairs et de leur implication scolaire. Ainsi ils évaluent que 39% des élèves considèrent être fortement soutenus par le groupe des pairs : ce sont les « populaires ». Inversement 19% s’isolent du groupe (les « en retrait »). 17% des élèves sont soumis à l’influence du groupe (les « soumis »). Et 25% recherchent aussi le groupe mais se sentent peu appréciés (les « négligés »). Sur l’échelle de la scolarité, 12% des élèves sont démobilisés et en difficulté. 28% sont en difficultés. Selon les auteurs, les « populaires » sont les élèves les plus persévérants. Fortement soutenus par le groupe ils accordent de l’importance à leurs progrès. Les jeunes en retrait sont ceux qui s’attachent le plus à la valeur intrinsèque de l’enseignement. Ils viennent au collège pour apprendre et bénéficient le mieux des enseignements. Les « soumis » privilégient leur image dans el groupe à leur scolarité. Ils abandonnent facilement les apprentissages. Enfin les élèves « négligés » par leurs pairs accordent le moins d’importance à l’école. Les auteurs tirent un enseignement concernant le décrochage : l’influence du groupe des pairs est déterminante sur la persévérance scolaire. Ceux « qui ont un rapport aux autres fondé sur la cohésion, le soutien, la solidarité et l’intimité, ont tendance à attribuer davantage de sens à leur scolarité et donc à mieux réussir. Nous voyons combien le rejet par les pairs, des manifestations d’exclusion du groupe ou de discrimination « paralysent » la réceptivité et la mobilisation cognitive, fragilisent la confiance en soi et la prise d’initiative ». Voilà des dimensions auxquelles les enseignants doivent porter attention.
Au final, ce que nous disent ces études, c’est que lutter contre le décrochage passe bien par un effort pédagogique. Et ce n’est pas le plus facile.
François Jarraud
L’expérience de Versailles
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/03/03032014Article63[…]
Marre de l’école, l’étude du CREN (Bernard et Michaut)
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/03/19032014Article63[…]
Recherches en éducation n°20
http://www.recherches-en-education.net/IMG/pdf/REE-no20.pdf
- Quelles pratiques pour aider tous les collégiens à réussir ?
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- Décrochage : Les microlycées peuvent-ils sauver l’École ?
- Entretien avec Nathalie Broux
Avec l’intensification de la lutte contre le décrochage, les microlycées sont sous les feux de la rampe. En Ile-de-France, le conseil régional souhaite voir leur nombre doubler. Partout ils apparaissent comme une réponse pour remettre sur les rails une partie des décrocheurs, principalement les « déçus de l’école », ceux que l’École a blessés ou à qui elle refuse toute chance de retour à la normalité après un accident de vie. L’ouvrage d’Eric de Saint-Denis et Nathalie Broux fait découvrir la pédagogie et l’organisation qui font l’originalité de ces structures. Or toutes deux sont aisément transmissibles aux lycées ordinaires. Les microlycées sont-ils en passe de changer le lycée ?
Mis en avant avec la montée de la question du décrochage, les microlycées restent peu connus. D’abord parce qu’il s’agit de structures très petites qui ne scolarisent que quelques dizaines d’élèves chacune. Aussi parce que longtemps les microlycées n’ont été que tolérés. Durant la dernière décennie ils n’apparaissaient pas à l’institution comme porteurs de solution. Enfin leur création était liée à des personnalités exceptionnelles (G Cohn-Bendit, G Longhi…) mais qui échappaient au profil si lisse des fonctionnaires obéissants…
L’intérêt de ce livre c’est de donner la parole aux enseignants des microlycées. Eric de Saint-Denis a fondé le premier microlycée de Senart et Nathalie Broux est coordinatrice du microlycée de La Courneuve. Tous deux décrivent dans cet ouvrage leur conception pédagogique et la pédagogie mise en oeuvre.
Partant du récit de vie de trois élèves des microlycées, les auteurs mettent en avant ce qui fonde la pédagogie du raccrochage. Là il y a un mot fort, souvent disparu des lycées classiques : la pédagogie du raccrochage est une pédagogie de la bienveillance. Celle-ci s’exprime dans le tutorat, dans l’enrichissement des relations intergénérationnelles. Mais elle se lit dans toute la pédagogie mise en oeuvre : l’évaluation, les règles de vie en classe, la conception des cours avec souvent une pédagogie du détour, la gestion réparatrice de l’absentéisme etc. L’ouvrage donne des fiches pratiques pour définir ce qu’est un cours en microlycée, en quoi il diffère d’un cours traditionnel dans l’organisation de la salle, la construction du cours, l’attitude de l’enseignant et l’évaluation.
On entre dans le détail de la vie des microlycées avec les emplois du temps des élèves et ceux des enseignants. Disons tout de suite qu’avec 2 demi-journées de libre dans la semaine, celui-ci ressemble beaucoup à celui des enseignants des lycées ordinaires même si , en fait, les enseignants ont une présence beaucoup plus affirmée.
Le sous titre de l’ouvrage fait le lien entre « accueillir les décrocheurs » et « changer l’école ». C’est que la pédagogie mise en oeuvre dans les microlycées et leur organisation sont accessibles aisément à tous les enseignants. La différence entre le microlycée et le lycée ordinaire tient surtout aux valeurs sous jacentes. Ce sont celles-ci que le livre fait apparaitre. Elles appellent à revenir aux fondamentaux du métier. Et ça c’est vraiment révolutionnaire.
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- Décrochage : Les microlycées peuvent-ils sauver l’École ?
- Entretien avec Nathalie Broux
Dans la préface, Patrick Rayou dit des microlycées qu’ils sont « une école qui n’a pas renoncé ». Vous retrouvez-vous dans cette description ?
On se rend compte que, dans la pratique du quotidien des établissements scolaires, on démissionne souvent d’un certain espoir et on renvoie l’élève à ses capacités en oubliant qu’elles sont conditionnées. On renonce pour l’élève avant lui. Les professeurs ont des catégories d’élèves qui sont autant de pratiques d’élimination. Au microlycée, on essaie de repenser le possible. L’éducabilité de tous n’est pas qu’un principe oratoire.
Quand on regarde les emplois du temps des microlycées , que vous publiez dans l’ouvrage, on voit des emplois du temps aussi chargés que dans els autres lycées mais avec des changements dans les disciplines.
Le nombre d’heures de cours varie selon les structures. A Vitry, ils ont fait le choix d’avoir un horaire aussi important que dans les autres lycées. Ailleurs c’est moins. Mais dans ces grilles c’est le désir de s élèves qui s’affirme : ils demandent un vrai lycée avec des horaires de lycée. Les modifications sont importantes : ce sont elles qui permettent l’interdisciplinarité des savoirs : la philosophie en première, l’heure de culture et méthode. Ce sont des moments où on peut faire autrement, de façon plus cohérente.
Le tutorat est un principe bien installé et très mis en avant. Suffit-il pour remettre les élèves sur les rails ?
Il faut d’abord dire qu’il y a une dimension élitaire dans le relation au savoir. On propose aux élèves des microlycées des cours solides. Les professeurs sont très chevronnés qui, souvent, sont là pour relever le défi de leur discipline. Donc le tutorat ne suffit pas. C’est dans l’articulation entre l’exigence intellectuelle des cours et leur périphérie qu’on arrive à aider les élèves.
Il y a lieu qui semble fondamental dans les microlycées c’est la salle commune. Est-ce une clé ?
Dans les lycées traditionnels, tout est extrêmement segmenté. Par exemple la salle des profs est souvent strictement fermée aux élèves. A la ségrégation de l’espace correspond une segrégation des rôles. Or je crois que, sans confondre les rôles, il faut de la réconciliation. C’est ce que les enseignants des établissements traditionnels trouvent lors des projets ou des voyages scolaires. La salle commune est un espace de circulation symbolique où on sort des rôles. On discute, on mange ensemble. Cela rejaillit ensuite sur les relations dans les cours.
Dans l’ouvrage vous détaillez les pratiques pédagogiques qui sont mises en oeuvre dans les microlycées, les emplois du temps des enseignants. Tout cela semble à la portée de n’importe quel professeur. Qu’en pensez-vous ?
On est d’accord avec cette remarque. La vraie différence entre le microlycée et une structure classique c’est le degré d’approfondissement de la relation avec l’élève qui tient aussi au fait qu’ils sont 10 à 15 par classe et non 30 à 35 comme dans les lycées. Cela nous permet de travailler une foule de choses transférables dans la pratique habituelle des enseignants. Par exemple sur l’évaluation des élèves.
Les microlycées proposent des cours de la filière générale. Ne seraient-ils pas plus utiles en lycée professionnel ?
On a un public d’élèves de lycéen professionnel. Un de nos combats, comme école qui n’a pas renoncé, c’est d’arrêter de considérer le lycée professionnel pour toute une partie des jeunes. On récupère ces jeunes et on a un rôle de passerelle entre le professionnel et le lycée général et technologique. Le décrochage de nos élèves les a souvent conduit en lycée professionnel puisque celui-ci est utilisé comme cela dans notre système éducatif. Or la plupart des élèves décrocheurs ne décrochent pas que de l’école mais aussi de leur famille ou d’eux-mêmes. Du coup le système les sanctionne et les envoie en L.P. Et en LP on accélère souvent le décrochage. Le microlycée permet de réinjecter du désir généraliste chez des élèves de L.P.
Socialement votre public n’est pas un public de L.P. On voit des pourcentages assez faibles d’enfants d’inactifs et d’ouvriers.
Cela dépend des structures. Globalement la mixité sociale est un point fort des microlycées. En fait, la vraie inégalité c’est que l’on n’a pas d’élèves qui aient décroché en 5ème. Nos élèves ont une culture scolaire de niveau 3ème.
Les microlycées existent de puis des années. Pourquoi publiez-vous ce livre maintenant ? Avec le discours officiel sur la lutte contre le décrochage, ce livre ne participe-t-il pas d’une institutionnalisation des microlycées ?
Eric de Saint-Denis avait envie de faire de ce livre un pavé dans la mare institutionnelle et un bilan. On considère que ça vaut la peine de poser les choses à ce moment précis. C’est ce que nous avons mis dans le titre : les microlycées « accueillir les décrocheurs, changer l’école ». On ne recherche pas l’institutionnalisation. Mais elle est en train de se faire. Avec ce livre on demande aussi pourquoi on ne vient pas davantage nous chercher pour partager notre expérience pour changer l’école.
Propos recueillis par François Jarraud
Nathalie Broux et Eric de Saint-Denis, Les Microlycées. Accueillir les décrocheurs, changer l’école. ESF Editeur.
Le sommaire
http://www.esf-editeur.fr/detail/804/les-microlycees.html
Article déjà publié le 17 juin 2013
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