Le Collège International de philosophie va-t-il devoir fermer ? Sa survie dépend du maintien de 4 postes administratifs permettant à 50 directrices et directeurs de programmes français et étrangers en exercice, tous bénévoles, d’assurer l’activité de la structure : 19 colloques et journées d’études, 12 débats sur des livres, 720 heures de séminaires publics et gratuits en 2013, une revue en ligne en hausse spectaculaire et des articles sans cesse plus consultés sur le site cairn.info. Une structure unique en son genre dont la survie repose sur le versement (prévu mais non assuré) d’une subvention du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Un vecteur actif de la pensée française à l’international
Fondé en 1983 par F. Châtelet, J. Derrida, J.-P. Faye et D. Lecourt, le CIPh est une structure unique en son genre. Elle se distingue d’abord des institutions universitaires par son souci de se tenir aux intersections de la philosophie et des autres disciplines de recherche, comme le rappelait le thème de l’e-book créé pour ses 30 ans, en 2013. Mais elle cultive aussi la communication permanente entre enseignants issus du secondaire, des classes préparatoires, de l’université et de la recherche, en France et à l’étranger. Sa revue trimestrielle Rue Descartes, publiée en ligne depuis 2011 connaît une progression importante : la consultation d’articles est en hausse de 46 % par rapport à 2013, avec un lectorat de plus en plus large d’un point de vue international.
Comment s’est formée la menace sur le CIPh ?
Difficile de comprendre le désengagement de l’État auprès du CIPh, en l’absence de toute volonté affichée de mettre fin à l’existence de la structure. Une évaluation, menée en 2012 à la demande de la DGRI, a conclu que « l’existence du CIPh doit être impérativement pérennisée », avec des recommandations sur les procédures de recrutement des directeurs de programmes et la diffusion des résultats de recherches, prises en compte par le CIPh. Mais le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche indique alors qu’un financement direct n’est plus possible en raison de son statut d’association loi 1901. Pour y remédier, le ministère conseille un rapprochement avec une entité plus importante. Mathieu Potte-Bonneville, président du CIPh et Barbara Cassin, présidente du conseil d’administration, trouvent un accord avec l’Université Paris Lumière pour une association qui débute à la rentrée universitaire 2013. Mais la dotation annoncée, qui doit être attribuée à l’UPL, n’est finalement pas versée, condamnant les activités du CIPh à s’éteindre par défaut de moyens.
Simple problème de gestion administrative ? Ou tentative pour économiser sur des budgets de fonctionnement sans cesse réduits ? Quoi qu’il en soit, le sabordage du CIPh pourrait bien constituer une grave erreur stratégique, aussi bien en raison de son audience et de son activité internationales que de son mode de fonctionnement essentiellement bénévole et très mobile. Laisser disparaître le CIPh, ce serait renoncer à un vivier original qui a vu se succéder parmi ses directeurs de programmes, en 30 ans, quelques-unes des plus prestigieuses signatures de la philosophie française contemporaine.
Jeanne-Claire Fumet