Alors que le dispositif « plus de maîtres que de classes » (PDM) se met en place lentement, le Snuipp publie le 29 septembre une alerte sur la caporalisme qui l’accompagne. Une situation qui était prévisible au regard des propos tenus lors de la conférence nationale du 9 avril et du rapport de l’inspection générale sur les PDM.
Institué par la loi d’orientation, le dispositif « Plus de maîtres que de classe » doit permettre de réduire l’échec scolaire dans les zones d’éducation prioritaire. Selon la circulaire d’application, » il s’agit de prévenir la difficulté scolaire, tout au long de la scolarité primaire, et d’y remédier si elle n’a pu être évitée. L’action sera prioritairement centrée sur l’acquisition des instruments fondamentaux de la connaissance (expression orale et écrite, mathématiques) et de la méthodologie du travail scolaire. » Et la loi d’orientation réserve 7 000 postes d’ici à 2017 pour permettre son déploiement là où c’est nécessaire. Mais pour le moment, à cette rentrée, on n’en est qu’à 1700 postes déployés sur le terrain. Encore 530 sont-ils la simple reconversion de dispositifs antérieurs.
Dans un communiqué, le Snuipp lance un cri d’alarme qui fait suite à la réunion du « comité de suivi le 29 septembre. « Nous sommes saisis par les équipes enseignantes qui se trouvent, dans certaines académies, soumises à des demandes fortes et pressantes de modélisation pédagogique remettant parfois totalement en cause le travail engagé jusque-là », écrit le Snuipp. Le syndicat dénonce « une nouvelle injonction pour imposer la co-intervention comme modèle indépassable sous prétexte qu’il serait celui que la recherche préconiserait ». Pour le syndicat, « les enseignants ont trop goûté ces dernières années à cette logique de la prescription magique. Il suffirait de mettre en place un dispositif d’évaluation robuste et une gouvernance serrée imposant « une manière de faire » pour que tout aille pour le mieux.. Tout cela pose clairement la question de la nature de l’accompagnement dont les équipes doivent bénéficier ».
Cette protestation n’arrive pas par hasard. La « note d’étape » du comité de suivi de juin demande « un pilotage fort » des PDM. Le rapport de l’inspection générale, publié fin juillet, va dans le même sens. « Il faut un cadrage formel, dire ce qui doit être et ne pas être », écrivent les inspecteurs qui demandent » un pilotage rigoureux à tous les échelons, de procédures de formalisation du travail en équipe, une évolution du rôle du directeur ». En avril la conférence nationale sur l’éducation prioritaire avait intronisée une pédagogie officielle assénée de façon fort peu nuancée par les experts du ministère certains de détenir la vérité.
« Au modèle du pilotage par l’évaluation permanente et l’injonction doit se substituer un accompagnement par la formation didactique et pédagogique et la confiance« , demande le Snuipp. Sur le terrain, le rapport de l’inspection montre des pratiques très diverses. Il y a « plus d’attention portée aux élèves, le plaisir et la motivation issus du travail à plusieurs, le sentiment de mieux posséder son métier. Mais aussi « les errances du préceptorat » et une longue série de pratiques pédagogiques inefficaces : » absence de travail sur les erreurs, une absence de formalisation d’une procédure efficace ; une attention pointilleuse portée à des aspects très matériels (lignes sautées, couleur des surlignages, etc.) et une négligence totale d’aspects plus fondamentaux : postures de travail des élèves, tenue du crayon et geste graphique, erreurs de copie, erreurs orthographiques… ; des pratiques qui réduisent la complexité, qui effacent les obstacles (cadrage trop fort) ; le morcellement et le sur-encadrement qui rendent l’activité intellectuelle des élèves à peu près nulle ; la facilitation et la limitation des tâches qui valorisent les aspects les plus procéduraux au détriment des dimensions patrimoniales, culturelles, cognitives, subjectives ».
François Jarraud