Par Julien Cabioch et Arnaud Brévier
Sommaire : Universités d’été Espace-Education et Mer-Education,
- 100 profs se forment au spatial
- Université d’été sur le réchauffement climatique
- Les chercheurs accueillent les enseignants une semaine
- Comment enseigner le climat ?
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1) 100 profs se forment au spatial
Du 11 juillet au 15 juillet 2014, l’Université Espace-Education à la Cité de l’Espace de Toulouse a accueilli 100 professeurs du second degré. Organisée tous les 2 ans par le Centre National d’Etudes Spatial (CNES) et l’Education Nationale, ce stage rencontre un vif succès. Vous allez comprendre pourquoi…
Sur la base des programmes en vigueur de collèges et de lycées, l’Université d’été espace éducation est prioritairement destinée aux enseignants de collèges et lycées en activités. Une formation proposée depuis 1965 par le CNES en partenariat étroit avec l’Education Nationale.
Au menu : des conférences, des ateliers méthodologiques en lien avec les technologies du spatial, des ateliers disciplinaires et co-disciplinaires, des visites techniques (Astrium, CLS et CNES) et bien-sûr des temps d’échanges, de rencontres et de convivialité.
Profil des enseignants présents cette année: 33 du collège et 67 du lycée avec 38 en Physiques-Chimie, 22 en SVT , 20 en maths et 20 en Histoire-Géographie. Un programme chargé attend les professeurs volontaires pour cette formation du vendredi 8h30 au mardi 17h30 (14 juillet inclus) pour une durée totale de 39 heures.
Rosetta et le changement climatique à l’honneur
Un accent est mis sur la sonde Rosetta qui fait route vers une comète, une première mondiale présentée par Philippe Gaudon du CNES. Puis les enseignants ont évoqué la vie dans l’Univers avec Michel Viso, exobiologiste, mais également les enjeux futurs d’Ariane 6 et la concurrence féroce dans cette industrie avec Marie-Anne Clair, directrice adjointe des lanceurs au CNES.
Le changement climatique est abordé par Jean-Louis Fellous, directeur du Comité Mondial de la Recherche Spatial ; précisant notamment les derniers rapports pessimistes du GIEC. De la théorie à la pratique : les enseignants passent alors en ateliers : traitement des images satellites avec QGIS, réalisation d’un ballon sonde avec capteurs autant de projets normalement applicables par la suite avec les élèves.
Au final, c’est une semaine relativement dense en contenu et riche en rencontres vécue par les enseignants. A noter que cette formation prévue dans le plan national de formation (PNF) a concerné 96 profs du public et seulement 4 du privé. De plus, une disparité dans le financement (hébergement, transport) est très nette selon les académies, certains en étaient pour leurs frais et d’autres totalement pris en charge. Rendez-vous en 2016 pour la prochaine université d’été.
Retours de 3 enseignants de SVT :
Quel bilan tirez-vous de cette université d’été Espace-Education ? Qu’avez-vous le plus apprécié ?
Yamina, professeure en lycée au Havre « Cette université d’été a été très riche au niveau des connaissances pures mais aussi au niveau de l’utilisation des données satellitaires avec le fameux logiciel QGIS. Pour moi, c’est un bilan très positif. »
Florent, en lycée à Haguenau « Bilan très positif. Non seulement nous avons été accueillis comme des princes, mais en plus l’équipe de formateurs nous a concocté un programme au contenu dense et travaillé. Se retrouver ainsi, entre collègues réellement motivés et reliés par un centre d’intérêt commun a été une expérience très forte car assez rare aussi. »
Soizic, en collège à Carpentras « Se retrouver entre adultes, travailler avec des collègues d’autres disciplines, développer de nouvelles connaissances et des outils dans d’autres disciplines, échanger sur des idées de projets et sur les solutions adoptées pour résoudre les problèmes rencontrés. Et puis il y la convivialité… »
Pourquoi s’être inscrit à cette formation ? La semaine a-t-elle répondu à vos attentes ?
Yamina « Je me suis inscrite à cette formation car l’astronomie m’a toujours plu et je voulais continuer à améliorer mes connaissances sur ce point. D’un point de vue professionnelle, je voulais avoir plus d’informations sur la Cité de l’Espace, et de l’aide pour mon projet « Allons sur Mars » que j’ai commencé cette année avec une classe de 2nd »
Florent « Je pratique l’astrophotographie depuis quelques temps, et je monte des ateliers Astram dès que je peux avec les élèves. Pour ne pas tourner en boucle avec toujours les mêmes ateliers, et enrichir mon panel d’activités, j’ai tout de suite postulé. Au final, le contenu a été très axé sur un même outil : QGIS et Terre Image, ce qui a bien failli me décevoir, heureusement, d’autres ateliers, vers la fin de la semaine, ont permis de recarder l’utilisation de QGIS dans un contexte plus global »
Soizic « La première fois que je me suis inscrite c’était par pure curiosité et pour le cadre. J’aime bien approcher un problème sous le regard de deux ou trois disciplines, cela correspond plus à la façon dont je veux enseigner. Un bémol le temps imparti à chaque atelier est conséquent mais toujours trop court alors ça va vite, parfois trop vite et on est frustré. »
Sur quel(s) aspect(s) avez-vous le plus progressé ? Que pensez-vous réinvestir en classe ?
Yamina « Je pense avoir progressé au niveau de la maîtrise du logiciel QGIS et des sites intéressants pour récupérer un certain nombre de données. »
Florent « Nous avons vu la richesse des banques d’informations satellitales disponibles sur internet. Elles permettent d’aborder certains thèmes sous un tout nouvel angle. J’espère pouvoir utiliser les outils en ligne dès l’année prochaine, pour diversifier mes cours ; par ailleurs je pense pouvoir proposer en club astro les montages et expériences présentés en atelier. »
Soizic « J’ai eu la chance de participer à l’atelier « Ballon » qui consiste à fabriquer une nacelle contenant des différents capteurs (température, humidité…) et à l’envoyer dans l’atmosphère grâce à un ballon. Cet atelier permet de mettre en place un vrai projet en transdisciplinarité.
J’espère bien lancer un projet ballon dans l’établissement et développer l’utilisation de site comme « earth observatory » de la NASA et d’autre et puis il y a aussi les images des pléiades que nous avons récupérées avec une licence d’utilisation pour notre établissement
Le principal atout de cette semaine passée à Toulouse c’est de regonfler les batteries et de repartir avec de nouvelles idées, de nouvelles envies et une motivation toute neuve. »
Julien Cabioch
2) Université d’été sur le réchauffement climatique
La seconde édition de l’Université d’été Mer-Education organisée par l’Institut Universitaire Européen de la Mer a rassemblé une soixantaine d’enseignants du second degré à Brest du 25 au 28 août 2014. Le thème de la semaine de formation était le réchauffement climatique avec une vingtaine de chercheurs présents la semaine notamment la paléo climatologue Valérie Masson-Delmotte.
Des enseignants de toute la France ont fait le déplacement à la pointe de la Bretagne. A noter même la présence de professeurs de Mayotte et du Bénin venus échanger sur le réchauffement climatique. Plusieurs conférences ont posé la problématique de la semaine avec notamment Christophe Bonneuil, historien des sciences au CNRS, Valérie Masson-Delmotte du CEA et Olivier Arzel, océanographe à IUEM. Les enseignants ont épluché les derniers rapports du GIEC avant de travailler en atelier. Cette année encore, trois parcours sont proposés : la mousson africaine, le changement climatique en Arctique ou la simulation des océans.
Même si la majorité des enseignants présents exercent les Sciences de la Vie et de la Terre, toutes les matières sont représentées dans cette formation qui se veut véritablement pluri disciplinaire. L’objectif principale est « l’immersion des professionnels de la pédagogie dans le monde de la recherche » .Mais à moyen terme, la formation a également pour but de favoriser des projets pédagogiques en lien avec les laboratoires de recherche. Ce sera surement le cas avec les nombreux logiciels de simulation présentés : FishBanks, logiciel qui permet de gérer le stock de poisson, BathTub pour visualiser les conséquences du variation du taux de CO2 ou encore DaisyWorld sur l’albédo. Des visioconférences sont organisées avec le continent africain durant laquelle les chercheurs présents sur le terrain expliquent leurs travaux.
Le traitement médiatique du changement climatique est également soulevé par Jade Lindgaard, journaliste à Médiapart. A cet effet, de nombreux échanges ont lieu entre les enseignants sur la perception des élèves des sciences du climat (lien en fin d’article).La semaine conviviale autour de buffets bretons et restaurants brestois s’achève par une visite des coulisses d’Océanopolis et une présentation des offres pédagogiques du célèbre aquarium marin. Au final, ces enseignants formés pendant leurs propres vacances partent de Brest avec plein d’idées à mettre en œuvre, peut-être d’ailleurs dès cette année scolaire. La prochaine conférence climat aura en effet lieu à Paris en décembre 2015 et le ministère de l’Education Nationale dans le BO de rentrée sollicite vivement les établissements scolaires à s’y impliquer.
Julien Cabioch
Quelques retours des enseignants présents à l’université d’été
Quel bilan tirez-vous de cette université d’été Mer-Education ? Qu’avez-vous le plus apprécié ?
Mireille, professeure documentaliste en lycée, Lyon « Un bilan contrasté; j’ai découvert qu’il ne suffit pas d’être compétent dans un domaine précis pour transmettre sa passion. En revanche, ceux qui ont réellement envie de faire partager y réussissent excellemment. J’ai apprécié la convivialité et la découverte de sujets qui m’étaient étrangers comme la mousson africaine. J’ai adoré la visite d’Océanopolis. »
Marie-Pierre, professeure de physique-chimie au lycée, Bordeaux « un bilan très positif, j’ai particulièrement apprécié la conférence de Christophe Bonneuil sur l’évènement anthropocène qui m’a donné un point de vue intéressant sur les conséquences des activités humaines ainsi que le débat avec Jade Lindgaard. Le volet sciences humaines est ce qui me manque pour intéresser et enrichir le questionnement des élèves. »
Cécile, professeure de SVT au lycée, Nantes « Bilan plus que positif. Mon but est atteint : rechercher une mise à jour de connaissances sur le thème des climats et de leur évolution. Le plus appréciable, pour moi, a été l’entente cordiale qui a régné entre les enseignants et les chercheurs ou universitaires ou autres intervenants. Des échanges sans langue de bois, sur des sujets motivants pour tous. Un souci d’apporter ses connaissances, ses tuyaux à chaque interlocuteur. »
Pourquoi s’être inscrit à cette formation ? La semaine a-t-elle répondu à vos attentes ?
Mireille « Parce que la Bretagne, pour changer d’air, d’ère, d’aire…Parce que le thème: changement climatique qui m’a permis d’actualiser mes connaissances et pour essayer de trouver un angle d’attaque qui intéresse mes collègues: en tant que documentaliste, je propose des thèmes, des expos et d’autres projets. »
Marie-Pierre : « Je me suis inscrite car le thème m’intéresse beaucoup et j’avais de très bons souvenirs de la précédente édition. Les conférences et ateliers ont répondu à mes attentes, il faut maintenant que j’approfondisse et explore les pistes soulevées. »
Cécile : « Parce que j’enseigne les SVT en TS spécialité et que le thème des climats y est abordé sur un tiers du temps annuel. Et le climato scepticisme me posait question : quels étaient les arguments de ces individus pour parvenir à aborder de telles notions…. Réponse trouvée. Cette semaine s’est merveilleusement déroulée : stimulation intellectuelle quasiment quotidienne, diversité des thèmes abordés et des techniques utilisées. »
Sur quel(s) aspect(s) avez-vous le plus progressé ? Que pensez-vous réinvestir en classe ?
Mireille « Une formation quelle qu’elle soit est toujours une mini remise en cause personnelle; cela m’a donné envie de m’améliorer dans la culture scientifique. Certaines interventions étaient comme un voyage, faisaient rêver, les instruments (balises, thermomètres…), un vrai cabinet de curiosités. »
Marie-Pierre : « j’ai progressé sur le plan des connaissances en sciences humaines. J’espère pouvoir réinvestir en classe en TPE (inciter les élèves à choisir des thèmes en relation avec les sujets abordés et ce que j’ai appris me permettra, j’espère, de les convaincre), peut-être aussi en accompagnement personnalisé, en utilisant ce thème du dérèglement climatique comme fil conducteur. »
Cécile : « L’ouverture d’esprit. Un tel stage m’a permis de constater que la soif de connaissances ne s’étanche pas, que l’utilisation de termes appropriés, d’exemples concrets, de données chiffrées fiables ne peuvent que contribuer à une bonne dispersion des idées sur le changement climatique. J’aimerais réinvestir cette ouverture à mes élèves. De même que le fait d’un discours dit « scientifique » s ‘appuie sur des faits chiffrés, vérifiés sans cesse. Ce que je pense le plus réinvestir sera l’utilisation du logiciel Simclimat, particulièrement efficace à modéliser les futurs changements, de façon à tenter d’aboutir à cette idée : c’est à l’échelle de chacun qu’il faut agir mais leur faire prendre conscience également qu’il y a des « décideurs et que ce sont ces personnes qu’il faut toucher. »
« Ce stage m’aura boosté pour la rentrée. Ces moments de détente, d’échanges, d’impression de vivre dans un monde parallèle n’ont pas leur pareil pour déconnecter d’une réalité professionnelle parfois sclérosante et sans empathie pour l’autre. N’ayant jamais fait d’ethnologie, j’ai été surprise et très intéressée par les comportements de chacun. Une mention spéciale à A. Hubert pour la gestion du groupe. Je n’ai pas senti une personne à l’écart. Jamais un sans faute, toujours à l’écoute, une motivation sans égale qui devient vite contagieuse. »
En savoir plus
Article sur Médiapart « CO2 et climat : galères de profs »
Infos pratiques
Budget par professeur : 50 euros. Le reste est financé par le LabexMer et ses partenaires
Du lundi 9h00 au vendredi 12h
Repas et logement compris
28 heures de formation
3) Les chercheurs accueillent les enseignants une semaine
Rencontre avec Anne-Marie Tréguier, chercheur au CNRS, nouvelle directrice de l’Institut Universitaire Européen de la Mer et responsable de l’université d’été Mer-Education. Quel bilan de cette édition 2014 ? Comment se prépare une telle semaine de formation ? Quels retours des projets pédagogiques mis en place l’année suivante ?
La seconde édition des universités d’été Mer-Education s’est clôturée le 28 août 2014. Quel est votre bilan à la fin du stage ?
Cette deuxième édition a été encore plus passionnante que la première! La diffusion de l’information a été meilleure et davantage d’enseignants se sont inscrits, certains venant de loin: du Bénin, et du Luxembourg. Le plaisir de ces rencontres entre enseignants et chercheurs, autour des sciences de la mer et du littoral, nous donne envie de continuer!
Le réchauffement climatique était abordé dans cette formation. Pourquoi ce choix cette année ?
Le réchauffement global et le changement climatique sont des bouleversements planétaires qui motivent beaucoup de recherches que nous menons: les océans absorbent de la chaleur et du dioxyde de Carbone, ils s’acidifient et s’appauvrissent en oxygène, la montée du niveau de la mer est un risque pour les zones côtières très peuplées, les écosystèmes marins évoluent rapidement… Le changement du climat, dû à l’activité humaine, est un problème grave pour le futur de nos sociétés et qui a donc une grande place dans les programmes d’enseignement des lycées et collèges. Enfin, l’année 2015 sera celle de la conférence Paris Climat, et à cette occasion les enseignants seront amenés à parler davantage du climat dans leurs classes.
Les enseignants assistent à des conférences et peuvent échanger entre-autre avec Valérie Masson-Delmotte, paléo climatologue bien connue et Jade Lindgaard, journaliste spécialisée sur le climat à Médiapart. Est-ce difficile de convier ces intervenants à Brest ? Comment avez-vous déterminé les chercheurs présents au cours de la semaine ?
Nous avons préparé l’université en collaboration avec l’Institut Paul-Simon Laplace (IPSL) à Paris, un haut lieu de la recherche sur le climat en France. L’IPSL a accueilli notre proposition avec enthousiasme. Nous sommes très heureux que Valérie Masson Delmotte, qui a par ailleurs beaucoup d’obligations en tant qu’auteur du rapport du GIEC et membre de nombreux conseils, aie accepté de venir passer la semaine avec nous à Brest en compagnie de deux autres chercheurs de l’IPSL et de Météo-France. Il y a toujours dans le public un déni de l’explication scientifique du réchauffement climatique en cours, nous ne pouvions donc pas éluder le dialogue avec les médias. Jane Lindgaard n’a pas été difficile à convaincre. Les chercheurs Brestois ont participé en fonction du thème et de leur disponibilité. Par exemple, dès qu’un chercheur a proposé un parcours sur la mousson Africaine, plusieurs collègues de l’IRD (Institut de recherches pour le développement) travaillant sur l’océan et le climat Africain se sont portés volontaires pour y participer.
L’université se veut pluridisciplinaire et en lien avec les programmes scolaires dans le but de créer des projets pédagogique à l’issue de la formation. Quelles ont été vos priorités dans la construction des parcours proposés ? Avez-vous des exemples de projets menés suite à la première édition de Mer-Education sur le risque côtier en 2013 ?
Pour construire les parcours nous cherchons à immerger les enseignants dans la science « en train de se faire » en proposant différents ateliers permettant de comprendre, de découvrir et d’expérimenter différentes activités des chercheurs tout en mettant en avant ce qui pourrait être transposable dans les classes au niveau des enseignements disciplinaires et dans le cadre de projets pédagogiques. Ce n’est pas facile, ce n’est pas parfait, mais il faut souligner l’implication formidable des chercheurs qui y contribuent ! Suite à la première édition en 2013, certains enseignants ont créé des nouveaux TP et des cours directement en lien avec ressources et activités de l’université d’été.
Une enseignante de biologie en collaboration avec un collègue de mathématiques a participé avec sa classe de 1ère S aux concours « C.Génial » et « Faites de la science » (projet qualifié pour la finale nationale à Montpellier). Le sujet choisi « Attention au bloom! … Recherche des causes éventuelles de blooms sur le littoral vendéen. Cultures expérimentales et modélisations mathématiques » était un réinvestissement interdisciplinaire du parcours risques phytoplanctons toxiques proposé par Annie Chapelle.
Bientôt 2015, avez-vous déjà des pistes sur les thèmes abordés l’an prochain ? Le format restera-t-il identique ?
Le format séduit, il restera donc identique. Une évaluation sera menée après les trois premières éditions pour voir s’il faut le modifier Nous avons plusieurs idées de thèmes, le choix pour l’édition 2015 sera fait dans le mois qui vient.
Quelques mots sur votre parcours et votre engagement dans la diffusion des connaissances. Quels souvenirs avez-vous de l’enseignement des Sciences de la Vie et de la Terre (ou sciences naturelles) lors de vos années collège et lycée ? Comment s’est construite cette vocation scientifique au cours de ces années ?
Ma vocation scientifique date de l’école primaire et des visites que j’ai eu l’occasion de faire au Palais de la découverte, aux journées portes ouvertes d’Ifremer ou à l’usine marémotrice de la Rance. Au lycée j’ai surtout aimé la physique, et l’enseignement des principes fondamentaux comme les lois de Newton. D’autres sciences, comme la géologie ou la biologie, me semblaient à l’époque présentées de manière plus descriptive.
Propos recueillis par Julien Cabioch
4) Comment enseigner le climat ?
Comment enseigner les sciences du climat en classe ? Que pense une paléoclimatologue sur l’enseignement du climat en France ? Comment se construit une vocation de chercheur ? Alors que le réchauffement climatique revient au devant de la scène, Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue française, ingénieure au Commissariat à l’Energie Atomique impliquée au GIEC et dans la diffusion des connaissances grand public sur le climat, évoque l’enseignement du climat et el métier de chercheur.
Vous êtes intervenue lors de l’université d’été Mer-Education sur le réchauffement climatique. Quel bilan dressez-vous de cette semaine en immersion avec 56 enseignants du second degré ?
C’était une belle occasion d’échanges, autour de nombreux sujets. J’espère que cela a permis de décrypter les méthodes de travail dans les laboratoires. Cela m’a beaucoup fait réfléchir sur la manière de transmettre nos connaissances vers les jeunes, et j’ai particulièrement été intéressée par les l’apprentissage par les jeux, lors des ateliers. Il y avait une qualité d’attention lors de cette université d’été qui est rare. J’espère que ce type d’initiative pourra être poursuivi et élargi, par exemple dans le cadre de l’Institut Pierre Simon Laplace. On pourrait aussi y associer les médiateurs qui interviennent dans le milieu scolaire et péri-scolaire (« Petits Débrouillards » par exemple).
L’enseignement des sciences du climat n’est véritablement abordé qu’au lycée et plus précisément en terminale scientifique spécialité SVT. Le gouvernement annonce la révision des programmes pour le collège dans 2 ans. Préconisez-vous d’aborder la thématique climat au collège dans le programme commun ? Sous quelle forme ?
Les nouveaux programmes de lycée ne permettent pas de construire un enseignement cohérent sur les sciences du climat, sauf en spécialité de terminale scientifique SVT, effectivement. Ce serait utile d’avoir une approche transverse entre disciplines, pour aborder différentes facettes du changement climatique (histoire-géographie, physique, exercices en mathématiques, économie, par exemple). Il me semble important qu’il y ait une cohérence entre les connaissances de base et l’application au climat (par exemple, il faut avoir abordé les transferts de rayonnement pour pouvoir parler d’effet de serre). Pourquoi ne pas mettre en place un enseignement en fin de collège (4ème et 3ème), et une épreuve de type « développement durable » au brevet, comme il y a une épreuve d’histoire des arts ?
Les derniers rapports du GIEC ne soulignent pas d’amélioration, pis les concentrations de CO2 en 2012 dépassent les pires scénarios envisagés dans les années 2000. A travers ces annonces peu encourageantes, le risque de tomber dans un rôle moralisateur et pessimiste est réel. Quelle posture avoir en tant qu’enseignant ?
Il est possible d’aborder d’une part les sciences du climat (méthodes, évolutions passées, notion de modélisation, rétroactions…), et d’autre part les enjeux complexes posés, au niveau international, pour maîtriser le changement climatique. Ensuite, il est indispensable d’aborder des exemples concrets de solutions et d’innovations qui existent pour la transition énergétique, dans tous les domaines (efficacité énergétique, bâtiment, transports, agriculture, organisation sociale…), et pour l’adaptation au changement climatique (avec quelques exemples pour différents secteurs/régions).
La prochaine conférence sur le climat aura lieu à Paris en décembre 2015. La circulaire de cette rentrée de l’Education-Nationale préconise un investissement important des écoles et établissements du second degré pour ce temps-fort. Avez-vous des pistes de travail à fournir aux professeurs ?
L’objectif de cette conférence importante sur le climat est de construire un chemin qui permette d’éviter les dangers d’un changement climatique non maîtrisé, pour les jeunes générations. C’est certainement aussi une opportunité pour expliquer le fonctionnement des institutions internationales comme les Nations Unies, et son programme cadre pour l’environnement, et tout l’exercice des négociations entre pays pour convenir d’une feuille de route commune. Parmi les pistes de travail, certains ont proposé l’organisation de débats citoyens parmi les élèves, pour lesquels au préalable il faut avoir fourni des connaissances essentielles. Cela pourrait aussi être une opportunité d’échanges entre établissements et élèves de différents pays, une occasion de dialogues pour comprendre les points de vue des uns et des autres. Enfin, les projets d’établissement, concrets, peuvent aussi montrer l’exemple à travers des réalisations concrètes. Cela peut aussi l’être l’occasion de susciter des rencontres avec des intervenants d’horizons différents et qui apportent chacun un éclairage à la fois sur cette conférence climat, et sur différents métiers liés à ces enjeux. A l’initiative de collègues de Toulouse, nous envisageons d’organiser un « CLIMATOUR » en train, dans différentes régions de France, en octobre 2015. Cela permettrait d’organiser des rencontres avec les enseignants, les élèves, le grand public…
Quelques mots sur votre parcours et votre engagement dans la diffusion des connaissances. Quels souvenirs avez-vous de l’enseignement des Sciences de la Vie et de la Terre (ou sciences naturelles) lors de vos années collège et lycée ? Comment s’est construite cette vocation scientifique au cours de ces années ? Et pourquoi le climat ?
J’ai fait mes études à Nancy, en Lorraine, jusqu’au lycée, avec un bac scientifique (maths-physiques) et des classes préparatoires (option physique), puis intégré l’Ecole Centrale de Paris, et fait le choix d’un DEA en physique des fluides et des transferts, puis un stage et un doctorat au CEA sur l’étude des climats passés. J’ai donc dû acquérir beaucoup de notions de SVT par moi-même à ce moment-là (tout ce qui touche aux climats passés).
J’ai plusieurs souvenirs marquants, par exemple à l’école primaire, lorsque pour la première fois en CM2 nous avons fait un « projet de classe » sur les volcans. Au collège, j’ai été marquée par des vacances passées dans un camping au bord d’un lac de Lorraine, avec un ami de mes parents qui était justement enseignant de SVT et m’a expliqué beaucoup de choses sur ce qui nous entourait. Enfin, j’ai eu la chance de découvrir l’archéologie avec un voisin qui était un amateur passionné et passionnant. Pour les cours de SVT, je me souviens surtout des sorties pour observer l’écosystème d’une forêt, ou les coupes géologiques du relief lorrain. Malheureusement, le dégoût profond que j’éprouvais lors des TP de dissection m’avait totalement découragée de faire des études de médecine ou de biologie.
De nombreuses matières m’intéressaient et le choix des études scientifiques est venu d’une envie de mieux comprendre le monde. J’ai toujours aimé rêver en regardant les nuages, et le déclic pour le climat est venu au lycée, à la lecture de magazines de vulgarisation scientifique qui relayaient de grands résultats issus de l’étude des climats passés, ou le début de la modélisation de l’effet de serre et des changements climatiques possibles. Mes professeurs de classe préparatoire m’avaient déconseillé de passer le concours de l’école de la météorologie… mais j’ai persévéré dans cette direction, par des voies détournées ! En reprenant plus tard ces magazines de vulgarisation, j’ai trouvé les coordonnées de chercheurs interrogés, qui m’ont très chaleureusement accueillies. Le hasard des possibilités de stage et de thèse m’a permis d’arriver dans le laboratoire où j’ai travaillé au cours des derniers 21 ans.
Propos recueillis par Julien Cabioch
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