La première phase des élections professionnelles au sein du Ministère de l’Education nationale étant terminée, il est désormais acquis que 17 listes participeront à l’élection au Comité technique ministériel de l’Education nationale.
Afin d’éclairer votre choix nous allons, en ce début de vacances d’automne, étudier plus en détail les dispositions du décret n°82-447 du 28 mai 1982 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique.
« Article 1 : Les conditions d’exercice du droit syndical par les agents publics dans les administrations de l’Etat et dans les établissements publics de l’Etat ne présentant pas un caractère industriel et commercial sont déterminées par le présent décret.
Article 2 : Les organisations syndicales déterminent librement leurs structures dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, à charge pour les responsables de ces organisations d’informer l’administration. »
La liberté n’est jamais totale y compris pour les organisations syndicales qui doivent respecter les dispositions législatives et réglementaires et informer l’administration.
Mais, la Loi est parfois lacunaire et « omet », quelquefois, de prévoir les sanctions à certaines obligations légales.
Du coup, certaines organisations syndicales, qui se prétendent démocratiques et transparentes, en profitent pour passer outre leurs obligations légales. C’est dommage…
« Article 3 L’administration doit mettre à la disposition des organisations syndicales les plus représentatives dans l’établissement considéré, ayant une section syndicale, un local commun aux différentes organisations lorsque les effectifs du personnel d’un service ou d’un groupe de services implantés dans un bâtiment administratif commun sont égaux ou supérieurs à cinquante agents. Dans toute la mesure du possible, l’administration met un local distinct à la disposition de chacune de ces organisations. L’octroi de locaux distincts est de droit lorsque les effectifs du personnel d’un service ou d’un groupe de services implantés dans un bâtiment administratif commun sont supérieurs à cinq cents agents. Dans un tel cas, l’ensemble des syndicats affiliés à une même fédération ou confédération se voient attribuer un même local.
Les locaux mis à la disposition des organisations syndicales les plus représentatives sont normalement situés dans l’enceinte des bâtiments administratifs. Toutefois, en cas d’impossibilité, ces locaux peuvent être situés en dehors de l’enceinte des bâtiments administratifs. L’administration supporte, le cas échéant, les frais afférents à la location de ces locaux.
Les locaux mis à la disposition des organisations syndicales comportent les équipements indispensables à l’exercice de l’activité syndicale.
Lors de la construction ou de l’aménagement de nouveaux locaux administratifs, l’existence de locaux affectés aux organisations syndicales doit être prise en compte.
Certains mots sont d’importance : « représentatif » par exemple…
En effet, ce n’est pas parce qu’une organisation syndicale existe qu’elle est nécessairement représentative. C’est souhaitable puisque le contraire conduirait immanquablement à des abus.
Cette représentativité ressort des résultats aux diverses élections professionnelles auxquelles vous, électeurs, participez. C’est pourquoi, votre vote influe directement sur les moyens des organisations syndicales et donc sur leur capacité d’action.
« Article 4 Les organisations syndicales peuvent tenir des réunions statutaires ou d’information à l’intérieur des bâtiments administratifs en dehors des horaires de service. Elles peuvent également tenir des réunions durant les heures de service mais dans ce cas seuls les agents qui ne sont pas en service ou qui bénéficient d’une autorisation spéciale d’absence peuvent y assister.
Article 5 Les organisations syndicales les plus représentatives sont en outre autorisées à tenir, pendant les heures de service, une réunion mensuelle d’information. La durée de cette dernière ne peut excéder une heure.
Chacun des membres du personnel à le droit de participer, à son choix, à l’une de ces réunions d’information.
Un arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique, du ministre de l’éducation nationale et du ministre chargé du budget fixe les modalités d’application du présent article pour les agents relevant du ministère de l’éducation nationale. »
On touche là à une des premières conséquences de la « représentativité » ou non des organisations syndicales.
En effet, chacun sait qu’il est plus facile aux enseignants de se rendre aux réunions d’information syndicales sur le temps de service, qu’à la pause de midi ou en fin d’après-midi.
C’est indéniablement un atout des organisations syndicales majoritaires pour préserver ou renforcer leur audience auprès des personnels de l’Education nationale.
« Article 11 Les fonctionnaires chargés d’un mandat syndical qui en font la demande sont placés en position de détachement en application des dispositions des articles 1er (9) et 5 du décret n° 59-309 susvisé.
Des autorisations spéciales d’absence ou des décharges d’activité de service peuvent être accordées, dans les conditions définies aux articles 12, 13, 14, 15 et 16 ci-après, aux agents chargés d’un mandat syndical afin de leur permettre de remplir les obligations résultant de ce mandat.
Article 13 La durée des autorisations spéciales d’absence accordées en application de l’article précédent à un même agent, au cours d’une année, ne peut excéder dix jours dans le cas de participations aux congrès des syndicats nationaux, des fédérations et des confédérations de syndicats. Cette limite est portée à vingt jours par an lorsque cet agent est appelé à participer aux congrès syndicaux internationaux ou aux réunions des organismes directeurs des organisations syndicales internationales, des syndicats nationaux, des confédérations, des fédérations, des unions régionales et des unions départementales de syndicats.
Article 15 Sur simple présentation de leur convocation à ces organismes, les représentants syndicaux appelés à siéger au conseil supérieur de la fonction publique, au sein des comités techniques et des commissions administratives paritaires, des comités économiques et sociaux régionaux, des comités d’hygiène et de sécurité, des groupes de travail convoqués par l’administration, des conseils d’administration des organismes sociaux ou mutualistes et des conseils d’administration des hôpitaux et des établissements d’enseignement, ou appelés à participer aux réunions organisées par l’administration se voient accorder une autorisation d’absence. La durée de cette autorisation comprend, outre les délais de route et la durée prévisible de la réunion, un temps égal à cette durée pour permettre aux intéressés d’assurer la préparation et le compte rendu des travaux. »
Les représentants syndicaux sont, souvent, amenés à se rendre à des réunions de travail avec l’administration ; il est donc normal qu’ils disposent d’autorisations d’absence pour ce faire.
Parfois, ce principe est mal compris dans les établissements, tant par les collègues que par les Chefs d’établissement. C’est regrettable, puisque c’est l’application du principe constitutionnel « 6. Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix. ».
L’action syndicale ne se limite pas à l’organisation de grèves ou de manifestations qui ne devraient être que la conséquence de discussions vaines avec l’administration.
Elle est également, elle devrait être, la négociation et la prévention des conflits sociaux.
C’est pour cela qu’il y a des autorisations d’absences.
« Article 16 Un contingent global de décharges d’activité de service est fixé chaque année par ministère. Il est calculé par application du barème ci-après :
Une décharge totale de service par 350 agents pour les effectifs ne dépassant pas le chiffre de 25.000 agents ;
Une décharge totale de service par 375 agents pour les effectifs compris entre 25.001 agents et 50.000 agents ;
Une décharge totale de service par 400 agents pour les effectifs compris entre 50.001 agents et 100.000 agents ;
Une décharge totale de service par 425 agents pour les effectifs compris entre 100.001 agents et 150.000 agents ;
Une décharge totale de service par 450 agents pour les effectifs compris entre 150.001 agents et 200.000 agents ;
Une décharge totale de service par 500 agents pour les effectifs compris entre 200.001 agents et 300.000 agents ;
Une décharge totale de service par 1.000 agents pour les effectifs compris entre 300.001 agents et 450.000 agents ;
Une décharge totale de service par 1.500 agents pour les effectifs compris entre 450.001 agents et 600.000 agents ;
Une décharge totale de service par 2.000 agents pour les effectifs dépassant 600.000 agents.
Les effectifs pris en compte comprennent les agents titulaires et non titulaires des services centraux et extérieurs des ministères et des établissements publics placés sous la tutelle de ces ministères.
Les décharges de service sont attribuées par ministère.
Le contingent de décharges de service est réparti entre les organisations syndicales compte tenu de leur représentativité.
Les organisations syndicales désignent librement parmi leurs représentants les bénéficiaires de décharges de service. Elles en communiquent la liste au ministre lorsque ces décharges ont été attribuées au niveau national, ou au chef de service intéressé, dans le cas où elles ont été accordées localement. Dans la mesure où la désignation d’un agent se révèle incompatible avec la bonne marche de l’administration, le ministre ou le chef de service invite l’organisation syndicale à porter son choix sur un autre agent. La commission administrative paritaire compétente doit être informée de cette décision.
Chaque fédération syndicale de fonctionnaires représentée au conseil supérieur de la fonction publique a droit à un nombre de décharges de service à caractère interministériel fixé, compte tenu du nombre de sièges dont elle dispose à ce conseil, par un arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget. »
C’est le Saint Graal après lequel courent pratiquement toutes les organisations syndicales : les décharges de service pour activité syndicale.
Mais, il est vrai que, considérant le coût moyen d’une décharge de service, que l’on peut raisonnablement estimer à 50.000,00 euros par an, et le nombre de décharges au ministère de l’Education nationale, à peu près 1900 annuellement, le total de l’avantage en nature à se partager se monte à la modique somme de 400 millions d’euros sur 4 années..
Le mouvement des « Bonnets rouges » ayant démontré le peu d’influence des syndicats traditionnels dans un mouvement populaire, somme toute, assimilable à une jacquerie, c’est, apparemment, le prix à payer pour préserver le dialogue, et la paix, social au ministère de l’Education nationale.
« Article 19 Les droits en matière d’avancement d’un fonctionnaire bénéficiaire d’une décharge totale d’activité pour l’exercice d’un mandat syndical sont appréciés, durant la période où l’intéressé demeure dans cette situation, par référence à ceux d’un membre du même corps ayant à la date de l’octroi de la décharge d’activité une situation équivalente à celle de l’intéressé et ayant bénéficié d’un avancement moyen depuis cette date. »
Cet article du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique reprend les dispositions de l’article 59 de la n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat : « L’avancement des fonctionnaires bénéficiant, pour l’exercice de mandats syndicaux, d’une décharge d’activité de service accordée pour une quotité minimale de temps a lieu sur la base de l’avancement moyen des fonctionnaires du corps auquel les intéressés appartiennent. Un décret en Conseil d’Etat détermine les modalités d’application du présent article. »
Ainsi, au contraire de ce que dit la légende urbaine, les délégués syndicaux en décharge de service pour activité syndicale totale ne bénéficient pas de promotions d’échelon ou de grade plus rapides. Leur avancement est un « avancement moyen », c’est-à-dire, un avancement au choix ou à la moyenne d’ancienneté de service lors des promotions au grade supérieur.
Le seul avantage auquel les délégués syndicaux, déchargés ou non, peuvent prétendre se limite donc aux dispositions de l’article 15 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, soit la prise en compte au titre des acquis de l’expérience professionnelle des compétences acquises dans l’exercice d’un mandat syndical.
Laurent Piau
Laurent Piau, juriste, est l’auteur de l’ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF
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