Rien de tel avant de commencer son année scolaire ou académique que de se rendre en Ariège pour assister à Ludovia et son Université d’été. Non seulement vous prenez le plein de vitamines (et de bonnes résolutions) pour votre rentrée, mais vous avez l’occasion, surtout en venant régulièrement, d’observer les tendances et les acquis du numériques en milieu scolaire. Tour d’horizon subjectif de cette 11ème édition intitulée « Numérique et éducation, entre consommation et création ».
Commençons par l’état d’esprit général de cette édition, très bien résumé par Eric Fourcaud, cheville ouvrière de la manifestation :
«Pour cette 11ème édition « Anniversaire« , les qualificatifs de Foires, de Souks ont été évoqués, certains blogueurs ont même parlé de Ludovia comme le «Woodstock du numérique et de l’éducation». Au delà des efforts de structuration de l’événement qui se prépare pendant plus de 6 mois, le « OFF » de Ludovia devient en effet de plus en plus présent et productif : les participants investissent la ville, et qui n’aperçoit pas un groupe d’enseignants installés sur une terrasse de café, sur un banc, allongés dans le parc en train de discuter éducation, numérique, encore et encore…» [1]
Pour sa part, Bruno Devauchelle a également comparé Ludovia, sur le Café Pédagogique, aux grandes foires du Moyen Âge :
«Si nous faisons allusion ici aux grandes foires du Moyen Âge, c’est parce que la forme de Ludovia est assez proche par certains aspects de ce que furent jadis c’est moments importants de la vie sociale, culturelle, économique, technique et intellectuelle.» [2]
Personnellement, j’ajouterai qu’en suivant plus particulièrement les FabCamps/FabLab et ExplorCamps, la pédagogie mis en œuvre par les participants était de plus en plus orientée vers les pédagogies actives (socioconstructivisme, pédagogie de projet, projet collaboratifs, etc.) pour lesquels l’emploi du numérique apporte une plus-value certaine.
A cet égard, la démarche de classe inversée présentée par Marie Soulié méritait le détour. En effet, très souvent, les démarches de classe inversée ne sont qu’une forme renouvelée de cours magistral où les capsules vidéos remplacent la magistralité professorale. Dans son utilisation de la classe inversée, Marie Soulié produit des capsules vidéos de 1 minute à 1 minute trente que les élèves consultent hors la classe, non pas pour faire cours, mais pour «mettre en bouche» les élèves et éveiller leur curiosité. Marie accompagne la capsule vidéo d’un formulaire de consultation en ligne. Le formulaire ne comporte que deux questions (de quoi parle la capsule ? si tu as des interrogations, tu peux me les poser tout de suite). Cette manière de procéder permet à Marie de préparer la séquence en classe. En classe, Marie Soulié fait travailler les élèves en groupe (par îlots) sur des tâches complexes. Au final, Marie Soulié leur demande de réaliser un petit film d’animation (ou un Podcast) d’une durée maximum de 90 secondes. La production ainsi réalisée permet de vérifier l’acquisition de la notion ou de la compétence par l’élève.
Dans la démarche de classe inversée de Marie, il est fondamental de noter qu’à la base c’est un constat pédagogique qui a été posé. Elle a d’abord eu la volonté de modifier sa démarche pédagogique ou en trouver de nouvelles pour compléter sa panoplie d’enseignante. Ceci d’une part pour évoluer professionnellement, mais également tenir compte des besoins et spécificités de ses élèves. [3]
L’autre élément que je relève est la place de plus en plus importante prise par l’utilisation des tablettes. Les comptes rendus de certaines de ces expériences offrent des exemples fort intéressants réutilisables en classe d’histoire comme la création d’un journal de sortie scolaire. Dans les exemples ariégeois, l’utilisation des tablettes a permis de proposer des apprentissages personnalisés aux élèves, basés sur une pédagogie différenciée et une pédagogie de projet. Au final, les tablettes ont développé la créativité des élèves, présentent des avantages accrus pour les élèves en difficulté, améliorent leurs compétences en informatiques, favorisent les performances des élèves et permettent aux élèves de présenter des travaux embellis. Du côté de l’enseignant, ceux-ci mettent en œuvre des stratégies d’enseignement plus variées et la tablette facilite l’évaluation des élèves. [4]
Géolocalisation et réalité augmentée sont deux autres facettes du numérique particulièrement adaptées à l’enseignement de l’histoire à l’honneur lors de celle édition de Ludovia et sur lesquelles je conclurai cette chronique.
C’est ainsi qu’Anne Delannoy et Marion Sablayrolles, professeure documentaliste et enseignante histoire-géographie Ariège, ont présenté leur démarche « Utiliser la réalité augmentée pour enrichir une exposition sur la 1ère Guerre Mondiale ». Dans le cadre des commémorations de la 1ère Guerre mondiale, des élèves de 3ème ont réalisé une collecte d’objets de la Première Guerre mondiale dans leur entourage (obus sculptés, médailles, cartes postales, lettres, armes, etc.) et monté une exposition dans la galerie du collège à partir de ces objets et de leurs travaux de recherche documentaires. Des récits de vie des soldats ariégeois ont ainsi été reconstruits. Pour accompagner l’exposition et expliquer les objets, les élèves ont produit des annotations et commentaires au format numérique grâce aux tablettes (vidéo, diaporama et voix, animation). Chaque objet contenant du contenu enrichi était signalé aux visiteurs par un pictogramme. L’utilisation de la réalité augmentée posait la question de la production : comment restituer un travail d’histoire et le valoriser. Ici le numérique permettait donc la création d’un discours et amenait à une réflexion sur le sens de ce discours [5]
Pour sa part, Antoine Gouritin, enseignant à l’Université de Rennes en Médiation du patrimoine et stagiaire chez GuidiGO, présentait un jeu historique géolocalisé en 9 étapes consacré à la ville de Rennes et intitulé « A la recherche de Jeanne dans le Rennes médiéval ». Le jeu a été réalisé par des élèves de CE2-CM1 (8-9 ans) à l’aide d’une plate-forme en ligne (GuidiGO) dédiée jusque-là à la réalisation de visites interactives pour les musées ou d’autres organismes. Désormais, le jeu est disponible gratuitement sur l’Applestore et sur Google Play. Concrètement, le projet collectif « A la recherche de Jeanne dans le Rennes médiéval » a fait appel à des compétences pluridisciplinaires : recherches historiques, rédaction, dessin, enregistrement audio, utilisation de l’informatique, travail d’orientation… Aidés de leur professeur et des historiens de l’association Men Ha Houarn, les enfants se sont impliqués dans ce travail créatif avec beaucoup de sérieux et d’enthousiasme tout au long des 2 mois qu’a duré le projet. Il est à relever que les aspects purement numériques, soit l’édition en ligne, n’occupent qu’une part restreinte de l’activité et de la démarche pédagogique. L’autre point à relever est le temps très court qui a été nécessaire pour réaliser le jeu.
La grande force de ce projet est qu’il aboutit à une réalisation concrète disponible en ligne pour tout en chacun. La part prise par le numérique est relativement modeste, mais fondamentale puisque c’est lui qui permet la diffusion hors la classe du produit réalisé par les élèves. L’outil choisit est très facilement pris en main par les élèves (absence d’obstacle technique). Enfin le produit final permet également l’échange et une modification de la relation entre les élèves et leurs parents [6].
Lyonel Kaufmann, Professeur formateur, Didactique de l’Histoire, Haute école pédagogique du canton de Vaud, Lausanne (Suisse)
Notes :
[1] Université d’été de Ludovia : 10 ans « d’ateliers chiants » et de foire du moyen âge ?
http://www.ludovia.com/2014/09/universite-dete-de-ludovia-10-ans-datelie[…]
[2] Ludovia 2014 : clap de fin :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/08/29082014Article[…]
[3] Pour une présentation plus complète de la démarche :
– ExplorCamp : iPad et Classe inversée :
http://ludovia.org/2014/2014/08/26/explorcamp-ipad-et-classe-inversee/
– Marie Soulié à l’interview :
http://ludovia.org/2014/2014/09/12/linterview-marie-soulie-college-[…]
[4] Je me permets de vous renvoyer à mes deux compte-rendus réalisés dans le cadre de ma participation à Ludovia :
– FabCamp tablettes, tablettes !
http://ludovia.org/2014/2014/08/27/fabcamp-tablettes-tablettes/
– FabLab : Création d’un journal de sortie scolaire sur iPad
http://ludovia.org/2014/2014/08/26/fablab-creation-dun-journal-de-sor[…]
[5] La présentation de la démarche et du projet :
http://www.ludovia.com/2014/07/utiliser-la-realite-augmentee-pour-enri[…]
Le lien vers le scénario pédagogique :
http://espace-cdi.ac-toulouse.fr/IMG/pdf/Traam_scenario_delannoy.pdf
[6] Pour une plus large présentation du projet et de la démarche : Création d’un jeu historique pour tablettes par des élèves
http://lyonelkaufmann.ch/histoire/2014/09/04/creation-dun-jeu-historiqu[…]
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