« La refondation est au milieu du gué ». Pour Bernadette Groison, secrétaire générale de la première fédération syndicale de l’éducation, la refondation n’est pas enlisée. Satisfaite des équilibres trouvés sous Hamon, la Fsu appelle à ne plus y toucher et à appliquer les mesures envisagées. Elle attend aussi l’ouverture de nouveaux chantiers sur le collège et le lycée.
Certains parlent « d’enlisement » de la refondation. Qu’en pensez -vous ?
La refondation n’est pas en panne. Elle est au milieu du gué. Il faut terminer les chapitres ouverts l’année dernière comme la formation initiale des enseignants. On constate de grandes disparités dans ce qui se fait dans les Espe (Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation) et cela même pour des disciplines comme le français ou les maths. La formation au numérique, un sujet évoqué par le président, est déficitaire. Il y a donc à corriger des orientations. Il y a aussi la réforme de l’éducation prioritaire. C’est pour nous un enjeu majeur. Il faut préparer la carte des réseaux prioritaires pour 2015. Il faut voir comment se mettent en place les dispositifs de pondération et les allègements, observer s’ils profitent. à l’autonomie des équipes. Ces dossiers là sont au milieu du gué. Il faut les faire avancer en urgence. Pour nous c’est l’heure de l’action.
Et puis il y a les chapitres qui ne sont pas ouverts : la réforme du collège, du lycée général et technologique. Il y a l’avenir des lycées professionnels. Cela devient urgent. Il y aura une discussion sur l’apprentissage à Matignon le 19 septembre. Ca pose la question de la valorisation de l’enseignement professionnel.
On sent la FSU très remontée contre l’apprentissage. Vous considérez qu’il est en concurrence avec l’enseignement professionnel ?
On parle très souvent de l’apprentissage en expliquant que l’Ecole arrive ni à faire réussir tous les jeunes ni à les insérer professionnellement. Et on présente l’apprentissage comme la solution. Depuis 30 ans, l’apprentissage est soutenu par le gouvernement avec une politique de promotion qui coûte 4 milliards par an. Nous on dit que la formation initiale des jeunes est essentielle. L’apprentissage ne s’adresse pas aux jeunes de la même façon. Par exemple après un CAP la moitié des contrats d’apprentissages sont rompus. C’est beaucoup moins en BTS. Il faut donc regarder la réalité de l’apprentissage. Il faut veiller à ce que tous les jeunes reçoivent une formation initiale solide, avec des enseignements généraux ambitieux, car c’est le meilleur rempart contre le chômage. Pour cela aussi il faut renforcer l’enseignement professionnel.
L’apprentissage ne peut-il être un atout pour l’enseignement professionnel ?
Il existe déjà dans l’enseignement professionnel. Ce n’est pas cela que veut le gouvernement. Mais on verra bien ce qu’il nous proposera le 19 septembre.
Dans les dossiers à venir il y a aussi le projet de socle proposé par le CSP. Il est très critiqué par certains. Qu’en pensez-vous ?
C’est une bonne base pour la consultation des enseignants. Il réussit à tenir l’équilibre après tous les débats qui ont eu lieu. Il est en rupture avec le socle de 2005. C’est une synthèse intéressante. On souhaite que les enseignants participent à la consultation.
Le président a annoncé un plan numérique pour l’éducation. Qu’en pensez-vous ?
On a peu de précisions pour le moment. J’espère que c’est un vrai plan et pas une nouvelle annonce. On a besoin d’équipements et aussi de débat pédagogique sur ces outils numériques pour réduire les inégalités. Le plan doit s’accompagner d’un véritable plan de formation des enseignants. La formation à distance ne suffit pas.
A la fin de l’année dernière, puis encore à la rentrée, plusieurs études montrent un profond malaise enseignant. Partagez vous cette analyse ?
Ce sentiment existe bien. Il y a un décrochage salarial : de 2000 à 2014, le décrochage du point d’indice par rapport à l’inflation et l’augmentation de la retenue pour pension conduisent à une perte en euros constants de deux mois de salaire par an. Il y a aussi un décalage entre les moyens réels mis dans l’éducation et la réalité perçue par les professeurs. Les milliers de postes créés dans la formation initiale les enseignants ne les voient pas dans leur école. On leur parle de priorité à l’éducation et ils ont du mal à être fiers de ce métier. Il y a un discours permanent sur l’Ecole qui fait que les enseignants doutent de leurs capacités. On a besoin maintenant que le ministère tienne un discours tel que les enseignants se sentent soutenus.
Propos recueillis par François Jarraud
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