« Je l’annonce ici : il va y avoir un grand plan numérique ». En visite, le 2 septembre, au collège Louise Michel de Clichy-sous-Bois (93), le président de la République a évoqué le plan numérique que le Café pédagogique avait dévoilé cet été. Il a aussi renouvelé la promesse de donner la priorité à la jeunesse et particulièrement aux enfants des quartiers populaires.
« Il fallait faire un choix, sauter une étape.. Il va y avoir un grand plan numérique pour avoir des tablettes, des contenus, des enseignements qui soient valorisés par le numérique ». François Hollande a rappelé aussi qu’il allait « avoir besoin des collectivités locales » mais que l’Etat « mettra tous les moyens pour former les enseignants et favoriser partout l’arrivée du haut débit ». L’Etat aidera aussi les éditeurs à produire des contenus.
La promesse est faite devant le président de l’Assemblée nationale, C Bartolone, ancien président du conseil général de Seine Saint-Denis, son successeur Stéphane Troussel et bien sur N. Vallaud-Belkacem. Le conseil général du département le plus jeune de France a lancé un programme ambitieux de créations de collèges. A cette rentrée il ouvre 12 collèges, dont celui de Clichy-sous-Bois. Plus de 5 millions d’euros sont consacrés à leur équipement numérique. Le collège Louise Michel dispose de 200 tablettes, 400 ordinateurs et une imprimante 3D. Chaque salle de classe a un vidéoprojecteur interactif. C’est un effort très important, financé difficilement, pour ce département populaire.
Pour autant la situation du numérique dans l’Ecole française n’est pas au beau fixe. Le 2 juillet, devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, B. Hamon précisait que « 97% des enseignants jugent que le numérique est un atout pour les élèves mais seulement 5% l’exploite en classe ». Des chiffres qui ont pu étonner mais qui sont sortis de l’étude Profetic publiée par l’Education nationale en 2012. Neuf enseignants sur dix jugent utile l’utilisation des TIC à l’école mais seulement 5% les utilisent quotidiennement en classe. L’enquête montre aussi que les seuls usages du numérique qui progressent sont les applications administratives (les notes, le cahier de textes) et les échanges avec les parents. Utiliser les TIC pour « individualiser l’apprentissage et faire travailler les élèves en autonomie » est même en baisse. Il y a à cela des raisons bien connues : la taille des groupes classes arrive en premier dans l’étude devant les insuffisances du matériel. Qu’importe ! Le ministre a retenu la nécessité d’équiper massivement les écoles, encore trop peu dotées, et les collèges.
Un 12ème « grand plan numérique » ?
Annoncé le 14 juillet, le « grand plan numérique de F Hollande n’est que le 12ème depuis le début du siècle. Le même F Hollande avait d’ailleurs déjà promis un plan en 2012. Mais celui-là semble avoir un avenir car il a la particularité de se situer dans un programme gouvernemental global : « les 34 plans de la nouvelle France industrielle ». Ce qui le crédibilise c’est que, au lieu d’être financé par l’Education nationale, ce qui ne serait pas un bon signe, il bénéficie d’une enveloppe nationale pilotée et dotée par le ministère de l’économie. Paradoxe : si F. Hollande peut annoncer ce plan c’est à cause de la bonne entente entre les anciens ministres de l’économie et de l’éducation nationale, A. Montebourg et B. Hamon… Ainsi l’Education nationale peut d’autant mieux se lancer dans ce plan numérique qu’elle ne puise pas sur son budget. Les « 34 plans de la nouvelle France industrielle » sont dotés d’une vingtaine de milliards d’euros. Parmi eux, le programme « e-Education » serait crédité, dit-on au ministère, de 700 à 800 millions.
Le plan e-education se fixe comme objectif 70% des collégiens et écoliers dotés d’une tablette PC d’ici 2020. Second objectif : 60% des crédits pour les ressources pédagogiques dirigés vers le numérique. « On veut créer un marché du numérique éducatif », dit-on au ministère. Le budget total serait donc divisé en deux entre ces deux objectifs. Autrement dit, le plan d’équipement n’est possible qu’en faisant appel aux collectivités territoriales qui auront à débourser au moins 80% de son cout. Ce programme d’équipement est complété par le plan haut débit qui vise à permettre un accès haut débit ou très haut débit à toutes les écoles d’ici la fin de l’année. Le point faible de ces programmes c’est qu’ils supposent que les départements et les communes suivent les orientations de l’Etat. Un fond d’amorçage financé par l’Etat est bien prévu pour donner l’impulsion. Mais on a vu qu’en matière d’éducation il n’est pas toujours efficace…
Le président de la République a rappelé que « la priorité du quinquennat c’est la jeunesse ». Il veut qu’on « puisse au moins se dire que pendant 5 ans tout aura été fait pour que des jeunes puissent réussir ». Il a également souligné la politique d’éducation prioritaire. « Ici ca va être la preuve que tous les enfants de France où qu’ils soient vont avoir les mêmes chances pour réussir. Pour cela il va falloir mettre plus de moyens ici qu’ailleurs », dit le président. « Il faut plus de moyens d’enseignement. Il faut que les enseignants soient incités à rester plus longtemps car c’est une équipe pédagogique qui doit se former ». Des conditions que les établissements de Seine Saint Denis, voire de Clichy, ne connaissent pas forcément…
François Jarraud