Alors que les enseignants retrouvent leur école ou leur établissement le 1er septembre, qu’est ce qui caractérise cette rentrée ? Ce n’est pas tant le changement de ministre à quelques jours de la rentrée qui justifie ce titre. Il y a un an, le Café pédagogique ouvrait son éditorial de rentrée par ces mots : » En apparence, pour beaucoup d’enseignants, rien ne change. En fait, la refondation est en route ». A l’évidence, un an plus tard, la refondation n’est toujours pas visible. Mais son avenir est incertain.
Une rentrée tendue
Pour les enseignants, la rentrée 2014 est encore une fois tendue. Certes, 8 804 postes sont créés cette année mais la moitié est absorbée par la formation. Sur le terrain, il n’y a que 2 355 postes créés au primaire et 1 986 dans le secondaire. Et encore : un millier de postes du secondaire correspondent à des heures supplémentaires. C’est peu pour faire face à une vague démographique qui, très curieusement , n’avait pas été anticipée et aux engagements de la loi d’orientation. En effet, à la rentrée 2014 on attend 35 600 élèves supplémentaires au primaire et 27 500 dans le secondaire.
Ainsi au primaire, une fois retirés les postes réservés au dispositif « plus de maitres que de classes » (419), à l’accueil des moins de 3 ans (142), aux Rased (92), aux allègements en Rep+ (210), aux nouveaux remplaçants (307) et à divers autres postes (250) , il ne reste plus que 935 enseignants pour faire face aux 35 500 enfants supplémentaires. En moyenne un enseignant pour 37 élèves ! Avant la refondation, les classes françaises du primaire étaient déjà parmi les plus chargées. Deux ans après la refondation, elles le sont toujours. Autant dire que les effets bénéfiques de la refondation ne seront pas perçus par la grande majorité des enseignants à cette rentrée.
Où en est la refondation ?
Pourquoi mettre l’accent sur le primaire ? C’est que le changement le plus important de la rentrée ce sont les nouveaux rythmes scolaires. Ils se mettent en place de façon précipitée alors que 13% des communes ont opté au dernier moment, en juin, pour une nouvelle organisation autorisée par le décret Hamon. Pour 80% des communes c’est une nouvelle organisation qui se met en place , parfois avec beaucoup d’improvisation. Si dans certaines communes les enseignants reconnaissent les effets positifs sur les apprentissages de la réorganisation, à beaucoup d’endroits leur mise en place est seulement vécue comme une défaite par les enseignants astreints à une demi journée de classe supplémentaire. De surcroît, les « expérimentations » de Benoît Hamon ont donné à penser qu’il faisait peu de cas des objectifs de la réforme.
Justement qu’en est -il de la refondation ? Vincent Peillon avait donné un élan vigoureux réussissant à faire passer la loi d’orientation, mettant en place les Espe, créant les nombreuses institutions imaginées par la loi. Après son départ tout semble s’être gelé. Le Conseil supérieur des programmes a bien rendu les textes attendus mais son président a démissionné et n’est toujours pas remplacé. On attend toujours les nouveaux programmes, en dehors de celui de maternelle. Le nouveau socle déçoit les partisans de la refondation. Le successeur de V Peillon a semblé avoir comme cahier des charges l’immobilisme plus que l’élan fougueux… La loi d’orientation restera-t-elle lettre morte comme la loi précédente ? Les institutions voulues par V Peillon vont-elles réellement jouer le rôle prévu ?
Deux changements importants commencent à entrer en application cette année : la réforme de l’enseignement prioritaire et la réforme du métier enseignant. Le nouveau statut enseignant remplace bien les vieux décrets de 1950. Mais cela n’a été possible que parce que les changements sont des plus modestes. On n’a pas refondé le métier enseignant. On a juste toiletté les textes. L’enseignement prioritaire bénéficie de quelques moyens supplémentaires mais surtout mieux ciblés. L’effort sera-t-il suffisant pour établir plus d’égalité scolaire ?
Un profond malaise enseignant
Un dernier caractère signe cette année pas comme les autres. Depuis 4 mois une série d’études et de sondages affirment tous que le malaise enseignant s’est nettement aggravé. L’étude Talis de l’OCDE souligne le mal être des enseignants français. Plusieurs études syndicales, auprès d’un nombre important d’enseignants, montrent un fort sentiment de déclin de la profession et de ressentiment envers ses cadres. Cette situation va se croiser cette année avec une succession de consultations professionnelles (sur le socle, sur les programmes etc.) et les élections professionnelles. Ces consultations permettront-elles de faire passer le message des enseignants ? C’est un autre enjeu pour cette année.
François Jarraud