Les tablettes peuvent-elles changer l’enseignement au collège ? Nicolas Bertos exerce au collège Georges Ville, à Pont Saint Esprit, dans le Gard. Dans sa classe d’histoire-géo, l’arrivée de tablettes tactiles Galaxy Note, tournant « sous Android », a profondément changé ses pratiques et la conception de son rôle dans la classe. Voici plusieurs exemples concrets d’activités à plus-value pédagogique présentés à Ludovia.
Nicolas Bertos a détaillé, dans son explorcamp, un dense réseau d’activités pour favoriser l’acquisition des repères et des concepts des programmes d’histoire, de géographie et d’éducation civique, et donner aux élèves l’envie, et le besoin, d’appréhender différemment l’heure de cours. Consommateur et acteur : une posture innovante pour l’élève.
Malgré l’absence de connexion internet en classe, la présence d’un réseau wifi a toutefois permis la communication entre les tablettes élèves et professeur. Des documents produits avec l’application SNote (similaire à Book Creator, éditeur de livres numériques) ont été transposés en QR Codes pour permettre au professeur de reprendre les travaux des élèves sur sa propre tablette, et les retravailler en commun, avec un vidéoprojecteur.
Les élèves ont ainsi pu mener une véritable réflexion sur le processus de création, avec l’appui d’activités scénarisées. En effet, la mobilité des outils fait émerger de nouvelles problématiques. Des vidéos réalisées en cours, telles que la cérémonie de l’hommage, en 5ème, on conduit à l’étude de la mise en récit de l’histoire par l’élève qui filme. Grâce à l’appareil photo de base fourni par la tablette, et un montage avec l’application Magisto (gratuit), le rôle du scribe, témoin de la cérémonie qui forge les liens entre vassal et suzerain, prend tout son sens.
L’espace de la classe est également redéfini : sur le thème des progrès et des dangers de la géolocalisation, en éducation civique, niveau 4ème, un débat filmé a été conçu selon un protocole collaboratif. Un groupe chargé du bon déroulement du débat, comme le ferait une équipe de journalistes, a préparé le débat, isolé du reste de la classe. D’autres groupes ont utilisé des documents nombreux fournis par le professeur pour préparer le débat. A la séance suivante, les élèves ont choisi leur « camp », puis le tournage a débuté. Les élèves ont assuré le filmage, la présidence de séance, l’introduction et la synthèse de la joute. Un groupe d’élèves-experts contribuait aux arguments en apportant des données chiffrées, ou factuelles.
La différenciation des parcours est également une démarche dont les tablettes sont un catalyseur : les élèves s’engagent dans une voie par auto-détermination. Le professeur propose une activité « facile », « moyenne » ou « difficile », au choix. Les éventuels temps morts liés à l’hétérogénéité du rythme de travail d’un élève à l’autre ont été comblés par la possibilité de travailler sur des études de cas, restituées sur cahier.
A l’occasion de l’étude du port de Rotterdam, en 4ème, les élèves ont pris en photo un croquis du port avec la tablette, puis l’ont retravaillé, pour l’affiner, le contextualiser : ajouter des légendes, signaler le vieux port, le cours du fleuve, l’implantation des industries…En dernier lieu, la photo initiale, qui servait de fond d’écran désormais obsolète, a été supprimée. Les élèves se sont approprié le croquis, chacun à sa manière. C’est la démarche du géographe qui est ici imitée : les élèves ont pris conscience qu’un schéma réussi s’adressait sans peine à un public à instruire.
La production des élèves s’est étoffée au fil de l’année grâce à la création de cartes commentées par le biais de l’application Tellagami. Ces cartes ont elles-mêmes été élaborées par des élèves distincts des camarades chargés du commentaire vidéo. Dans le même esprit, des gifs animés constitués de cartes, annotées par les élèves, illustrant le monde connu en 1492 (Colomb), puis en 1502 (Magellan), puis en 2013, ont marqué les esprits. Nicolas Bertos a ainsi constaté l’évolution de ses élèves : stimulation de leur inventivité, de leur créativité, la motivation et l’implication induites par la réalité du choix dans les activités.
Pour terminer cet aperçu, on pourra mentionner la contribution à la culture citoyenne par le biais de la « classe puzzle », constituée en fin d’année, où les élèves font le cours, en s’appuyant sur la collecte de données issues d’une sortie pédagogique, avec répartition des groupes par missions : prise de photos, film, création des documents…De retour en classe, par îlots de trois élèves, dont un assure la liaison avec les autres groupes, la classe a restitué selon ses propres choix et ses propres modalités un compte-rendu. Les détails se trouvent sur le site du professeur.
Pierre Estrate