Qui a dit que lors d’une passation de pouvoir le sortant devait faire son bilan ? Faute de bilan, Benoît Hamon a longuement parlé du futur et fait la leçon à Najat Vallaud-Belkacem sur ce qu’elle allait devoir faire. A peine nommée, la nouvelle ministre est déjà prise entre les instructions de son prédécesseur et la polémique sur la théorie du genre immédiatement relancée par les ultras. Bienvenue rue de Grenelle…
Najat démonétisée par Benoît
Sous le soleil, des centaines de fonctionnaires avaient empli la cour d’honneur du ministère à l’occasion du départ de Vincent Peillon. L’atmosphère était très différente le 27 août pour le passage de fonction entre Benoît Hamon et Najat Vallaud-Belkacem. La cérémonie s’est tenue dans un salon du ministère en présence de très nombreux journalistes. Mais la principale surprise est ailleurs : Benoît Hamon n’a pas parlé au passé mais au futur. Le ministre sortant a longuement exposé au nouveau ministre ce qu’il devra faire. Exactement comme le professeur qui instruit l’élève…
« Nous avons obtenu un beau budget sur trois ans. Il permettra d’honorer les engagements du président de la République et de créer les effectifs indispensables sur le terrain pour faire face à la hausse démographique et aux réformes », commence Benoit Hamon. « Il y a les moyens de mettre en oeuvre les réformes.. Il y a la nomination du président du CSP que vous ferez très vite. Il y aura la réforme du collège, le bilan de la réforme du lycée, la refonte de l’éducation prioritaire. C’est une année très pleine qui vous attend », prédit-il continuant sa leçon à la nouvelle ministre. Ponctuée de quelques plaisanteries, la leçon est néanmoins rude à avaler. Benoît Hamon conclue en évoquant la rue de Grenelle comme « les 5 plus beaux mois de sa vie politique ».
Sous le feu des polémiques
Le discours de Najat Vallaud-Belkacem sera beaucoup plus court. La nouvelle ministre remercie les enseignants « qui ont changé le cours de mon destin comme ils l’ont fait avec des millions d’enfants » ainsi que ceux qui « déploient des trésors d’intelligence et de dévouement pour accompagner de petits adultes en devenir sur le chemin de l’émancipation ». La ministre promet de « préserver l’école » et de l’aider à progresser.
Mais ce n’est pas sur son programme ministériel que les médias l’interrogent. Déjà Najat Vallaud-Belkacem est sur la défensive à propos de la « théorie du genre ». « Je suis intéressée par le débat quand il ne prend pas la forme de polémiques. L’école doit être un havre de paix. Nous en sommes le rempart », affirme la ministre. Mais déjà les ultras assiègent la forteresse…
L’UMP attaque la nouvelle ministre sur les ABCD de l’Egalité. Pour Luc Chatel, selon l’AFP, Najat Vallaud-Belkacem « a promu des documents pédagogiques que son prédéceseur s’est empressé d’annuler. C’est important qu’elle clarifie à ce sujet ». Pour Eric Ciotti, la nomination de N. Vallaud-Belkacem est « une provocation ». C’est ce que clame les ultras de la Manif pour tous qui annoncent déjà une manifestation début octobre. Pour eux la ministre est » une petite papesse de la théorie du genre, abreuvée de l’idéologie ultra-féministe américaine.. qui va empirer le travail de sabordage complet de l’éducation nationale, de la famille et de la morale.. Ce sont les enfants qui vont faire les frais de cette propagande d’état ».
La FSU se manifeste
Alors que le camp réformiste avait accueilli la nomination de N Vallaud-Belkacem avec un certain soulagement, la FSU se manifeste pour la première fois. » La FSU demande à être reçue très rapidement par la Ministre pour faire avec elle le point sur de nombreux sujets : formation des enseignants, chantier sur l’évolution des métiers, éducation prioritaire, consultation sur les programmes, enseignement professionnel et apprentissage, structuration de l’enseignement supérieur et de la recherche, emploi scientifique, …mais aussi pour évoquer ses attentes sur le projet éducatif à conduire pour combattre mieux les inégalités ». La fédération attend aussi la ministre sur la revalorisation. « Les personnels attendent aussi une juste reconnaissance de leur travail par une amélioration de leur salaire et de leurs conditions de travail ». De son coté, le Sgen Cfdt souhaite « le maintien de la priorité budgétaire. Il attend la poursuite voire l’accélération des réformes ». Bienvenue au ministère…
François Jarraud