Réjouissons-nous ! Le Petit Nicolas revient sur grand écran. Après des premières aventures en 2009 sous la direction de Laurent Tirard, l’écolier part cette fois en vacances d’été au bord de la mer avec ses parents et sa grand-mère. En restituant l’atmosphère de l’époque (la France des années soixante) et l’esprit potache du narrateur (l’humour décapant d’un garçon de 12 ans), le réalisateur réussit une fantaisie hilarante et touchante, fidèle à l’esprit de l’écrivain, René Goscinny, inventeur du personnage, et de son dessinateur, Sempé.
De l’école à la plage, cherchez la fille
En blouses et en rangs, le Petit Nicolas et ses copains attendent dans la cour l’heure de la sortie sans broncher. C’est pourtant le premier jour de vacances et le directeur comme le surveillant général se font déjà du « mouron ». Notre héros est, pour sa part, partagé, entre l’excitation du départ (une fois les parents d’accord sur la destination) et la peine de devoir quitter la fille dont il est amoureux en secret…Un voyage en voiture mouvementé avec un imprévu de taille : Mémé, passagère encombrante, passe les vacances avec eux ! Impossible de résumer les multiples rebondissements d’une intrigue d’autant plus inventive qu’elle est mise en scène à hauteur d’enfant, ponctuée en off par les commentaires désopilants du petit narrateur au regard perçant. Il s’en passe en effet de belles à l’hôtel « Beau rivage » : comment échapper aux ronflements de Mémé qui n’a pas de chambre à elle et est supposée dormir dans celle de Nicolas ? Comment rester une bande de chouettes copains alors que fait irruption une fille, l’étrange Isabelle au regard constamment posé sur notre héros inquiet ? Comment échapper à l’emprise de ses parents et déjouer leurs funestes projets, surtout lorsqu’on les soupçonne de vouloir vous marier à la fille aux grands yeux ronds ?
Il serait véritablement cruel de révéler ici la façon dont le petit héros va découvrir ce que cache le regard obstiné d’Isabelle, jusqu’où les amoureux iront pour ne pas être séparés, poursuivis dans la nuit par une bande désordonnée d’adultes affublés de déguisements abracadabrants partis à leur recherche.
Regards sur une époque révolue
Mine de rien, en adoptant le point de vue du Petit Nicolas, le réalisateur nous permet de porter un autre regard, avec le recul, sur le monde qui l’entoure, celui des années soixante : des copains et écoliers qui se ressemblent (même style d’habits, même blancheur de peau, mêmes origines sociales…), des adultes et des parents « prévisibles » dans leur rapport à l’exercice de l’autorité, dans leurs relations aux autres, dans les préjugés et les stéréotypes véhiculés. Les tensions entre les grands et les petits ne prennent jamais de dimension conflictuelle même si leur ampleur parait gigantesque aux yeux des enfants. L’amour circule et la réconciliation n’est pas loin. La fiction se déroule, pour une bonne part, dans un univers empreint de merveilleux, à l’écart de l’histoire de la France d’alors. Pourtant, en filigrane, le film, adapté d’un récit paru en 1962, à la « fin » de la guerre d’Algérie, offre une représentation de la « petite bourgeoisie » française d’alors, des couches moyennes, en plein engouement consumériste, à l’écart de la hantise du chômage, protégés du prurit identitaire et des risques supposés de la diversité. Difficile de résister au pouvoir de séduction indéniable de l’adorable Petit Nicolas et de ses copains au diapason ; rien n’interdit finalement de céder au charme de cette fantaisie aux couleurs acidulées, peuplées d’adultes sympathiques, interprétée par des acteurs déjantés (Valérie Lemercier, en épouse sage tentée par le star system, Kad Merad, en père poule et amoureux transi , Dominique Lavanant, méconnaissable en Mémé gâteau…).
Loin de la nostalgie fabriquée chère à « Amélie Poulain », « Les aventures du Petit Nicolas » propose modestement un spectacle fédérateur, déclenchant la franche hilarité tout en permettant aux spectateurs de se demander pourquoi il n’y a ni black ni beur parmi les copains de Nicolas.
Samra Bonvoisin
« Les vacances du Petit Nicolas », film de Laurent Tirard, sortie en salles le 9 juillet
Le producteur et le distributeur s’associent à la campagne du Secours populaire français pour soutenir l’opération « Vacances d’été 2014 » ; pour participer à la solidarité : www.secourspopulaire.fr