D’une ampleur inégalée, la circulaire de rentrée associe les deux soucis des deux ministres qui se sont succédé : celui de la réduction des inégalités sociales de réussite scolaire et celui des changements pédagogiques. C’est peut-être ce dernier point qui la caractérise : le ministère souhaite agir sur la classe, par exemple changer l’évaluation et rendre l’école plus bienveillante.
Changer la classe
Le ministère veut changer les pratiques d’évaluation des élèves. « Pour améliorer l’efficacité des apprentissages et la confiance en eux des élèves, il importe de faire évoluer les pratiques en matière d’évaluation des élèves. Il s’agit d’éviter que l’évaluation ne soit vécue par l’élève et sa famille comme un moyen de classement, de sanction, ou bien réduite à la seule notation. Elle doit faire l’objet d’une réflexion accrue des équipes pédagogiques. L’évaluation formative doit être conçue comme un moyen de faire progresser les élèves, au service des apprentissages ». Ce sage souci est vite tempéré par le principe de réalité : le ministère n’a pas les moyens d’une formation continue massive des enseignants dans le secondaire là où l’effort devrait être porté. Alors il promet ce qu’il peut faire : des fiches « seront mises en ligne à la fin du printemps pour accompagner les enseignants dans cette évolution majeure pour le système éducatif ». La circulaire demande une double évaluation des devoirs sous forme chiffrée et en terme de compétences. La circulaire définit d’ailleurs ce que doit être cette réforme de l’évaluation. Mais l’efficacité de la mesure ne semble pas bien forte…
La circulaire veut aussi préconiser « l’école de la bienveillance ». Ceux qui penseraient à une véritable formation à la gestion des élèves seront déçus. La circulaire a une annonce concrète : une pause méridienne d’au moins 1h30 au collège « dans la mesure du possible ». Et ça s’arrête là…
Réduire les inégalités
C’est à la fois le leitmotiv des déclarations ministérielles et une obligation internationale qui est faite à la France, montrée du doigt par le dernier PISA sur ce point.
Le ministre confirme la refondation de l’éducation prioritaire. « La refondation de l’éducation prioritaire fera des réseaux d’éducation prioritaire (REP) et des réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+) des lieux privilégiés d’innovation pédagogique ouvrant la voie à la réussite de tous. L’année scolaire 2014-2015 est une année de transition qui doit permettre, d’une part, de renforcer l’action conduite dans l’ensemble de l’éducation prioritaire, et, d’autre part, de préfigurer, dans une centaine de réseaux, la nouvelle politique qui distinguera les réseaux d’éducation prioritaire (REP) et les réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+). » L’effort sera donc mis sur cette centaine de réseaux qui devraient voir fléchés les moyens encore disponibles après la hausse démographique pour les moins de 3 ans et les maitre surnuméraires (plus de maitres que de classe). Cet effort est réel,puissant mais très localisé. Le ministre confirme ce que nous avions souligné lors de la journée de présentation des Rep+ : la mise en place pour la première fois d’une pédagogie officielle dans les Rep+. « Un référentiel pédagogique commun à tous les acteurs a été élaboré ; il servira de socle à l’élaboration des projets des équipes pour faire évoluer les pratiques pédagogiques et favoriser la réussite de tous les élèves ». Certains aspects du référentiel ont pourtant été contestés déjà lors de cette journée. Et il est difficile de coir où mènera cette pédagogie imposée. Une série de fiches définissent la mise en place du « plus de maitres que de classes » et le travail en équipe en éducation prioritaire. Les enseignants bénéficieront de 3 jours de formation par an.
Un intéressant axe est offert par l’objectif de mixité sociale imposé par la loi d’orientation. » Pour cela, les services départementaux de l’éducation nationale devront nouer avec les conseils généraux et métropolitains de nouvelles collaborations, notamment pour contribuer, là où cela semblera favorable à une meilleure mixité, à la définition d’un secteur commun à plusieurs collèges. La recherche de mixité sociale sera également prise en compte lors de l’élaboration de la carte des formations des lycées généraux, technologiques et professionnels. Afin d’introduire plus d’équité dans le traitement des demandes de dérogation, celles formulées sur la base du motif « parcours scolaire particulier » doivent être traitées après toutes les autres priorités (élèves en situation de handicap, élèves bénéficiant d’une prise en charge médicale importante à proximité de l’établissement demandé, boursiers au mérite, boursiers sociaux, élèves dont un frère ou une soeur est scolarisé(e) dans l’établissement souhaité et élèves dont le domicile en limite de zone de desserte est proche de l’établissement souhaité). » Pour la première fois le ministère semble assumer des choix en ce domaine. Mais ils ne s’appliqueront pas à l’enseignement privé.
Enfin la circulaire redonne son importance aux Rased réorganisés. « Les missions des enseignants spécialisés et des psychologues scolaires qui mettent en oeuvre ces aides doivent être mieux identifiées et mieux reconnues. Leur travail en équipe sera conforté et leur professionnalisation renforcée au sein d’un dispositif dont le pilotage sera amélioré. A ce titre, trois mesures ont été retenues pour renforcer l’efficacité de la cartographie des postes : d’une part, la réaffirmation des trois spécialités complémentaires des RASED et d’un temps de travail en réseau ; d’autre part, la nécessité de positionner ces acteurs au niveau le plus pertinent (au niveau des écoles pour les interventions et au niveau de la circonscription pour le pilotage) ; enfin, la réalisation d’un travail académique sur la carte des postes, accompagné d’une relance de la formation pour répondre aux nécessités posées par les postes vacants ou nouvellement créés ».
Le numérique
Le numérique trouve place dans cette circulaire de rentrée. C’est surtout la formation initiale qui est mise en avant. » Cette dernière inscrit la formation des enseignants au et par le numérique comme un volet essentiel de la professionnalisation des futurs enseignants. Cette formation constitue en effet un moyen essentiel pour favoriser le déploiement des usages dans les classes. L’effort particulier mis sur la formation continue au numérique devra s’appuyer sur les collaborations avec les ESPE et sur les formations mises en oeuvre à l’aide du numérique. Chargés de l’encadrement pédagogique de proximité, les IEN et les IA-IPR seront attentifs, lors de leurs interventions dans les écoles et les établissements comme dans le cadre de l’élaboration des plans de formation, à la place accordée au numérique. » Enfin le nombre de collèges connectés sera porté à 100. On st loin des annonces de circulaires précédentes.
Les profs consultés
La circulaire donne un calendrier des consultations. Des ajustements sur les programmes du primaire seront effectifs pour la rentrée 2014. Ensuite les enseignants seront consultés sur le socle et les nouveaux programmes de maternelle à la rentrée 2014. Une autre consultation sur les programmes de l’école élémentaire et le collège aura lieu début 2015.
François Jarraud
La circulaire
http://cafepedagogique.studio-thil.com/Documents/2014/220514-circurentree.pdf
La lettre
http://cafepedagogique.studio-thil.com/Documents/2014/220514-lettrehamon.pdf
En période de basses eaux budgétaires que peut bien dire un ministre à ses personnels ? Dans une lettre adressée « aux membres de la communauté éducative », Benoit Hamon parle des objectifs de l’Ecole. Mais il ne leur dit rien sur leur métier.
« Un impératif doit guider l’ensemble de la communauté éducative : combattre dès le plus jeune âge les inégalités sociales et territoriales pour favoriser la réussite de chaque enfant et de chaque jeune… Je fais de cet effort pour les écoles et les établissements accueillant les publics les plus défavorisés ma priorité. Les moyens dédiés à l’enseignement scolaire seront d’abord attribués à ces écoles et établissements ». Le ministre confirme son objectif principal : lutter contre les inégalités sociales à l’école. Mais il le réduit aussitôt à la mise en place des Rep+, une centaine de réseaux qui ne concerneront qu’une petite minorité d’élèves. Ce premier message est clair. Mais l’effort annoncé est-il à la hauteur des enjeux ? Une mesure de portée générale est néanmoins confirmée : la réforme des rythmes avec la généralisation des 5 matinées de cours.
L’autre message est celui de la continuité. « Les grandes réformes engagées depuis mai 2012 et inscrites dans la loi pour la refondation de l’École de la République sont poursuivies et mises en place selon un calendrier qui respecte le temps de la concertation et la recherche de l’efficacité’. La circulaire de rentrée met en application les décisions de la loi d’orientation et sa philosophie prolonge l’action de Vincent Peillon par exemple sur l’école bienveillante et l’évaluation.
Mais est-ce l’objet d’une lettre aux enseignants ? Ils verront surtout dans ce courrier ce qui manque. La lettre ne dit rien sur la revalorisation. Rien sur les relations difficiles avec al hiérarchie. Rien sur la gestion des carrières et des mutations. Rien sur la seconde carrière. Cette lettre s’adresse à une « communauté éducative » qui reste à construire. Du coup elle ne parle pas aux enseignants.
François Jarraud
La lettre
http://cafepedagogique.studio-thil.com/Documents/2014/220514-lettrehamon.pdf
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