Observant la carte des résultats des européennes dans le département d’origine de ma famille, l’Indre, je n’en reviens pas. Dans ce département si calme et paisible, la carte est noire. Seuls quelques ilots PS ou UMP émergent d’un océan noir. Dans le village de mes parents, les voix FN égalent presque le total de l’UMP et du PS. Dans celui du président de l’AMRF, un village d’artisans et d’artistes, les voix FN font égalité avec les deux autres partis. Comment en est-on arrivé là et quelle peut-être la part de l’Ecole ?
Evidemment la France ne s’est pas endormie à l’extrême droite le 25 mai. Les Français n’ont pas adhéré ni majoritairement, ni même au sein de son électorat, à l’idéologie lepeniste. Mais ils ont pris le risque de franchir un Rubicon sans trop savoir où cela va les emmener. Il y a bien des motifs à ce geste. Ce qui nous intéresse ici c’est la part de l’Ecole.
Il faut d’abord reconnaitre que l’Ecole n’a jamais réussi à enseigner sans malaise l’idée européenne. C’est ce que relevait N. Allieu Mary, chercheure à l’INRP, dans un article de 2009. « Méfiants vis-à-vis d’une commande jugée par trop politique, les enseignants se montrent parfois réticents à entrer dans des débats précis et argumentés, avec leurs élèves, sur l’élargissement, les questions institutionnelles ou les options (fédéralisme ou Europe des nations ?)… Ils manifestent une certaine gêne face à un objet devenu scolairement sensible ». Le fait que l’Europe soit « un objet en devenir » n’est pas pour rien dans cette position.
Le second lien avec l’Ecole est à chercher dans l’électorat du FN. On sait qu’il est plus populaire , qu’il inclut une part importante des chômeurs. Il a à voir avec le sentiment de déclin économique. Il a aussi à voir avec les sorties sans qualification du système éducatif. On retrouve là deux traits caractéristiques de notre système éducatif. D’une part son profond pessimisme lié à des évaluations souvent négatives. Au lieu de soutenir l’individu, l’Ecole apprend très tôt à ne regarder que ses faiblesses. Et cela se voit dans le résultats final , c’est à dire la sortie chaque année de 150 000 jeunes sans diplôme reconnu sur le marché de l’emploi. Dans la situation économique actuelle, des chômeurs en devenir.
Evidemment l’Ecole ne suffit ni pour construire ce tsunami électoral, ni pour l’éviter. Mais elle a sa part de travail à faire si on veut que la carte politique de la France ne soit plus en deuil.
François Jarraud