Dans un collège difficile, une émission de radio hebdomadaire, conçue et réalisée par les collégiens eux-mêmes, c’est possible ? Oui, démontre l’équipe enseignante du collège Daniel Argote à Orthez. Et même très formateur ! Apaiser les tensions autour d’un projet valorisant, renouer le dialogue avec les élèves, ouvrir sur l’extérieur en diffusant en streaming, revisiter les programmes, travailler en groupe et en autonomie, développer l’esprit critique, travailler l’écrit et l’oral, s’initier à la technique de diffusion… : autant d’objectifs que mène à bien « Radio Argote ». Le projet fédère aussi les professeurs : il a été lancé par Marie Soulié, professeure de français ; tous les enseignants du collège collaborent pour sa réussite ; Aurore Coustalat, professeure d’anglais, et Agnès Carillo, professeure de mathématiques, éclairent ce travail d’équipe qui diffuse des ondes positives dans le collège. Et bien au-delà !
Dans quel contexte le projet est-il né ?
L’idée a germé dans la tête de Marie Soulié avec le succès de son Agence de communication du collège, I-Media. Dans les objectifs de l’Agence, l’éducation aux Médias était une priorité et la radio était un des moyens utilisés. Pourquoi ne pas créer un projet fédérateur, tenter une expérience nouvelle en équipe ? Une classe de 5ème a été choisie et tous les professeurs de cette classe étaient impliqués. Le but de cette « Classe Radio » est de s’ouvrir à l’extérieur et de donner une image positive du collège.
Produire une émission de radio chaque semaine, n’est-ce pas un défi techniquement difficile à relever ?
Comme matériel, nous disposons d’une salle radio dans l’établissement : quatre micros, une table de mixage, un ordinateur connecté à internet, c’est un studio de radio complet. On utilise Audacity pour les montages audio et on passe l’émission en streaming. Il a fallu demander au rectorat de nous ouvrir un flux tous les vendredis de 13 h à 14h. Le budget s’élève à environ 400 Euros (c’est le prix du matériel) : le projet est viable grâce aux fonds du collège et à beaucoup de récup’.
Marie (à l’origine du projet) a suivi une formation organisée par le CLEMI à Paris. Nous avons reçu une formation au collège (les élèves et tous les professeurs de la classe radio). Marie et Agnès ont bénéficié d’une autre formation radio pour compléter les précédentes.
Le projet vit grâce à différents soutiens : le CLEMI, les collègues, les parents d’élèves qui nous font un retour positif, la presse locale qui nous a consacré des articles, la télé et la radio locales. Les difficultés initiales ont été surmontées. Dès le début, on a voulu commencer à diffuser toutes les semaines mais on avait beaucoup de rubriques pré-enregistrées. Quand on est passé au direct, (l’émission est en streaming le vendredi à 13h30), on a dû ralentir et passer à une émission tous les quinze jours le temps que tout le monde soit opérationnel. Aujourd’hui, l’émission est diffusée toutes les semaines et nous tenons le rythme car les productions d’élèves et les évènements liés au collège se multiplient. Même des classes extérieures au collège (CM2+ lycée pro) participent ponctuellement.
L’émission hebdomadaire est soigneusement préparée tout au long de la semaine : quelles sont les différentes étapes et modalités de travail ?
Un planning est prévu et affiché en salle des profs pour une période : on s’inscrit selon les sujets que l’on veut traiter. Ensuite, chaque semaine, la classe radio réfléchit dès le lundi aux rubriques, les rôles sont distribués : au micro (deux animateurs et les chroniqueurs), à la technique et à l’accueil. L’écriture se fait en autonomie sur les sujets personnels ou en classe pour les sujets liés aux disciplines. Occasionnellement, des prises de son ou des interviews sont réalisées, puis montées dans les mêmes délais. Les chroniques sont écrites pour le jeudi, c’est là que le fil conducteur est écrit par les animateurs. Les élèves travaillent leur texte à l’oral pour le vendredi. Une fois ces étapes réalisées, chaque élève connait son rôle et sait ce qu’il a à faire, l’émission en direct coule de source.
L’émission est réalisée chaque vendredi en direct à 13 h 30 : comment se passe l’enregistrement ? comment s’opère la diffusion ?
Les élèves se retrouvent 15 min avant le direct pour la mise en place et la répétition. La technique teste les micros, ajuste les balances et à 13h30, on ouvre le flux pour passer en streaming et on lance le jingle « Radio Argote, la radio qui dénote !»
Présentateurs et chroniqueurs se succèdent au micro. Pendant la diffusion, trois élèves se chargent de l’accueil des auditeurs dans la salle polyvalente du collège, lieu d’écoute pour l’occasion.
Quel en est le contenu ? Pouvez-vous donnez des exemples précis de sujets traités et/ou de chroniques régulières ?
Il y a des chroniques régulières liées à l’actualité du collège : théâtre, manifestations sportives, radio-crochet visant à mettre en avant des talents d’élèves. Les élèves traitent aussi de sujets qui leur tiennent à cœur : la mode, les jeux-vidéos, le cinéma, le shopping, les dédicaces de la St Valentin. Des rubriques plus scolaires sont au programme de l’émission : compte rendu d’une sortie, d’un voyage, interview de l’assistante d’anglais, des énigmes mathématiques… Des interviews et des micro-trottoirs sont aussi réalisés..
Quels vous semblent être les bénéfices d’un tel projet pour les élèves ?
Ecrire pour la radio est un exercice de style. Il faut être clair, précis, direct. Le passage à l’oral est aussi un entrainement : s’écouter pour mieux articuler, comprendre ce que l’on dit. On peut observer des progrès en lecture (plus fluide). Les retours positifs des auditeurs permettent aux élèves de valoriser leur travail au sein du collège et de prendre confiance en eux.
En quoi le projet est-il aussi bénéfique à l’équipe enseignante et au collège lui-même ?
Ce projet nous oblige à travailler ensemble et autrement entre collègues mais aussi entre les élèves. Il invite aussi à créer des passerelles entre les disciplines et les divers projets du collège. La classe radio enseigne la technique aux autres classes qui interviennent. Nous avons mené un projet avec une classe de CM2 du secteur qui est venue un vendredi en direct pour raconter leur voyage scolaire. Agnès est allée dans l’école pour préparer les élèves à écrire leurs rubriques. Cela a permis à ces élèves de CM2 de découvrir les lieux de leur futur établissement. Un classe de Lycée pro du département a aussi souhaité intervenir un vendredi en direct. La radio nous met en relation avec des partenaires actifs au cœur de la ville d’Orthez (une émission en direct pour le Salon du Livre de la ville est en projet pour l’Automne).
L’éducation aux médias et à l’information a été inscrite comme une obligation dans la loi de Refondation de l’Ecole de juillet 2013 : en quoi de manière générale cette éducation vous semble-t-elle nécessaire ?
L’éducation aux médias et à l’information permet de développer l’esprit critique par rapport à un environnement numérique, écouter autrement la radio, devenir acteur de l’info pour devenir des citoyens responsables. Le travail pour préparer une émission est lui-même très formateur, notamment en ce qui concerne la recherche, la collecte et le tri des informations.
Des conseils pour des collègues tentés par une aventure équivalente à celle de Radio Argote ?
Ne pas se lancer seul, le travail en équipe est important. Toutes les disciplines peuvent et doivent participer pour faire la richesse des émissions et pour la cohérence du projet. Au début, il faut se fixer des objectifs réalistes et se répartir les missions. Commencer par des émissions et/ou des rubriques pré-enregistrées. Le matériel ne doit pas être un frein : un ordinateur et un micro suffisent pour débuter. Par dessus tout, il faut voir ce projet comme une source de plaisir pour les élèves et aussi pour les professeurs : nous prenons la place des élèves de temps en temps pour faire une « Radio Profs », et nous sommes récompensés par tous les retours positifs chaque semaine.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut