Comment le numérique transforme-il au quotidien la vie en établissement ? C’est la question posée à tous les participants du colloque EcriTech’5 qui s’est déroulé à Nice les 10-11 avril. C’est que les mutations en cours ou en germe sont essentielles : le numérique peut aider à lutter contre les inégalités culturelles et sociales, renforcer les compétences et les appétences des élèves, modifier les temps et les espaces d’apprentissage, changer les modes de gouvernance et les relations entre les acteurs, ouvrir l’Ecole sur le monde … « Poser la question de l’établissement scolaire, explique Catherine Becchetti-Bizot, c’est vraiment le bon niveau pour comprendre ce qui est en train de bouger dans le système éducatif ». A EcriTech’5, enseignants, chefs d’établissements, chercheurs, cadres de l’Education nationale se sont retrouvés pour rappeler à l’Ecole que dans une société désormais numérique elle est confrontée à une alternative : s’adapter ou mourir. Au programme : du changement à tous les étages de la « pyramide »…
Défis et ambitions
En ouverture du colloque, Catherine Becchetti-Bizot, Inspectrice générale de l’Éducation nationale, au nom de la Direction du Numérique pour l’Education (DNE) nouvellement créée, souligne les défis collectifs à saisir pour prendre la mesure du nouvel écosystème, à la fois technique et culturel, en train d’advenir. Le numérique entraine une évolution de nos pratiques pédagogiques, de nos organisations, de nos rapports aux autres et aux savoirs. EcriTech’ doit aider à penser cette école de demain, donner aux acteurs une vision prospective. La question posée à tous est d’ailleurs aussi la suivante : pour quels buts voulons-nous que le numérique change l’Ecole ? Sans doute pour qu’il y règne plus d’égalité, plus de motivation, plus d’ouverture et de lien avec l’environnement … Cette belle ambition a été inscrite dans la Loi de juillet 2013 et le nouveau ministre a dit vouloir continuer à la porter.
La cinquième édition d’EcriTech’, rappelle Catherine Becchetti-Bizot, veut creuser la question de la vie au quotidien d’un établissement : pratiques pédagogiques, accès aux ressources, pilotage, relations à l’intérieur et vers l’extérieur… Les 23 « Collèges Connectés » (« CoCon ») lancés à la rentrée précédente ont été conçus comme des « lieux d’incubation », intégrateurs de changements. Le but est de réunir des conditions optimales d’équipement pour permettre aux équipes de se concentrer sur les apports pédagogiques du numérique. Le dispositif permet aussi d’expérimenter un nouveau mode de gouvernance partagée avec les collectivités territoriales. Il a vocation à se déployer plus largement à la rentrée prochaine : « nous visons une centaine d’établissements ainsi connectés », « les résultats des CoCons doivent irriguer l’ensemble des établissements ». Des points communs d’ores et déjà se dessinent, qui tracent des pistes pour tous : l’ouverture sur le monde (le proche territoire, les familles, l’international…), la porosité des lieux et le continuum des apprentissages, la redéfinition des rôles de chacun, la nécessaire évolution des cadres du système. « Notre approche, souligne Catherine Becchetti-Bizot, est de faire confiance aux équipes pédagogiques, mais aussi de les aider, par exemple dans la protection des données personnelles » : il s’agit de « valoriser les innovations, tout en donnant des cadres clairs ».
La Direction du Numérique pour l’Education existe officiellement depuis le 31 mars 2014 pour mettre en synergie tous les acteurs des mutations en cours. Catherine Becchetti-BizotSes en éclaire les objectifs : mettre en place le « service public du numérique éducatif » pour déployer ressources et services susceptibles de répondre aux besoins de la communauté éducative ; valoriser les nouvelles compétences numériques dont les élèves ont vraiment besoin (par exemple en menant une Education aux médias et à l’information, obligation pour tous les enseignants désormais inscrite dans la Loi) ; encourager, valoriser et mutualiser les innovations, qu’elles soient pédagogiques ou administratives, et ce par la mise en réseau ; renforcer la formation, au numérique et par le numérique, initiale et continue, des enseignants et des cadres ; mettre en place une gouvernance partagée avec les collectivités territoriales ; construire un partenariat entre les acteurs publics et les acteurs privés de la filière numérique ; optimiser le pilotage des moyens ; faciliter la tutelle des opérateurs scolaires (Cned, Canopé …). L’Ecole doit relever cinq défis majeurs : la réduction des inégalités d’accès aux savoirs, l’amélioration des compétences des élèves, le renouvellement des pratiques pédagogiques, la modernisation des environnements de travail, le renforcement des liens avec l’environnement.
Des adolescents connectés
Pour Jean-François Cerisier, professeur des universités, directeur du laboratoire Techne à l’Université de Poitiers, la problématique du numérique à l’Ecole ne peut se réduire à des questions uniquement didactiques : l’usage continu des technologies numériques transforme profondément et durablement les relations de chacun (élève, enseignant, parent …) à son milieu, ce qui constitue une définition possible du mot culture ; dans cette nouvelle « culture à l’ère du numérique », l’élève connecté questionne la forme scolaire elle-même. Le laboratoire Techne s’intéresse en particulier à deux questions : pourquoi les usagers font-ils ce qu’ils font ? qu’est-ce que ces pratiques changent en eux ? (« We shape our tools and thereafter our tools shape us », Marshall McLuhan). 93 % de nos étudiants de 1ère année, constate Jean-François Cerisier, sont équipés d’un ordinateur portable connecté qu’ils utilisent pendant le cours. Il convient sur le sujet de lever des idées reçues négatives : si beaucoup sont sur Facebook, c’est pour échanger avec leurs pairs sur le cours en train d’avoir lieu ! Ainsi se met en place une interactivité pédagogique invisible, mais forte. Certains recherchent aussi en ligne des informations supplémentaires susceptibles d’enrichir ou de nuancer les propos du professeur : un étudiant connecté vivifie le cours !
De manière générale, l’adolescent connecté cherche à reconquérir un espace-temps qui échappe à la vigilance des adultes : les espaces physiques ont disparu dans la cité comme les squares remplacés par des parkings, beaucoup de parents s’ingénient à occuper le temps de leurs enfants en leur organisant des activités multiples… Qu’en est-il alors des attentes quant au numérique à l’Ecole ? A la question « aimez-vous l’Ecole ? », 24 % des élèves répondent oui en 6ème, 6 % en 3ème, 13 % en terminale. A la question « aimez-vous les cours ? », 68,4 % des élèves répondent oui en 6ème, 36 % en 2nde, 46,4 % en terminale. A la question « aimez-vous l’ordinateur à l’Ecole ? », 48,8 % des élèves répondent oui en 6ème, 66,6 % en 3ème, 73,5 % en terminale. Autrement dit, le fossé entre l’adolescent et l’Ecole tend à se creuser au milieu de son parcours, vers la fin du collège. Autrement dit aussi, l’intérêt pour l’ordinateur à l’Ecole croît à mesure que l’intérêt pour l’Ecole décroît. Encore faut-il raison garder : les jeunes peuvent s’inquiéter qu’on vienne marcher sur leur espace-temps personnel ; ils réfutent l’intérêt d’activités réalisées avec le numérique qui auraient pu avoir lieu sans ; ce qui les motive, c’est moins le numérique lui-même que la mise en activité que souvent il favorise.
La forme scolaire, souligne Jean-François Cerisier, est un choix : de rapport au savoir, d’espace-temps, de règles de sociabilité, de normes sociales et de types d’activités. Ce choix politique est délicat puisque ces questions sont posées à des acteurs de l’Ecole qui n’ont pas toutes les cartes en main. Mais ce choix est essentiel : si l’école, sous-système, ne s’adapte pas alors que le système global évolue fortement, elle meurt. C’est le « syndrome Kodak » qu’évoque Emmanuel Davidenkoff dans son récent ouvrage sur « le tsunami numérique ». Le numérique est dans la société, les transformations d’ailleurs ne sont pas terminées, il est illusoire de croire que l’Ecole peut les refuser.
Des établissements connectés
Qu’en est-il alors des établissements qui, tels les « Collèges connectés », expérimentent de nouveaux usages et pilotages de l’Ecole à l’ère du numérique ? Dans un des quartiers les plus pauvres d’Europe, le collège Eclair de la Belle de Mai à Marseille tente ainsi de développer une stratégie numérique pour mieux accompagner les élèves, développer les liens avec les familles, favoriser le travail d’équipe entre les professeurs, aidés par les inspecteurs et des enseignants-ressources. Le but, selon Brigitte Jauffret, déléguée académique au numérique, c’est de faire en sorte que les élèves prennent du plaisir et réussissent mieux : « j’ai vu des élèves de 6ème écrire un conte, prendre plaisir à écrire et m’expliquant comment le numérique, ici l’ordinateur, les aidait à casser la difficulté qu’ils pouvaient avoir avec l’écrit manuscrit », « j’ai vu sur une classe de 24 élèves, 24 activités différentes », « j’ai vu des élèves très attentifs », « quand on les interroge, ils disent qu’ils sont contents de continuer le travail chez eux grâce au numérique». Dominique Tesorière, principal du collège, insiste : « nous avions des élèves décrocheurs, nous avions un fort taux d’absentéisme, nous avions des pratiques un peu rébarbatives pour des enfants en difficulté scolaire, l’intégration des outils numériques a donné aux enfants de l’appétence pour la chose scolaire ». L’ouverture du collège à son environnement apparaît aussi comme une valeur ajoutée du numérique : « Dans des quartiers aussi difficiles que le nôtre, vous comprenez bien qu’il y a des attirances extérieures fortes. On ne peut lutter contre elles que si l’on propose quelque chose de différent à l’interne, mais aussi en travaillant en réseau », par exemple à travers un projet autour de l’astronomie mené en partenariat avec des écoles du secteur ou encore des sixièmes qui se font tuteurs d’écoliers. « Par le numérique, on arrive à redonner du sens à l’Ecole, ce qui est le cœur du problème. »
Capucine Vigel, proviseure du lycée Simone Weil à Dijon, raconte comment, nommée il y a 3 ans sur ce lycée polyvalent de centre ville, elle s’est retrouvée face à une situation contradictoire : un des deux bâtiments n’était pas câblé, mais parallèlement il y avait déjà des équipements de pointe et 5 professeurs dynamiques, 5 « experts ». Comment mobiliser l’ensemble de la communauté ? La première étape a consisté en un état des lieux de ce qui existe : obstacles, ressources, projets, budget… D’où la création d’un Conseil numérique, qui ne sois pas réservé aux experts, mais ouverts aux lycéens du CVL, usagers susceptibles d’avoir un regard sur les intérêts éducatifs de ce qui était proposé, à des enseignants néophytes… Un projet s’est dessiné : que 100 % des divisions de l’établissement soient investies dans le numérique (« nous en sommes à 60 %). Des animations sont régulièrement organisées : des « micromeetings » d’un quart d’heure qui permettent aux uns et aux autres de montrer comment marche tel ou tel outil, de valoriser les expertises, de partager les pratiques.
Le collège Léonard de Vinci à Saint-Brieuc est l’un des 23 « collèges connectés » du territoire national : un collège urbain, de taille moyenne (600 élèves), situé au pied de grandes tours, avec une SEGPA de 64 élèves et un déficit de recrutement. Le principal Guy Josselin souligne combien l’image s’est bien redressée grâce au dynamisme des enseignants qui ont compris la nécessité d’utiliser le numérique pour mettre en place des dispositifs adaptés : deux d’entre eux, Jacques-Olivier Martin, professeur de lettes, et Agnès Giannantoni, professeure de mathématiques, témoignent d’ailleurs avec un enthousiasme communicatif de l’esprit créatif et collaboratif qui règne dans le collège. C’est aussi peut-être que l’approche, mûrement réfléchie, se veut humaine et non technique : pour Guy Josselin, un « Cocon », ce n’est pas une masse de matériel et de ressources, mais une volonté de travailler autrement. Par exemple, pour les tablettes numériques, le choix n’a pas été celui du « one to one », d’un équipement généralisé, mais de quelques tablettes disponibles en classe pour une pédagogie collaborative. Des soutiens se sont avérés précieux pour mener le projet : ainsi l’enveloppe de 50 HSE de la DGESCO, la présence forte du réseau de formateurs Résentice de l’académie de Rennes représenté au colloque par Didier Perret, les liens établis avec des associations de quartier comme « Le cercle »… L’expérience a débuté par un état des lieux, des usages et des attentes. Un questionnaire anonyme a permis par exemple de faire apparaître que 77% des élèves de 3ème étaient équipés de smartphones et que le taux de connexion internet à domicile était de plus de 95%. Les enseignants, demandeurs de formation et de guidance dans la classe, se sont donné des objectifs : mieux accompagner les élèves en difficulté ou situation de handicap, différencier davantage, lutter contre le décrochage scolaire, aider à individualiser le travail sur l’orientation, réduire l’écart entre les pratiques du numérique à l’école et à l’extérieur, évaluer et valoriser les compétences des élèves, ancrer davantage l’école dans le monde moderne, modifier les pratiques pédagogiques, engager une dynamique de travail en équipe… Pendant l’été, une tablette a été mise entre les mains de chaque enseignant pour qu’il puisse se familiariser avec l’outil. Ils ont été aussi initiés à Linux, système d’exploitation installé sur tous les postes de l’établissement. Un comité de pilotage avec tous les partenaires a été mis en place.
L’atelier consacré au collège Leonard de Vinci témoigne de pratiques pédagogiques. Quinze classes sont équipées de Vidéo-Projecteurs-Interactifs : les élèves utilisent chez eux aussi le logiciel libre Open Sankore, construisent leurs diaporamas, envoient ensuite en classe leurs camarades au tableau … Le réseau social Twitter et la plateforme Moodle sont aussi utilisés pour des activités collaboratives. En français, un travail autour de l’argumentation est mené sur un jugement de tribunal : il se fait selon un dispositif en îlots (des groupes où les élèves jouent les rôles de procureur, juge, avocat, accusé), il débouche sur des productions de textes, photos, vidéos… En mathématiques DNL pour la classe européenne, les élèves avec les tablettes sont amenés à illustrer un lieu géométrique, à modéliser, à réaliser une bande dessinée sur l’expérience menée, à présenter le travail à l’oral…. On détourne aussi des applications a priori non éducatives : ainsi, en allemand, l’appli Ikea permet de construire une pièce virtuelle, puis de la décrire… La tablette s’avère propice à la construction rapide de documents par les élèves et à leur analyse : des animations pour réécrire des fabliaux du moyen âge, des travaux d’illustration en roman-photo autour de la chanson de Craonne, des cartes heuristiques pour aborder une notion grammaticale, des bandes dessinées via Comic Life en FLE… Les élèves, soulignent Jacques-Olivier Martin et Agnès Giannantoni, sont motivés par la mise en activité, deviennent vite experts, abordent des tâches complexes, mènent un intéressant travail d’essai-erreur, prennent des initiatives et collaborent, réalisent eux mêmes des capsules vidéos ou des exercices pour leurs pairs. Les apports sont ainsi recensés par les enseignants du collège : le numérique me permet de différencier et varier mes activités, de travailler l’autonomie, de rassurer et restaurer la motivation des élèves, de travailler l’orientation de manière différenciée, de questionner mes pratiques, de favoriser la concertation, de créer une nouvelle dynamique dans l’établissement, de réduire l’écart des pratiques numériques, de repenser les positionnements de chacun…
Comment poursuivre et amplifier la dynamique ? En identifiant et levant certains freins : le besoin de s’opposer de certains, la possible crainte du déclin des rapports humains, la mise en danger, l’essoufflement (par exemple lié aux injonctions multiples de l’administration qui modifie sans cesse les règles), les « geeks » eux-mêmes (on peut être gêné ou écrasé par des personnels absorbés par la technicité). En cherchant à convaincre : il faut travailler dans la transparence et utiliser les moyens de communication, c’est pourquoi tout le projet est en ligne sur le site de l’établissement. En impulsant une dynamique collaborative chez les enseignants : des demi-journées banalisées sont régulièrement organisées pour permettre concertation et échanges de pratiques, des cours en coanimation ont lieu (des tableaux en salles des profs permettent de s’inscrire pour ces séances à 2), le système des ProfLabs va être mis en place pour favoriser des temps de partage d’expériences entre collègues volontaires. En se nourrissant de ce qui se fait ailleurs : l’outil de veille Scoop.it est intégré au site du collège, une liste de diffusion permet d’informer les enseignants des nouveautés liées à leur matière. En accompagnant les changements : des psychologues extérieurs à l’éducation nationale sont susceptibles d’animer des groupes de parole. En diffusant le projet pour le valoriser et le faire rayonner.
Selon Pascal Plantard, chercheur au CREAD, qui avec son équipe observe l’expérience du collège Leonard de Vinci, il n’y aura pas d’effets quantitativement mesurables des Cocons en tant que tels, mais on peut analyser les écosystèmes à l’œuvre : il y a au moins une cinquantaine d’acteurs qui sont mobilisés autour de ce projet ; la dynamique de collège connecté de Léonard de Vinci met du mouvement tout autour et l’inverse est vrai, c’est ainsi une vraie dynamique de territoire qui est en action ; il apparaît aussi que les élèves apprennent mieux, se motivent, développent le désir de savoir.
Des enseignants connectés
Durant le colloque, ateliers et tables rondes ont aussi permis aux enseignants de présenter expériences et réflexions autour des changements importants que le numérique entraîne au quotidien dans les modes d’apprentissage des élèves. Un atelier par exemple permet de découvrir la « classe inversée ». Le principe est connu : avant la classe, les élèves ont accès à la « leçon », le plus souvent sous forme de capsules ; pendant la classe, le temps est libéré pour la mise en activité des élèves. Olivier Massé, IA-IPR de Lettres dans l’académie de Bordeaux, rappelle que traditionnellement l’élève subit en classe, puis travaille chez lui, or chez lui l’élève est seul et en classe il s’ennuie… La classe inversée privilégie d’ailleurs la tâche complexe qui permet à l’élève de déterminer son parcours en autonomie : l’enjeu est aussi de développer l’esprit critique et la liberté de choix, de former un citoyen, de considérer comme Socrate que chacun porte en soi les moyens d’accéder à la vérité. Yves Castel, professeur de sciences physiques dans l’académie de Nice, témoigne de son expérience de classe inversée en terminale S : pour briser l’ennui qu’il ressentait chez ses élèves (et même chez lui), pour optimiser son temps de présence en classe, pour pouvoir aider ceux qui en ont besoin dans un classe de 34 élèves… La plateforme collaborative Moodle est utilisée pour rendre accessibles aux élèves des capsules vidéos (le cours tel qu’il aurait pu être fait en classe au TBI, des petits films scénarisés …) ou des exercices ludiques. En début de séance, une synthèse commune est réalisée. Puis les élèves sont mis en activité et l’enseignant change de posture : il peut davantage accompagner et individualiser. En fin de séance, des prolongements sont proposés. Les retours des élèves sont variés : certains se plaignent quand la vidéo n’est pas en ligne avant le cours, d’autres confient se trouver perturbés dans leurs habitudes d’élèves scolaires.
Marie Soulié est professeure de Lettres au collège Daniel Argote d’Orthez dans l’académie de Bordeaux, un collège difficile avec une forte présence de gens du voyage. Elle aussi dit avoir éprouvé le sentiment de faire son métier comme elle n’avait pas envie de le faire : essentiellement sous la forme d’un cours dialogué, ce qui présente pédagogiquement des limites et motive peu les élèves. La classe inversée lui a permis de repenser tout le dispositif. Des capsules vidéos sont mises à disposition la veille du cours : « je me suis vite rendu compte que la capsule ne devait pas être une mini notion, mais une approche », « les élèves viennent en classe avec le menu, avec l’envie d’apprendre » En classe se déroule alors une étape d’interaction, avec travail en ilots : la composition des groupes est libre et varie tous les jours ; un « ilot des curieux » réunit ceux qui la veille ont posé des questions sur les capsules grâce au questionnaire disponible sur Google Drive, l’enseignante peut leur donner des réponses individualisées ; dans les ilots, les élèves arrivent à résoudre par les échanges bien des problèmes, l’enseignante s’est dégagé du temps de parole, donc du temps pour faire autre chose tout en libéré la parole des élèves. Se déroule ensuite une phase de construction : une activité qui va permettre d’aller plus loin autour de la notion, par exemple la réalisation de cartes heuristiques qui seront ensuite projetées. Enfin, la phase de production permet aux élèves de réaliser leurs « chefs-d’œuvre », sous forme écrite ou vidéo. Les capsules sont mises a disposition sur le site du collège. Les enfants du voyage qui n’ont pas d’ordinateur et de connexion peuvent les visualiser au collège sur la plage 17 h – 17 h 15. Pour Marie Soulié, la classe inversée, c’st non pas éloigner les enfants de la classe, mais les intégrer davantage grâce au plaisir retrouvé d’apprendre.
Professeur de français au lycée de l’Iroise à Brest, Jean-Michel Le Baut souligne combien en 2014 il est amené, dans l’exercice de son métier, à utiliser des environnements numériques multiples et variés, institutionnels ou non, fermés ou ouverts : plateforme Moodle, blogs pédagogiques, comptes Twitter, cahier de textes et de notes numérique, espace Facebook, site SPIP de l’établissement, Calaméo, Prezi, Padlet, Storify, ENT académique Toutatice, M@gistère, Framapad… L’expérience montre que les outils ne fonctionnent pas quand l’usager ne se sent pas chez lui dans l’espace numérique qui lui est proposé : quand il éprouve un sentiment d’insécurité technique, de malaise professionnel (par exemple à cause de la présence intimidante de la hiérarchie), voire d’étrangéité (pour l’usager, l’écran est un miroir, il faut favoriser l’identification aux espaces et la possibilité de personnaliser les parcours). La dynamique du projet i-voix est éclairante : les lycéens français et italiens qui animent ce blog dans le cadre d’un projet eTwinning autour de la littérature ont depuis 5 ans publié plus de 17 000 articles, créatifs et sensibles, qui ont reçu plus de 900 000 visites ! En matière pédagogique, les environnements fonctionnent quand on s’adapte aux usages, valeurs, et attentes de la génération numérique, celle que Marcel Lebrun nomme la « génération 3 C » : collaborer, créer, communiquer. Cela fonctionne par exemple quand il s’agit d’un espace partagé, où chacun est à la fois émetteur et récepteur. Si l’on veut que les usagers viennent se saisir des ressources mises à leur disposition (sur un blog, sur Moodle ou sur le site de l’établissement), il faut les inviter à produire eux-mêmes des ressources ! Plus les échanges sont horizontaux, plus ils sont d’ailleurs dynamiques et efficaces : sur i-voix, les premières L du lycée de l’Iroise se perçoivent comme professeurs de lettres à destination des élèves italiens partenaires ; ces élèves italiens eux-mêmes, qui apprennent le français, se font un point d’honneur à commettre le moins de fautes possibles et accomplissent des progrès fulgurants dans la maîtrise de la langue…. Au bout du compte, chacun, élèves et profs, se fait tour à tour enseignant et apprenant. Le partage ne doit pas se limiter à la classe, à l’espace-temps scolaire, ni même au monde éducatif : pour qu’une activité numérique ait de la valeur aux yeux des élèves, il faut aller travailler sur le « vrai web », pas simplement sur des espaces scolaires ; pour que la rencontre et l’action éducatives soient possibles, il faut aller débusquer les élèves là où ils sont et de là engager un vrai travail éducatif, réaliser un déplacement pédagogique, les amener ailleurs.
Un exemple est donné d’une récente rencontre entre les élèves et un poète : le blog est utilisé pour des activités de lecture-écriture-remix autour de recueils poétiques ; Twitter permet de diffuser ces créations, d’échanger avec des écrivains, de réaliser des travaux de Twittérature autour de l’œuvre, de susciter la rencontre ; sur l’ENT Moodle, les questions sont collaborativement préparées sur un forum ; le jour J, des élèves mènent un Live Tweet pour diffuser et fixer en direct sur la toile l’essentiel des propos de l’auteur ; après la rencontre, les traces de l’événement sont mises en ligne sur le blog, Facebook, le site du lycée, Storify, une émission de radio locale …Ainsi les élèves ont-ils fait l’expérience vivante de la poésie (lecture, écriture, rencontre), expérience qu’ils ont convertie en connaissances (notamment par les gestes de transformation de l’œuvre, de fixation et de diffusion des idées échangées), et ce à travers différents outils numériques dont ils ont simultanément développé la maîtrise. Parmi tous les outils proposes, souligne l’enseignant, deux seulement sont estampillés « Éducation nationale » (Moodle et le site du lycée) et plusieurs sont par défaut filtrés dans l’établissement (la plateforme de blog, Twitter, Facebook) : le système doit s’interroger suer sa capacité à favoriser ou freiner le bonheur et la fierté d’apprendre…
Quels enseignements en tirer ? Il faut donner à nos élèves le sentiment d’appartenance à une communauté d’apprentissage. Et pour y réussir il faut en sortir… L’éclatement des outils disponibles, loin d’être un handicap, est la condition de la réussite. Il importe de pouvoir varier les espaces de travail et de diffusion, de pouvoir aussi créer entre eux des passerelles. Si on accepte d’envisager le web tel qu’il est, c’est-à-dire comme une invitation, saisie par beaucoup d’adolescents, à échanger et à créer, à se cultiver et à se construire, alors on peut les y accompagner pour encore mieux les former. Ce qu’il faut aussi désormais penser, c’est le développement, chez les élèves de la « génération mobile », de nouveaux usages du web liés en particulier aux Smartphones : il va nous falloir accepter ceux-ci dans les lieux d’apprentissage (et les moments d’évaluation …), concevoir des usages et des ressources pédagogiques adaptés (sont à repenser la présentation et la taille des textes que nous leur transmettons et/ou qu’ils produisent, la possibilité d’une interactivité…), rendre techniquement possible le fait que les élèves reçoivent sur leurs téléphones des notifications de nature scolaire (quand le prof a déposé un document sur l’ENT, quand un autre élève a déposé un commentaire sur une production etc.). Qu’attendre alors de l’Education nationale ? Avant tout qu’elle favorise la révolution culturelle en cours. Cela passe par certains changements essentiels : des obstacles aux usages (sites filtrés, wifi interdite…) doivent être levés tant ils découragent les bonnes volontés ; les programmes et les modalités d’évaluation sont à refonder d’urgence, tant ils figent des pratiques pédagogiques obsolètes ; les mentalités doivent évoluer un peu partout, tant il paraît impératif que l’administration et les enseignants acceptent de perdre un peu le contrôle. Pour le plus grand profit des élèves.
Un système éducatif connecté
« Vivre le numérique au quotidien en établissement » : c’est le titre même du colloque qu’est chargé d’éclairer Jean-Louis Durpaire, Inspecteur général de l’Éducation nationale. La vie des élèves est changée par les outils mobiles, de même qu’est bousculée par les nouvelles technologies celle des professeurs, qui d’ailleurs parfois s’autocensurent, n’osant pas par exemple se lancer dans un projet de « twittclasse » parce que le règlement intérieur de l’établissement les en empêche. De nouveaux « règlements de vie » sont à inventer à l’heure du numérique : qu’allons-nous interdire ou autoriser ? comment intégrer par exemple le « Bring Your Own Device » (BYOD), autrement dit la pratique, de plus en plus courante, qui consiste à utiliser ses équipements numériques personnels en classe ? Le numérique, ajoutera-t-on, parce qu’il abat les murs de la classe et de l’établissement, ne rend-il pas obsolète le terme même de « règlement intérieur » ? Vivre le numérique à l’Ecole, insiste Jean-Louis Durpaire, c’est traiter la question de l’éducation tout court (au lire, écrire, compter, créer…) qui désormais se pose à l’intérieur d’une société du numérique, celle que les élèves habitent. Il convient d’ailleurs de dépasser l’opposition entre un numérique post classe (abondant et ludique) et un numérique scolaire (rare et sérieux) : cette dissociation des temps est préjudiciable aux élèves, il faut leur démontrer qu’après la classe ils peuvent aussi se servir utilement des outils. La question du numérique en établissement risque quant à elle d’être modifiée par la réforme des collectivités territoriales envisagée par le nouveau Premier ministre. Plus fondamentalement, l’éducation est à repenser en termes de continuités et d’interactions : les réseaux sociaux par exemple peuvent aider à mieux former les élèves, tout en les armant pour réfléchir à leur identité numérique.
Une table ronde animée par Yaël Briswalter, délégué Académique au Numérique dans l’académie de Grenoble s’attache à montrer combien le numérique rompt les règles d’unité du théâtre classique de la classe. L’action pédagogique était jadis concentrée en un temps et un lieu clairement définis et délimités : tous les élèves d’une même classe, à une heure donnée recevaient un même enseignement, selon une pédagogie magistrale suivie d’exercices d’application. Le numérique est une révolution qui annule l’espace, comme le dit Michel Serres. Le lieu du savoir n’est plus seulement la salle de classe : il s’étend aux espaces en ligne, est accessible par des outils mobiles, s’organise autour de CDI transformés…. L’organisation temporelle, par l’immédiateté de l’accès aux connaissances et l’instantanéité des échanges, en est également chamboulée, tout autant que l’unité d’action, qui vole en éclats avec la classe inversée, les travaux collaboratifs, les parcours personnalisés, les ateliers et les projets. Si le numérique rompt les règles d’unité du théâtre de la classe, va-t-il déclencher une « bataille d’Hernani » ? Comment le système peut-il affronter certains « principes de réalité » comme l’architecture des établissements, l’organisation des emplois du temps, les habitudes de pédagogie frontale… ?
Le cauchemar de Jean-Pierre Véran, inspecteur d’académie, c’est que, puisque les savoirs sont partout, advienne une société sans Ecole : « le numérique implique non pas moins d’école, mais mieux d’école ». Il faut favoriser « l’apprentissage démocratique » qui passe par « le self-government ». Il faut viser à ce que l’élève ne fasse pas que des devoirs, que chacun puisse être un éditeur numérique, capable de s’exprimer, de créer, de produire de l’information. Le système éducatif dans son organisation est héritier des temps monastiques : une flexibilité temporelle est à inventer. Le décret de juillet 1985 indique d’ailleurs que l’établissement est autonome pour l’organisation du temps scolaire : pourquoi ne le fait-on pas ? Des freins existent : la forme scolaire française fait système (organisation des divisions, des apprentissages au sein de la classe, de l’évaluation…), elle a du mal à laisser autre chose que des marges à ce qui la remettrait en cause fondamentalement. Le but d’un chef d’établissement est de bâtir en début d’année des emplois du temps sans « trous » : peut-être faute de lieux adaptés, mais il y aurait la possibilité d’exploiter intelligemment ces « trous », de favoriser l’émergence de parcours personnalisés, de mettre en place des ateliers en collaboration avec le CDI ou la Vie scolaire, pour peu que les personnels y aient des missions d’assistants pédagogiques plus que de surveillants. Il faut être optimiste : un « changement de velours » est possible, équivalent à celui qu’entraîna au 19ème siècle selon Anne-Marie Chartier le passage de la plume d’oie à la plume métallique.
Jean-Paul Moiraud, enseignant à l’Université Jean Moulin Lyon 3, souligne la porosité vie privée – vie professionnelle : comment gérer son écosystème numérique ? comment faire entrer le savoir dans la maison pour des temps à déterminer ? Si tous les profs se mettent au numérique, il va falloir mieux penser ce temps de l’élève hors la classe en l’organisant, en collaborant, en prévoyant un temps de déconnexion. Dans l’établissement, le numérique change la question du nombre d’élèves par classe, désormais modulable : tout l’établissement peut être réuni pour des visioconférences (on peut inviter en classe des experts de toute origine) tandis qu’à d’autres moments seront conduits des travaux en petits groupes.
Didier Vin-Datiche, IGEN-EVS, oppose deux modèles éducatifs : hier des élèves sous perfusion qui absorbent goutte à goutte le savoir déversé par le maître, demain peut-être un régime d’apprentissage où le temps est plus élastique et l’espace plus poreux, ou les inégalités sociales vont se réduire grâce aux outils numériques qui aident à différencier la pédagogie et mieux construire les parcours d’orientation. Les enseignants doivent désormais apprendre à construire des scénarios pédagogiques pour adapter la formation. Questions à se poser : est-ce qu’un établissement ce peut être autre chose que des heures de cours agrégées ? comment faire pour que tous les temps non scolaires en établissement soient des temps d’apprentissage, cognitif ou de socialisation ? Il faut faire évoluer les cultures professionnelles, les représentations traditionnelles du métier d’enseignant. L’accompagnement pédagogique des équipes est à renforcer, sur le terrain, au plus près de leurs besoins. A l’ère de la massification, les CDI ont rempli une fonction historique pour offrir des conditions nouvelles d’accès a la culture. A l’ère du numérique, ils sont amenés à se transformer en « Centres de connaissance et de culture » : ces « carrefours d’apprentissage » sont des bibliothèques auxquelles on associe des fonctions technologiques et pédagogiques d’aides aux usagers.
Olivier Rey, responsable du service Veille & Analyses de l’IFE-ENS Lyon, appelle de ses vœux une Ecole de la bienveillance et de la fierté. Il est impératif de réconcilier les Français avec leur Ecole, de faire en sorte que les parents puissent mieux dialoguer avec les enseignants pour que tous se comprennent mieux, que les élèves eux-mêmes puissent montrer ce qu’ils font à l’école et en être fiers. Cela suppose de ne pas communiquer que par les moyens de l’ENT. Un élève qui finit sa scolarité en France, avec quoi part-il ? Le brevet des collèges ?! Le Livret Personnel de Compétences ?! Ne faudrait-il pas imaginer qu’en fin de 3ème chacun ait réalisé un « chef-d’œuvre », un projet qu’il puisse montrer ? Il importe par ailleurs de penser l’organisation non plus en termes d’heures de cours, mais de temps nécessaire pour les apprentissages : cela suppose de centrer vraiment le curriculum sur les élèves. S’approprier le savoir, c’est le transformer, souligne Olivier Rey. Dès lors se pose aussi la question de l’évaluation, appuyée encore pour l’essentiel sur les formes traditionnelles de connaissances, sur des modalités individuelles et non collectives, avec un poids important de la comparaison sociale.
Julie Higounet, chef de projet « Usages du numérique – Premier degré », perçoit le numérique comme une chance pour faire sortir les élèves de l’école et pour y faire entrer autre chose. L’enseignant doit apprendre à modéliser de nouvelles interactions : entre ses élèves, avec ses élèves, avec le monde extérieur. Les professeurs-documentalistes sont amenés à jouer un rôle essentiel, notamment avec le développement de « bibliothèques 3èmes lieux ». Pour l’accompagnement des enseignants, le service de formation hybride M@gistere déjà lancé dans le primaire peut commencer à débloquer les choses. De nouvelles modalités d’évaluation s’inventent, qui s’éloignent du modèle sommatif. En Arizona, raconte Julie Higounet, il a fallu se poser la question des longs temps de transport entre la maison et l’école : les cars scolaires ont été équipés de Wifi, il s’est avéré que les taux de réussite ont augmenté…
Alain Thillay, chef du bureau des usages numériques et des ressources pédagogiques à la DGESCO, anime une table ronde qui explore les moyens de faciliter les usages de services et ressources numériques dans les apprentissages : comment les faire connaître ? comment identifier es besoins ? comment aider les uns et les autres à se les approprier et/ou à en produire à son tour ? François Villemontex, enseignant-chercheur à l’Université de Cergy-Pontoise, rend compte d’une étude menée dans le premier degré sur l’usage de tablettes tactiles dans 8 établissements et 8 écoles. Des questions sont soulevées : quel geste professionnel doit-on associer pour organiser une évaluation de documents numériques ? comment résoudre les problèmes de manipulation de ces documents (récupération, affiliation, diffusion) ? comment gérer les traces laissées par les élèves ? comment former les enseignants à une ingénierie pédagogique complexe ?
Jean-Michel Leclercq, directeur délégué du CNED en charge du nouveau programme de soutien scolaire « D’Col », en présente l’ambition : mettre à disposition des établissements un nouvel outil pour l’accompagnement personnalisé, dans l’établissement et hors établissement, des élèves de 6ème en difficulté. Un « agent conversationnel », Tom, a été créé pour guider l’usager dans la plateforme : construit autour d’une base de connaissances, il est en capacité de répondre aux questions de l’élève, de reformuler, d’orienter, de mettre en relation si besoin avec un enseignant tuteur du CNED… 15 000 interactions par jour ont actuellement lieu avec cet avatar, ce qui d’ailleurs donne un instantané intéressant des questions les plus posées en maths en classe de sixième. L’objectif est de renforcer l’interaction en trouvant une valeur ajoutée pédagogique. D’ores et déjà un millier de collèges ont déployé le dispositif D’Col.
Bertrand Cocq, directeur général adjoint du réseau CANOPÉ, présente certains services numériques désormais en place. « Les fondamentaux » proposent de petits films pour développer l’acquisition des connaissances fondamentales en école élémentaire, avec des fiches d’accompagnement pour les parents et les enseignants. D’ores et déjà sont en ligne 120 vidéos, 109 fiches pédagogiques et 14 fiches parents, avec un trafic en constante augmentation malgré l’absence de communication sur le dispositif. « Edutheque » est un portail unique vers des sites d’établissements publics à caractère culturel ou scientifique (BnF, Centre Popisou, Ina, Louvre, Cnes, Insee…) : il permet aux enseignants de découvrir et de récupérer de multiples et précieuses ressources : 16 partenaires sont déjà présents, 35 000 enseignants s’y sont déjà inscrits. Le site « Corpus » propose un jeu sérieux pour améliorer la connaissance du corps humain et l’éducation à la santé. En partenariat avec l’émission télé Thalassa, « D-day L’odyssée » prolonge l’expédition sur web et tablette.
Pour Marie Deroïde, chef de projet ENT et services numériques à la DGESCO, les enseignants doivent avoir accès à toutes les ressources depuis n’importe quel matériel. Des compromis sont à trouver : lever un maximum d’interdictions tout en favorisant un sentiment d’appartenance, prendre en compte le besoin de personnalisation tout en protégeant les données à caractère personnel… Il s’agit de mettre en place un cadre de confiance et de cohérence.
En guise de conclusion
Dans sa conférence de clôture, Daniel Auverlot, Inspecteur général, appuie sur quelques tiraillements perceptibles. Il raconte par exemple la mésaventure survenue à un professeur d’anglais approfondi : ses élèves à l’examen doivent présenter un dossier, beaucoup ont choisi de le faire via Prezi, Powerpoint ou des blogs, or dans le centre d’examen il n’est pas techniquement prévu de permettre à l’examinateur de les visualiser pour mener avec les candidats les échanges à leur sujet … « La nature et les modalités d’enseignement changent quand les examens et les concours changent », note Daniel Auverlot. Il y a aujourd‘hui aussi un décalage entre une politique volontariste et la pratique de terrain, des inégalités de traitement peu compréhensibles entre les académies (la wifi autorisée ici, interdite ailleurs) ou les établissements (des sites filtrés ici, accessibles ailleurs), une contradiction entre l’architecture des établissements, historiquement construits selon le principe de l’école de la surveillance, et la capacité du numérique à faire disparaître la clôture, ce que certains jugent inquiétant. Désormais, l’établissement entier est amené à devenir un espace d’apprentissage, même la cafétéria quand on mange, l’escalier où on s’assoit, la pelouse où on s’allonge … Il convient de surmonter les tensions entre les souhaits de l’institution en quête de cohérence, de clarté, de sécurité… et les aspirations des enseignants ou des élèves en recherche d’autonomie, de liberté, d’ouverture, de créativité.
Changer la vie par le numérique dans les établissements scolaires : une utopie ? Et s’il s’agissait tout simplement pour l’Ecole de s’adapter à la réalité du monde ?
Jean-Michel Le Baut
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