Ca tombe bien : Alors que le départ de V. Peillon est interprété par beaucoup comme lapreuve de l’incapacité de changer l’Ecole, l’AFAE pose la question du changement. Réunis à l’occasion du 36ème congrès de l’Association française des acteurs de l’éducation (AFAE), le 4 avril à Versailles, Antoine Prost, Claude Thélot et Pierre-Yves Duwoye, recteur de Versailles, ont travaillé sur un thème à débattre « peut-on réformer l’Ecole ». Entre praticiens et historien, les échanges ont été d’autant plus riches que, entre cadres de l’éducation nationale, on oublie parfois la présence des tiers. Il a été question des réformes anciennes, réussies ou ratées. Mais aussi des conditions de la réussite d’une réforme. Une question d’actualité qui invite à la confidence…
Association des acteurs de l’éducation, l’AFAE s’appelait il a encore peu association des administrateurs de l’éducation. Au 36ème congrès, le 4 avril, près de 300 personnes se pressent. Les premiers rangs regroupent de hauts fonctionnaires, anciens recteurs ou recteurs en exercice, inspecteurs généraux, Dasen… Derrière eux près de 300 principaux et proviseurs qui rêvent sans doute de carrière. On est donc entre soi, entre cadres de l’éducation nationale. Ca délie les coeurs. Et cela d’autant plus que les trois invités font rire la salle de leurs anecdotes et de leurs bons mots. On n’est pas tout le temps sérieux quand on est haut fonctionnaire…
Recteur de Versailles, PY Duwoye a longtemps été le discret secrétaire général du ministère avant de devenir le premier directeur de cabinet de Vincent Peillon. Claude Thélot a dirigé une tentative de réforme avortée à travers l’expérience de la « commission Thélot », il y a 10 ans. Antoine Prost est un historien de ‘l’éducation. Mais il a aussi participé à plusieurs commissions et dispose donc également des souvenirs du praticien. Trois personnalités qui connaissent finement les rouages de la machine éducative, qui maitrisent son histoire et qui, pour deux d’entre elles, jouissent d’une totale liberté.
« Qui veut changer l’Ecole ? », interroge en ouvrant la conférence, Pierre-Yves Duwoye. Pas grand monde sans doute. La majorité des parents bénéficie du système et ne songe pas à en changer. Les enseignants, déjà soumis à des réformes régulières de programmes, s’en méfient. L’administration est un énorme machine difficile à faire bouger. Les syndicats « ne sont pas un obstacle », selon PY Duwoye , mais ont une autre mission. Le réformateur pourrait donc être bien seul…
« Il y a des rapports qui dorment dans les tiroirs, d’autres qui fermentent et d’autres encore qui germent », s’amuse Antoine Prost. En général le chemin de la réforme passe par une commission suivie d’un rapport. C’est le ministre qui décide de leur sort. Antoine Prost a vu aussi des réformes conduites par l’administration centrale réussir. Par exemple la création des bacs pro, la réforme des collèges (en 1959-1963).
Les syndicats n’ont jamais empêché une réforme pour peu qu’elle soit soutenue par l’administration, affirme A Prost. L’échec de la réforme Thélot tient au lâchage par le ministre. Si l’administration centrale ne soutient pas une réforme elle a peu de chances d’aboutir. Mais, pour lui, l’administration sait modifier les structures elle ne sait pas réformer la pédagogie. Pour faire évoluer la pédagogie il faut des structures de mission comme l’INRP ou les Mafpen, des structures en charge de la formation continue dans les années 1980.
Claude Thélot peut parler de réforme puisque la sienne échoué. Il a tiré de cette expérience des enseignements. Pour lui, on ne pourra faire réussir les 20% d’élèves en échec qu’en libérant les initiatives des enseignants et des chefs d’établissement. Cela passe par l’autonomie des établissement, une autonomie encadrée par un cadrage national et des évaluations. « Il faut libérer l’expérimentation » des enseignants et des chefs d’établissement. Et pour cela il invite le ministre à s’appuyer sur les minorités actives pédagogiques et à accorder moins d’importance au syndicat majoritaire. « Nous ne somme spas raisonnables de confier à certains syndicats trop d’importance », dit-il.
Les syndicats et le changement, PY Duwoye peut en parler. Il se lache et raconte que pendant l’élaboration de la loi d’orientation de l’Ecole, V Peillon avait imaginé un article libérant les expérimentations. Au cours d’une laborieuse nuit de négociations avec les syndicats, l’un d’entre eux a obtenu le retrait de cet article sous prétexte que les élèves risquaient de devenir des cobayes…
Alors peut-on réformer l’Ecole ? Antoine Prost recommande le changement doux : par exemple demander aux enseignants de faire le tableau des contrôles en début d’année et le distribuer aux parents. Claude Thélot rêve du contournement du syndicat majoritaire par des minorités actives. Dans les deux cas c’est vers le terrain que l’on se penche. Mais comment les convaincre ?
François Jarraud
Sur le site du Café
|