Quel rôle jouent les indicateurs des lycées dans les choix des parents ? Pourquoi l’Etat publie-t-il ses propres indicateurs alors qu’il refuse les données d’établissement de Pisa ? Agnès Van Zanten, sociologue, auteure avec G Felouzis et C Maroy de « L’école face au marché scolaire », analyse l’usage que la société et l’Eta fait des indicateurs des lycées.
Quel rôle jouent les indicateurs des lycées dans les décisions des parents ?
C’est un élément de décision chez les parents favorisés dès lors qu’on n’a pas choisi un établissement tellement prestigieux que le palmarès compte peu. Pour certains parents le choix va au-delà des résultats. C’est une association à vie avec un établissement prestigieux. Ailleurs les parents intègrent le palmarès dans une décision en cherchant à savoir comment il est produit. Car le palmarès donne des résultats de moyennes. Or les parents se demandent si l’établissement va convenir à leur enfant. Donc ils vont essayer de vérifier en s’adressant à des connaissances. On observe que les hommes s’intéressent au palmarès et essaient de qualifier le résultat, et que les femmes agissent plutôt par leur réseau social.
Les parents sont sensibles à d’autres critères que les résultats ?
Bien sur. Il y a d’abord les contraintes géographiques qui peuvent être très fortes. Il y a la question du coût pour le privé ou des valeurs religieuses. Le climat d’établissement est quelque chose d’important. Le palmarès ne touche qu’à une seule dimension, la scolarité.
Quelle fonction ce palmarès, un véritable monument, a dans le système éducatif français ?
Derrière ce monument il y en a un autre : le bac. Il y a la très grande valorisation du bac comme diplôme garantissant un niveau d’éducation, et même longtemps marquant le passage entre couches sociales. Ce n’est pas l’institution scolaire qui a lancé le palmarès mais Le Monde de l’éducation en 1982. Il l’a fait en voulant montrer les écarts entre les lycées. L’Etat a réagi en publiant les indicateurs.
L’Etat refuse de participer aux évaluations d’établissements dans Pisa mais publie les indicateurs des lycées. Comment comprenez-vous cette situation ?
La France se voit comme fondatrice de la statistique éducative. Elle en est fière. C’est une façon de défendre son exception culturelle, un modèle français dont on dit que Pisa le saisit mal. En France on croit à la connaissance qui éclaire mais qui ne sert pas immédiatement. Elle doit passer par la réflexivité. Ces enquêtes diffusent donc un modèle de rapport à la connaissance éloigné du modèle des Lumières.
Propos recueillis par François Jarraud
A Van Zanten : Le marché scolaire
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