Et si nos élèves étaient meilleurs que l’on ne croit ? Mauvais en maths, mais capables de logique et d’initiatives pour démêler les difficultés d’un problème. C’est ce que révèle une enquête PISA inédite sur « les résolutions de problèmes » qui montre que les jeunes Français se situent devant leurs camarades européens et américains. Ce n’est pas le seul paradoxe français. Quand il s’agit de résoudre des problèmes, les élèves des milieux défavorisés se débrouillent mieux que ceux issus des classes supérieures à niveau scolaire égal. Mais comment expliquer ces résultats qui prennent à revers ceux du Pisa classique ? Pour le savoir le Café a interrogé les experts du ministère et ceux de l’OCDE.
C’est une enquête pas commune, révélée le 1er avril au matin par l’équipe de Pisa. Elle ne s’attache pas à des compétences classiques en compréhension de lecture ou en maths mais aux capacités des jeunes de 15 ans à comprendre, agir et régler des problèmes. « L’évaluation des compétences en résolution de problèmes cible les capacités générales de raisonnement des élèves, leur aptitude à réguler les processus de résolution de problèmes et leur volonté d’y parvenir, en les confrontant à des problèmes qui ne requièrent pas de connaissances particulières – par exemple, l’achat du meilleur type de billet de transport en commun dans un distributeur de billets non familier pour l’élève en répondant à toutes les contraintes données dans le problème ». L’OCDE met en ligne d’autres exemples d’épreuves : classer des convives autour d’une table en respectant des interdictions et des obligations, suivre les évolutions d’un robot aspirateur, faire marcher un climatiseur dont on n’a pas le manuel. Voilà des types d’épreuves totalement nouveaux pour les élèves français.
Mais à quoi ça sert ? « Ces dernières décennies, on a constaté une forte augmentation du type d’emplois requérant de solides compétences en résolution de problèmes », dit l’OCDE. « Les jeunes de 15 ans qui ne possèdent pas ces compétences aujourd’hui seront confrontés à un risque de désavantage économique une fois parvenus à l’âge adulte. Ils devront entrer en concurrence pour des emplois de plus en plus rares, et s’ils sont incapables de s’adapter à de nouvelles conditions de travail et d’apprendre dans des contextes qui ne leur sont pas familiers, ils éprouveront de grandes difficultés à décrocher un emploi satisfaisant en période d’évolution du paysage économique et technologique ». Autrement dit, ces exercices renvoient aux « compétences du 21ème siècle » chères à l’OCDE. Pour Sophie Vayssettes, de l’OCDE, ça renvoie aussi à la dimension créatrice de plus en plus demandée par les entreprises.
Les résultats français sont surprenants. Les élèves obtiennent de meilleurs résultats en résolution de problèmes qu’en mathématiques. La performance des élèves français de 15 ans en résolution de problèmes se situe au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE, avec un score de 511 points (contre 500 points, en moyenne, dans les pays de l’OCDE). On est loin derrière Singapour (562), la Corée du Sud (561) ou même Shanghai (536) mais on précède l’Allemagne (509) ou les Etats-Unis (508). Les écarts entre les plus forts et les plus faibles sont moindres que pour les résultats en maths. C’est pareil pour les écarts entre les sexes (4 points d’écarts seulement). L’écart entre les catégories sociales est deux fois plus faible que pour les maths. Et, à niveau scolaire comparable, les élèves des classes populaires sont meilleurs que ceux des couches favorisées. Par contre, comme en maths, il y a un fort écart entre les résultats des jeunes issus de l’immigration (454) et les autochtones (523).
Comment expliquer que les élèves se débrouillent mieux en résolution de problèmes qu’en maths ? « Il n’y a pas l’a priori qui existe avec les maths », explique Catherine Moisan, directrice de la DEPP (division des études ) au ministère de l’éducation nationale. « Les jeunes ne se sentent pas bloqués comme ils le sont devant un problème de maths. De plus ce sont des épreuves passées sur ordinateur. Et les jeunes aiment cela. Ils trouvent cela facile. Ils se retrouvent bien aussi dans un exercice où ils procèdent par essai erreur ». S. Vayssettes rappelle que les jeunes français réussissent mieux aussi en maths quand la question est numérisée que quand l’épreuve est sur papier. « Ca contribue à l’effet désinhibiteur de ce genre d’exercice. On est éloigné d’un exercice scolaire et de plus on le passe sur ordinateur avec des procédés d’essai erreur assez ludiques ».
Que nous apprend cette étude ? « Ca nous dit d’abord qu’il y a des compétences cachées chez nos élèves en échec scolaire. Ils ont des compétences que l’école ne révèle pas forcément. On peut les développer en changeant les modes d’apprentissage. On a bien besoin que les élèves raisonnent. Or quand on le fait avec eux par écrit (argumenter par exemple) ça bloque ». « Cela montre la gâchis de notre système éducatif », nous a dit S. Vayssettes. « On s’interroge sur sa capacité à tenir compte de la diversité des élèves. Il faut faire travailler les élèves davantage en interdisciplinarité, davantage sur du concret, problématiser l’enseignement ». C’est le modèle des TPE et des IDD qui apparait mais des dispositifs qui auraient réellement place dans l’enseignement.
Sophie Vayssettes rappelle que des pays se sont engagés sur cette voie. « Au Canada, la province d’Alberta depuis 2009 a développé une vision plus large des enseignements. Ils enseignent la résolution de problèmes et aussi la prise de décision. Ils sont en train de revoir leurs programmes pour améliorer le dimension collaborative enter els élèves ».
François Jarraud