Les résultats des municipales pourraient remettre en question l’édifice fragile de la refondation. Celle-ci peut-elle survivre à un départ de Vincent Peillon ou à un changement de politique nationale ?
Sur Twitter, le mouvement des « dindons » jubile. Il s’attribuerait bien, comme une militante de Nevers, un rôle déterminant dans la défaite du PS. « Dans cette ville modèle des nouveaux rythmes scolaires, les enseignants ne sont pas allés voter », explique-t-elle. Difficile de mesurer l’impact de la réforme dans les abstentions. On peut quand même constater que les rythmes scolaires se sont peu invités dans la campagne. La situation nouvelle issue des élections va quand même rendre plus délicat l’exercice de la réforme. Un millier de communes avait déjà fait part de son intention de ne pas appliquer la réforme. La poussée de la droite pourrait augmenter ce nombre. On s’interroge aussi sur la façon dont les municipalités gagnées par l’extrême droite pourrait appliquer la réforme. Celle ci suppose un programme éducatif territorial (PEDT) pour pouvoir installer le périscolaire. Mais comment concilier les valeurs de l’école et celles de la municipalité ? Comment protéger les enfants d’influences néfastes ?
Alors que la perspective du remaniement semble s’imposer après la défaite, depuis quelques jours des voix se font entendre pour le maintien de Vincent Peillon rue de Grenelle. Ainsi Paul Raoult, président de la Fcpe, première association de parents d’élèves, nous confiait le 11 mars : « Je pense que ce ne serait pas forcément un bien qu’il y ait un changement de ministre par rapport à cette réforme. Je crains qu’un nouveau ministre nommé à la place de V. Peillon soit fatalement obligé de revenir sur des points acquis des réformes. Ce serait dommage alors qu’il faut au contraire continuer à avancer. Ce serait envoyer un signe bien négatif à la communauté éducative que d’arrêter des projets tout juste mis en place ». En effet, l’histoire du ministère de l’éducation nationale est bien garnie en ministres « pacificateurs » nommés pour arrêter toute réforme. Et l’édifice de la refondation est encore bien fragile. On l’a vu sur la réforme des rythmes. Les Espe cherchent encore leurs équilibres. Les nouveaux programmes sont encore loin. Changer le ministre pourrait bien geler la réforme de l’école. Or celle-ci , au vu des résultats du système, est inéluctable. Si la gauche n’arrive pas à la faire, nul doute que l’opinion ne l’obtienne de la droite. Ce ne serait probablement pas la même réforme…
Mais les résultats des élections posent aussi la question de la refondation à travers celle de place de l’école dans la nouvelle politique présidentielle. C’est sur la lutte contre le chômage que le gouvernement est jugé. Celle-ci va devenir la priorité, à la place de la jeunesse et de la formation. Quel impact cette nouvelle politique aura-t-elle sur l’éducation nationale ? S’il est possible, comme la Cour des comptes le recommande, de réformer l’Ecole tout en stabilisant ses moyens, cela pourrait-il se faire sans nouveaux conflits ? Comment réformer quand le gouvernement a perdu autant de soutien dans l’opinion ?
La poussée réformatrice, déjà molle, va-t-elle survivre au 30 mars ? L’avenir de l’Ecole est-ce la poursuite de son éclatement, le triomphe du chacun pour soi et à terme l’enterrement de l’Ecole républicaine ? Au lendemain des élections, l’Ecole a elle aussi rendez-vous avec son avenir.
François Jarraud