A quoi peut bien servir le socle commun si on en fait un nouveau dès que l’on quitte l’enseignement scolaire ? C’est la question posée au Sénat lors du débat sur la loi sur la formation professionnelle par un amendement de Jean Desessard (écologiste). Pour les sénateurs il semble logique que le monde scolaire reste sans rapport avec le monde professionnel…
C’est un débat un peu surréaliste qui a eu lieu au Sénat le 18 février. La nouvelle loi sur la formation professionnelle crée un droit individuel à la formation pour suivre des formations liées au socle commun de connaissances et de compétences. Oui mais de quel socle s’agit-il ?
La question est posée en séance par un amendement de J Desessard qui demande que ce socle soit celui de l’Ecole. Mais il se heurte à une nette opposition du rapporteur et du gouvernement. » Les partenaires sociaux ont défini leur propre socle de connaissances et de compétences, qui ne se confond pas avec celui que l’éducation nationale est chargée de fournir », estime le rapporteur du projet de loi. « La formation professionnelle ne peut, à elle seule, combler les insuffisances de la formation initiale ou y parer. Elle doit, au contraire, mettre l’accent sur les compétences aujourd’hui indispensables à l’exercice d’une activité professionnelle. Ainsi, les partenaires sociaux vont probablement intégrer dans le socle l’aptitude à travailler en équipe – cela ne s’apprend pas à l’école, la maîtrise des outils informatiques et bureautiques et, le cas échéant, la pratique d’une langue étrangère ». Pour le ministre, Michel Sapin, » il existe deux socles, le socle de connaissances et de compétences – dont nous parlons ici – et le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation ». Au final, l’amendement est rejeté par le Sénat.
Au moment où l’éducation nationale va entrer dans le débat difficile sur son socle commun, il est intéressant de voir comment le Sénat, qui a adopté la loi d’orientation à une majorité large, considère l’ossature de l’enseignement. Il est clair que dans l’esprit du rapporteur, le socle est associé à l’échec scolaire et que la formation professionnelle s’adresse justement aux jeunes en échec scolaire.
Ainsi il lui apparait logique que le socle commun de l’éducation nationale soit un simple exercice scolaire déconnecté de la vie professionnelle et de l’utilité sociale. Une conception de l’école étanche à sa communauté qui ne surprend même plus et alimente la méfiance, le discrédit sur l’école et aussi paradoxalement la méfiance envers les jeunes en formation professionnelle. L’Ecole c’est cher mais pas utile…
François Jarraud