La récente affaire de la Journée du retrait de l’école (JRE) a mis en évidence un phénomène profond mais caché : la défiance d’une partie des parents envers l’Ecole. La mobilisation immédiate des plus hautes autorités éducatives a montré l’importance de la crise. Et finalement elle a réussi à escamoter les symptomes. Le problème est-il pour autant résolu ? Comment renouer le dialogue avec tous les parents ?
Il aura suffit que quelques centaines de parents retirent collectivement leurs enfants de l’école pour que la République tremble sur ses bases. Immédiatement le ministre, tout l’appareil éducatif et même l’appareil d’Etat ont été mobilisés pour effacer ces retraits et ramener les parents à l’école. Cette forte réaction a réussi. Mais l’importance de la crise de défiance n’a échappé à personne. L’angoisse des responsables politiques c’est que cette défiance envers l’école vient de ceux là même pour qui elle semble la plus importante. Si la bonne bourgeoisie catholique intégriste avait retiré ses enfants cela serait passé inaperçu. Mais voilà. Lors de la JRE ce sont des parents des couches populaires qui ont repris leurs enfants, attaquant directement le mythe républicain. L’autre élément de l’angoisse c’est qu’elle révéle un véritable gouffre et non un simple différent.
Au même moment, Georges Fotinos dévoilait devant la Mission sur les relations école parents de l’Assemblée nationale les premiers résultats effrayants de son enquête auprès des directeurs et chefs d’établissement. Elle montre une double violence. 56% des directeurs d’école ont eu des différents avec des parents. Un quart par exemple a été insulté. Mais dans l’autre sens, 40% des directeurs nie toute légitimité aux élus des parents d’élèves.
C’est cette méfiance profonde que Didier Lapeyronnie est venu porter devant la même mission de l’Assemblée le 13 février. Le président du Conseil national de l’innovation était gêné pour s’exprimer. Mais le sociologue Lapeyronnie l’a emporté et a pu communiquer sur ses travaux. Pour lui, les parents des couches populaires ont le sentiment que l’école s’est éloignée d’eux, voire qu’elle fonctionne contre eux. L’affaire du JRE l’a montré. Les modèles éducatifs sont en cause. L’école rejette le modèle des familles populaires et celles-ci ne valident pas le modèle scolaire. Les parents ont l’impression que l’école veut les rééduquer ce qui peut pousser certains à penser qu’elle bourre le crane de leurs enfants. Ils ne sont pas hostiles au fait que l’Ecole éduque leurs enfants mais contre le modèle éducatif de l’Ecole. Ce que révèle l’intervention de D Lapeyronnie, c’est que l’affaire de la JRE n’est pas une étincelle subite touchant des milieux extrémistes. Pour que l’étincelle mettre le feu aussi facilement aux écoles des quartiers populaires c’est que le fossé est profond avec l’Ecole.
Coté remèdes, le président du Conseil de l’innovation était tenu à une certaine discrétion. Son ministère expérimente le « dernier mot aux parents » pour l’orientation. Or celle-ci incarne la méfiance envers l’institution. Pour D Lapeyronnie il faut « relégitimer » l’école et il n’y a qu’un moyen : faire participer les parents à la gestion de « leur » école. C’est justement cette expérience de conseil commun professeurs parents installé au coeur du collège que G Fotinos a présenté. Mais pour y arriver l’école doit d’abord découvrir que les parents sont légitimes et leur modèle éducatif aussi. Construire ce nouvel équilibre s’avère traumatisant pour une école construite contre les parents.
François Jarraud