Qu’en est-il de la réforme des rythmes en Seine-et-Marne ? Le 8 février, c’est la voix des parents d’élèves de la FCPE qui s’est fait entendre. Venus d’une dizaine de communes seine-et-marnaises, ils ont fait part de la mise en place des nouveaux rythmes, selon des modalités locales, avec les difficultés et les aménagements propres à chaque cas. L’impression d’ensemble, c’est qu’après des débuts tendus, la réforme est vécue de manière plutôt positive. Les parents apprécient qu’elle prenne enfin en compte les contraintes d’organisation des familles. Et Mehdi Azzam, président de la FCPE 77, que la réforme accorde aux parents d’élèves une place décisive.
Éviter de morceler le temps des enfants
« Dans notre commune, les gens dépendent du train pour Paris, souligne un parent d’élève. Les enfants sont généralement à l’école de 7h à 19h. La manière dont ils sont accueillis, la continuité des activités au long de la journée sont essentielles.» Première préoccupation des parents, dans ces banlieues campagnardes où le rythme de vie se fonde sur les impératifs professionnels des adultes : éviter aux enfants une journée hachée, morcelée administrativement par le passage entre les structures. Pas évident lorsque la logique éducative engendre de nécessaires différences dans les rythmes des activités. Pour accorder entre eux les enseignants, les intervenants périscolaires et les agents municipaux dans une même dynamique, la petite commune de Saint-Mammès a opté pour des thématiques communes entre toutes les structures, avec un événement festif en clôture de période. Pour que tous les enfants y accèdent, la mairie assure la gratuité complète pour les familles – non sans un effort budgétaire : près de 10% des ressources de la commune est consacré aux activités des enfants.
Fatigue accrue des enfants : un effet conjoncturel ?
Les familles ont besoin que l’école tienne compte des contraintes locales. A la FCPE, on se félicite que cette attente ait été finalement entendue par les enseignants et les municipalités, malgré les tensions et les frictions des débuts. Côté mairies, les problèmes de gestion du temps d’encadrement et de recrutement des personnels a constitué un casse-tête pour les petites communes, mais l’implication spontanée du tissu associatif, motivée par un gain de rémunération et de visibilité, a apporté un soutien précieux. Côté familles, les principales réticences ont tenu aux signes manifestes d’épuisement des enfants, dans les premiers temps, mais la situation s’est progressivement normalisée. Le temps d’enseignement du mercredi matin, réorganisé par les enseignants, est devenu de l’avis général très productif pour les apprentissages. Les parents soulignent d’ailleurs le fort investissement des enseignants, pourtant réticents au départ, dans l’organisation des projets locaux. Par ailleurs, la fatigue accrue des enfants aurait été signalée dans 90% des écoles, concernées ou non par la réforme – indice d’un climat social et familial perturbé, plutôt que du changement d’organisation ?
Faire passer la sieste sur le temps périscolaire
Dans le département de Seine-et-Marne, une cinquantaine de communes sur 450 boycottent la transmission de projets – essentiellement pour des raisons politiques. Mais quand des solutions ont été trouvées, après dépassement des réticences et des blocages réciproques, peu de désaccords subsistent à terme. Mehdi Azzam, Président de la FCPE 77, reconnaît que le discours autoritaire du Ministre, contre l’idée d’un moratoire, a permis de débloquer les situations tendues. Tout dépend ensuite de la volonté de conciliation entre les interlocuteurs, mais des solutions peuvent être inventées dans tous les cas. A titre d’exemple réussi, il évoque les maternelles de sa commune de Saint-Mammès, niveau scolaire le plus à risque pour les rythmes, en raison surtout de la multiplication des référents et de la fatigabilité des enfants. Le choix a été fait, avec succès et en accord avec les enseignants, de placer les temps d’activités périscolaires (TAP) le midi, avec une demi-heure de classe en plus le matin, et une reprise vers 14h15, quand les enfants sont plus réceptifs après un temps de sieste décalé sur le temps péri-scolaire, sous la surveillance des ATSEM. On obtient ainsi un gain de temps scolaire quotidien appréciable. Ce qui conduit aussi à réfléchir sur une revalorisation du statut des ATSEM, qui prennent alors un rôle central d’adultes référents, précise M. Azzam, par leur présence auprès des enfants tout au long de la journée. Un point reste à résoudre, celui des passerelles entre les moments d’activités, lors de la transmission des équipes : les enseignants s’y investissent au-delà de leur temps de travail, pour favoriser une passation en souplesse, mais il reste à réfléchir à un dispositif pérenne.
Davantage qu’une intégration des parents
« Les parents sont capables d’une approche pragmatique, affirme Mehdi Azzam,. Il est difficile de mettre tout le monde d’accord, mais l’implication des familles est un progrès qui permet de faire avancer la réflexion et de partager les expériences positives avec ceux qui cherchent encore. » Pour lui, la réforme des rythmes va plus loin qu’une intégration des parents dans les processus de décision : en favorisant la fusion entre le conseil d’école et les instances municipales, dans un comité de pilotage qui inclut les parents d’élèves, on contraint les instances à dépasser leurs clivages habituels et on assure unité et cohérence dans le suivi en direct des enfants. Là où d’aucuns revendiquent une décision nationale par l’État, Medhi Azzam rappelle que les conditions de vie de l’enfant sont principalement déterminées par les contraintes locales, très hétérogènes sur le territoire. On ne peut continuer d’ignorer la sociologie de l’école, dit-il, qui met à jour ces différences de conditions de vie et d’organisation du temps des familles.
Fort d’une représentativité de l’ordre des 70% en Seine et Marne aux dernières élections, la FCPE regroupe des parents de toutes catégories et de tous secteurs (ruraux, urbains, péri-urbains). Si la plupart des adhérents ne sont pas des militants, précise Mehdi Azzam, tous sont mobilisés en faveur d’une réflexion qui permettrait de mieux adapter le système aux réalités de la population et des besoins des enfants. Demeure la question de la spécificité des contenus d’enseignement scolaire : jusqu’où l’organisation partagée peut-elle préserver l’intégrité des apprentissages destinés à tous, garantie par la régulation de l’État ? N’est-ce pas vers une école sur mesure, selon les localités, les moyens et les prétentions sociales, que conduit cette évolution pragmatique, en voulant réconcilier les citoyens avec leur école publique, au péril de l’unité institutionnelle ?
Jeanne-Claire Fumet