Comment se passe la mise en place des nouveaux rythmes scolaires ? Tout va bien, proclame en gros le rapport du Comité de suivi ministériel. Rien ne va, annonce le Snuipp qui publie le même jour un contre rapport. Selon le premier syndicat du primaire, 75% des enseignants estiment que leurs conditions de travail se sont dégradées depuis la mise en place des nouveaux rythmes. Le Snuipp peint les professeurs des écoles en « laissés pour compte » et demande pour eux de nouveaux services qui les rapprocherait des enseignants du second degré. Des nouveaux rythmes vers une nouvelle identité ?
Docteur Jekyll
« Dans les communes qui ont engagé la réforme à la rentrée 2013, les différents acteurs expriment le plus souvent leur satisfaction et un large accord sur l’intérêt de la réforme », écrit Françoise Moulin-Civil, présidente du Comité de suivi. « Les organisations du temps scolaire se sont mises en place dans un climat constructif. Des ajustement ont pu être nécessaires sans remettre en cause les principes ». Quat aux activités périscolaires, « elles fonctionnent correctement ». Le rapport explique que « les matinées sont plus efficaces et les après-midis plus calmes ». La réforme a amené les enseignants à changer la place dans la journée des différentes disciplines. Ainsi dans l’académie de Nancy-Metz, le français et les maths ont lieu le matin. Les maternelles sont le point faible. Le rapport souligne la montée de l’absentéisme le mercredi matin. Il demande à ce que les activités périscolaires soient simplifiées. Les transitions entre scolaire et périscolaire sont partout à améliorer en fixant des « règles de vie » formalisées dans un contrat. Le rapport montre deux signes d’inquiétude : sur la gestion des salles de classe pour lesquelles il recommande la rédaction de « chartes d’utilisation » et sur le financement.
Mister Hyde
Le point de vue du Snuipp est totalement différent. Au lieu de synthétiser les rapports des Dasen, le Snuipp interroge ses militants à travers deux enquêtes, l’une auprès des écoles qui ont déjà appliqué les nouveaux rythmes (3568 réponses d’enseignants) , l’autre auprès des écoles qui mettront en place en 2014 (3906 écoles sur 39 000). Le bilan de la mise en place c’est le mécontentement. Les enseignants sont « les laissés pour compte », estime Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp. « On manque de considération pour eux ». Dans 15% des communes, les projets retenus sont ceux des conseils d’école dans 60% des cas l’avis du conseil n’est pas respecté. Résultat, 75% des enseignants estiment que leurs conditions de travail se sont dégradées. Pour le Snuipp, ce sont « les perdants » de l’affaire. On n’est plus très loin des « dindons »… Les enseignants déplorent l’utilisation des salles de classe, la multiplication des réunions . Tout cela pour rien : seulement 22% des enseignants jugent la réforme positive pour les élèves. « Le sentiment de gâchis domine », dit le Snuipp.
L’absence de consultation se retrouve dans les écoles qui préparent 2014. Moins de la moitié des conseils d’école s’estiment écoutés, 27% ne sont pas consultés. Cela amène le Snuipp à remettre en question les affirmations du ministère que les 88% de communes qui auraient rendu leur projet. Dans plusieurs grandes villes, le projet n’est pas connu. Le Snuipp cite Lyon, Marseille, Nice, Strasbourg, 4 communes seulement mais beaucoup d’enfants. Dans les trois quarts des communes il n’y a pas de projet spécifique pour les maternelles.
Réécriture du décret, refondation du métier….
Le Snuipp demande la réécriture du décret de façon à ce qu’il autorise des dérogations. Il cite le cas de Munster, Lille où une autre organisation (5 matinées et 2 après midi d’école) est demandée. Le Snuipp veut que les avis des conseils d' »école soient décisionnels.
Pour le syndicat le moment est venu de la reconnaissance du travail des enseignants en alignant leur situation sur celle des enseignants du second degré. A diplôme égal, le master, situation égale. Le Snuipp veut l’alignement de l’ISAE sur l’ISOE. Il demande l’égalité de salaire. Mais il veut aussi aller vers les 18 heures. Dans une première étape il demande 21 heures de cours devant élèves et 3 heures de concertation en déconnectant le temps élèves de celui des enseignants. « C’est une question de considération », nous a dit S. Sihr. « Il y a un moment où l’engagement des professeurs doit être reconnu ». Les enseignants pourraient aussi avoir des spécialités et engager des échanges de service. On touche là la limite d ela secondarisation du primaire. Pour Sébastien Sihr, « on reste attaché à la polyvalence. Les enseignants choisissent le primaire pour travailler auprès des enfants » et les accompagner toute l’année à travers plusieurs disciplines. Mais la tentation du secondaire est là. C’est le choc en retour d’une réforme engagée maladroitement.
François Jarraud