Les parents des ZEP vont-ils poursuivre en justice l’Etat pour qu’il arrête d’envoyer en ZEP des profs débutants ? C’est ce qui se passe en Californie où des parents demandent la révision des droits sociaux des enseignants. Neufs familles poursuivent l’état de Californie au motif que les droits sociaux des enseignants nuisent au principe d’égalité. Une affaire qui pourrait bien devenir exemplaire.
Neuf familles ont porté plainte devant un tribunal de Los Angeles en Californie. Elles estiment que cinq points statutaires des enseignants californiens violent le principe d’équité dont devraient bénéficier les enfants. Le statut des enseignants rendrait trop difficile le licenciement des enseignants « inefficaces ». Or ces enseignants là se retrouvent trop souvent devant les élèves des minorités défavorisées. C’est au nom de la défense des intérêts des jeunes des quartiers populaires qu’il faudrait revenir sur les droits des enseignants.
Le procès pose une bonne question. Les enfants des quartiers défavorisés ont-ils les mêmes avantages scolaires, voire une situation meilleure, que ceux des quartiers favorisés ? Des études aux Etats-Unis montrent que les élèves « noirs » ,latinos et pauvres ont plus de chance d’avoir des enseignants moins expérimentés. En France, comme le rappelle Choukri Ben Ayed, la Cour des Comptes n’a pas caché ses doutes sur les avantages des établissements prioritaires. Recevant des enseignants en début de carrière, le cout total des établissements prioritaires est inférieur à celui des établissements privilégiés de centre ville accueillant des enseignants de corps plus prestigieux et plus anciens dans le métier.
De là, les partisans des parents californiens glissent une autre idée. Ils mettent aussi en avant « l’effet prof » : c’est la qualité de chaque enseignant qui serait déterminante pour l’avenir des élèves. Cette idée est aussi souvent émise en France notamment par un courant qui croit connaitre les recettes pour bien enseigner. Par suite la défense des intérêts des élèves pauvres exigerait qu’on fasse aisément le tri dans les enseignants et que les parents puissent exiger le licenciement des « mauvais » profs. Pour cela il suffirait de doter les établissements de batteries de tests informatisés permettant, au vue des résultats des élèves , de détecter les « mauvais profs » avant de les traiter en conséquence.
Le raisonnement est tellement simple qu’il fait des émules. On a vu récemment la Dgesco se doter d’appareils statistiques simplissimes pour évaluer les résultats de chaque classe. Dans le système il existe des pressions très fortes pour rendre publics les résultats des collèges afin que les parents puissent faire pression sur les autorités. Quant à la procédure de nomination des nouveaux enseignants, elle est effectivement critiquable même si elle arrange beaucoup d’enseignants.
Aux Etats-Unis les opposants à la demande des parents posent la question de la valeur ajoutée des enseignants. Ils contestent la qualité des évaluations numérisées des enseignants. Evidemment chacun se souvient du prof qui a marqué sa vie. On sait bien dans la salle des profs que M. X ou Mme Y s’en sortent bien avec les élèves, il reste qu’il est impossible d’évaluer la part de chaque professeur dans la progression des élèves. Ce sont des équipes d’enseignants qui font progresser les élèves de façon coordonnée ou pas et même des établissements car jouent également les relations entre les élèves et le climat global de l’établissement.
Il est plus facile de compter l’effort financier fait vers les établissements et d’utiliser ces moyens pour soit attirer des enseignements mieux formés pour ces publics soit pour mieux accompagner les enseignants qui travaillent dans les établissements prioritaires. Il est aussi plus facile de jouer sur les conditions d’enseignement, par exemple le nombre d’élèves par classe.
En fait ce que découvrent les enseignants californiens c’est que l’échec scolaire peut se retourner contre eux. Dans les situations de crise il est plus facile de désigner les responsables que de traiter les problèmes. Il semble que l’opinion française soit déjà bien engagée dans ce genre de raisonnement simpliste.
François Jarraud